Dépôt de cinq traités relatifs à la propriété intellectuelle au Parlement

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31 janvier 2014

Le 27 janvier 2014, le Parlement du Canada a soumis à la discussion cinq traités internationaux liés à la propriété intellectuelle.  Ces traités sont :

  • Le Protocole relatif à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques (le « Protocole de Madrid » );
  • Le Traité de Singapour sur le droit des marques (le « Traité de Singapour »);
  • L’Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et services aux fins de l’enregistrement des marques (l’« Arrangement de Nice »);
  • L’Acte de Genève de l’arrangement de La Haye concernant l’enregistrement international des dessins et modèles industriels (l’« Acte de Genève »); et
  • Le Traité sur le droit des brevets.

Ces traités sont des ententes internationales que le Canada peut ratifier et lesquelles seraient régies par le droit international.  Chacune a pour objectif d’harmoniser les procédures de dépôt et d’enregistrement dans des territoires multiples. Les États-Unis, entre autres, ont notamment révisé leurs règles de procédure en vertu de la loi intitulée Patent Law Treaties Implementation Act, laquelle modifie le droit des brevets aux États-Unis pour mettre en œuvre les dispositions du Traité sur le droit des brevets.  En termes généraux, le Protocole de Madrid  et l’Acte de Genève visent à instaurer un système d’enregistrement international pour les marques de commerce et les dessins industriels, respectivement.  Le Traité de Singapour et le Traité sur le droit des brevets ont pour objectif de rendre plus conviviaux les systèmes de marques de commerce et de brevets nationaux, respectivement, et ainsi réduire les coûts de conformité pour les entreprises et les titulaires de brevets et de marques de commerce.  L’Arrangement de Nice a trait à un système servant à classer les produits et services aux fins de l’enregistrement de marques de commerce.  Chacun des cinq traités est administré par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) établie à Genève, en Suisse.

Au Canada, le dépôt d’un traité au Parlement par le ministre des Affaires étrangères est la première étape procédurale suivant la signature ou l’adoption d’un traité international menant à sa ratification et à sa mise en œuvre subséquente.  Depuis que les traités susmentionnés ont été déposés au Parlement, on peut s’attendre à ce que le gouvernement observe un période d’attente d’au moins 21 jours de séance pendant lesquels les membres du Parlement peuvent débattre des aspects de n’importe lequel des traités ou présenter des motions y afférentes, de même que passer au vote relativement à ces dernières. Dans le cadre du processus parlementaire, les aspects touchant la ratification et la mise en œuvre peuvent être orientés par le contenu du mémoire explicatif qui accompagne le dépôt de chaque traité.  Chaque mémoire explicatif [1] résume le sujet du traité, les façons dont le traité pourrait favoriser les intérêts du Canada, et les considérations politiques, financières ou autres liées à la mise en œuvre de ce dernier.  

La période de 21 jours de séance expirera le 4 mars 2014, date à laquelle le gouvernement pourra prendre des mesures supplémentaires pour faire adopter les traités.  Dans certains cas, l’adhésion aux obligations du traité peut être possible sans l’introduction d’une nouvelle législation.  Dans d’autres cas, il se peut que des modifications aux lois soient requises pour se conformer aux obligations du traité.  

Le Protocole de Madrid

Le Protocole de Madrid fournit un système de dépôt de marques de commerce centralisé, lequel permet aux titulaires de marques de commerce d’obtenir l’enregistrement de leurs droits dans des territoires multiples au moyen du dépôt d’une seule demande. En vertu du Protocole de Madrid, le dépôt d’une demande locale au bureau des marques de commerce du titulaire de marques permet l’obtention de l’enregistrement dans d’autres pays contractants du traité, lesquels ont été identifiés dans la demande locale d’origine.

Le Protocole de Madrid permettrait aux titulaires de marques de commerce canadiens qui souhaitent obtenir des droits sur des marques de commerce enregistrées dans plusieurs territoires à l’échelle mondiale, d’épargner temps et argent, en comparaison au dépôt de demandes individuelles dans chacun de ceux-là. Par exemple, le fait d’effectuer des dépôts par le truchement du Protocole de Madrid éliminerait le besoin de retenir les services d’agents de marques de commerce locaux dans chaque pays où l’on souhaite effectuer un enregistrement. Autre avantage possible : la capacité de traiter les questions administratives en ce qui a trait au maintien d’un portefeuille de marques de commerce dans plusieurs territoires (comme des modifications à la propriété d’un enregistrement) en une seule étape.

