Lutte contre la contrefaçon de produits : l’enregistrement douanier des droits de PI est maintenant possible au Canada

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01 février 2015

En janvier 2015, certaines parties de la Loi visant à combattre la contrefaçon de produits du Canada (la « LCCP ») sont entrées en vigueur et celles-ci permettent aux titulaires de droits de PI d’enregistrer leurs droits d’auteur et leurs marques de commerce déposées auprès de l'Agence des services frontaliers du Canada (« l’ASFC »). Cette modification législative s’inscrit dans une démarche visant à intercepter les produits de contrefaçon avant que ceux-ci ne pénètrent le marché canadien.

Compte tenu des modifications portées à la Loi sur les marques de commerce du Canada, lesquelles