Un des désavantages potentiels de choisir d’effectuer une demande d’enregistrement aux termes du Protocole de Madrid est la vulnérabilité potentielle des enregistrements internationaux aux attaques dites « centralisées ». En effet, si la demande d’origine ne se rend pas au stade de l’enregistrement ou ne dépasse pas le stade de la demande et est annulée au cours des cinq premières années de l’enregistrement, il peut y avoir une perte de droits relativement aux demandes et aux enregistrements internationaux. De telles situations sont relativement rares et peuvent être corrigées par la conversion de demandes internationales en poursuites de demandes nationales individuelles dans chaque pays.

Autre fait à noter, la portée des produits et services pour lesquels il est possible d’obtenir un enregistrement dans d’autres pays contractants de l’entente ne peuvent dépasser celles établies aux termes de la demande d’enregistrement ou de l’enregistrement d’origine du demandeur.

Pour lire la liste complète et une discussion des changements prévus à la pratique du droit canadien et causés par la mise en œuvre du Protocole de Madrid, rendez-vous sur le site Web de l’OPIC.

Le Traité de Singapour

Le Traité de Singapour dont on a d’abord convenu en 1994, et qui a été plus tard modifié et étoffé en 2006, vise à simplifier et à harmoniser les procédures de dépôt de marques de commerce et autres formalités. Par exemple, le Traité de Singapour prévoit la division des demandes.  En effet, dans les cas où une demande d’enregistrement de marques de commerce rencontre des obstacles au stade de l’examen relativement à certains produits et services seulement, le dépôt d’une demande divisée permettra de faire progresser les demandes touchant les produits et services non litigieux tout en répondant aux objections du bureau des marques de commerce. Le Traité de Singapour fournit aussi une reconnaissance des marques de commerce dites non traditionnelles comme des hologrammes, des marques sonores et des marques olfactives.

Autre fait à noter, le gouvernement a récemment proposé des modifications à la Loi sur les marques de commerce au moyen de la Loi visant à combattre la contrefaçon de produits, laquelle fournirait également des procédures de demandes d’enregistrement de marques particulières comme des formes tridimensionnelles, des hologrammes, des images en mouvement, des odeurs, des goûts et des textures, de même que la possibilité de diviser les demandes d’enregistrement de marques de commerce.

De plus, le Traité de Singapour comporte des mesures de rectification obligatoires visant à réparer les erreurs procédurales commises par les demandeurs, telles que des échéances manquées. Les parties contractantes sont obligées d’offrir au moins une des trois mesures de rectification : la prolongation des délais, le traitement en continu ou le rétablissement des droits dans des circonstances comme le défaut involontaire de respecter une échéance.

Enfin, le Traité de Singapour prévoit également l’adoption du système de classification de Nice, dont il est question ci-dessous.

L’Arrangement de Nice

L’Arrangement de Nice fournit une classification qui fait autorité de 45 catégories de produits et services aux fins de l’enregistrement de marques de commerce. On retrouve au sein de ces catégories générales plusieurs sous-catégories spécifiques ainsi que la liste de plus de 11 000 produits et services particuliers, lesquels font de temps à autre l’objet de modifications par un comité composé de membres des parties contractantes. Grâce à ce système de classification, l’Arrangement de Nice vise à harmoniser les descriptions de produits et services afin de simplifier le dépôt de demandes d’enregistrement dans les bureaux nationaux des marques de commerce des parties contractantes et de simplifier le processus de recherche de marques de commerce.

Actuellement, la Loi sur les marques de commerce requiert seulement que les produits et services soient définis avec « spécificité » et dans des « termes commerciaux ordinaires ». Le Bureau des marques de commerce canadien publie également le Manuel des marchandises et des services pour aider les demandeurs d’enregistrement de marques de commerce à décrire leurs produits et leurs services. Il n’y a aucune exigence spécifique en vertu de la Loi sur les marques de commerce en ce qui a trait aux classements par série ou à la classification des produits ou services. L’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), à ses propres fins de recherches internes, utilise un système logiciel qui classe les produits et services dans les demandes d’enregistrement de marques de commerce d’une manière semblable, mais non identique à celle du système de classification de l’Arrangement de Nice.

La seule obligation particulière imposée par l’Arrangement de Nice est celle qui exige l’inclusion des numéros des sous-catégories de produits et services dans les documents et publications officiels liés aux enregistrements des marques de commerce.

Il reste à voir, cependant, comment le système de classification de l’Arrangement de Nice s’harmonisera avec le régime canadien de classification établi depuis longtemps.

L’Acte de Genève de l’arrangement de La Haye

En termes généraux, l’Acte de Genève fournit l’occasion d’obtenir une protection pour les dessins industriels dans des territoires contractants multiples de l’Acte au moyen d’une seule demande internationale.  En ce sens, le système de La Haye pour les dessins industriels ressemble fort au système PCT pour les brevets utilitaires.  Toute personne qui est ressortissant de l’État de la partie contractante ou qui possède son domicile, sa résidence habituelle ou « un établissement industriel ou commercial effectif et sérieux » sur le territoire de ladite partie contractante peut déposer une demande internationale (article 3 de l’Acte de Genève).

Divers avantages sont associés au dépôt d’une demande internationale : il n’est pas nécessaire de déposer la documentation en plusieurs langues, de surveiller les échéances pour le renouvellement de divers enregistrements nationaux ou de payer des frais en différentes devises. De plus, le paragraphe 5(4) l’Acte de Genève stipule qu’une demande internationale peut comprendre plusieurs dessins différents (jusqu’à un maximum de 100 selon le Règlement 7(3)), ce qui n’est pas possible actuellement au Canada.  Une fois la demande déposée, et si un office national désigné ne communique pas de refus dans les délais prescrits (actuellement fixé à six mois), l’enregistrement international donne le même effet que l’octroi d’une protection pour un dessin industriel en vertu de la loi de la Partie contractante (article 14).  Actuellement, les enregistrements internationaux sont valides pour une période initiale de cinq ans, et peuvent être renouvelés pour des périodes additionnelles de cinq ans, jusqu’à l’expiration de la période totale de la protection permise par la loi de la Partie contractante, laquelle est actuellement de 10 ans au Canada.

La ratification de l’Acte de Genève par le gouvernement canadien nécessiterait diverses modifications à la pratique canadienne ainsi qu’à la Loi sur les dessins industriels et ses Règlements y afférents pour s’adapter au système de La Haye.  Ces changements pourraient comprendre l’élaboration d’une procédure par laquelle un demandeur peut déposer une demande internationale par le truchement de l’OPIC, des modifications législatives pour fournir une protection aux enregistrements internationaux au Canada, et des modifications à la pratique de l’Office en vue d’accommoder les demandes comportant des dessins multiples.  Vous trouverez une discussion détaillée des implications juridiques et techniques liées à l’adhésion du Canada à l’Acte de Genève de l’arrangement de La Haye sur le site Web de l’OPIC.

Traité sur le droit des brevets

Selon l’OMPI, l’objectif du TLB est d’harmoniser et de simplifier les procédures formelles relatives aux demandes de brevets et aux brevets nationaux et régionaux, et ainsi de les rendre plus conviviales.  Autre fait important, le TLB énonce à l’article 2 qu’aucune disposition ne doit être interprétée comme prévoyant quoi que ce soit qui pourrait restreindre la liberté des États contractants de réglementer le droit substantiel lié aux brevets.

Lorsque la loi canadienne n’entre pas en conflit avec les exigences du TLB, il est possible de mettre le traité en œuvre sans modifier la loi.  Par exemple, le paragraphe 5(3) du TLB exige que l’Office des brevets d’un État contractant avise tout déposant dont la demande n’est pas conforme aux exigences minimales afférentes à la date de dépôt et fournisse au déposant un délai d’au moins deux mois pour s’y conformer (selon la Règle 2(1) des Règles en vertu du Traité sur le droit des brevets). Bien que la loi canadienne sur les brevets n’exige pas du Bureau des brevets d’aviser les déposants lorsqu’il manque des parties à leurs demandes, en pratique, ce dernier envoie des notifications de courtoisie, et donc, il ne serait pas nécessaire d’apporter des modifications aux lois.

La ratification du TLB par le Canada pourrait avoir une incidence sur diverses pratiques du Bureau des brevets ou sur des dispositions législatives liées aux questions procédurales comme la date de dépôt, le dépôt électronique, les formulaires types et les recours liés aux échéances. Pour une liste complète et une discussion quant aux changements prévus à la loi et aux pratiques canadiennes liées à la mise en œuvre du TLB, consultez le site Web de l’OPIC.


[1]

  • Protocole relatif à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques;
  • Traité de Singapour sur le droit des marques;
  • Arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques de commerce;
  • Acte de Genève de l’arrangement de La Haye concernant l’enregistrement des dessins et modèles industriels ; et
  • Traité sur le droit des brevets.

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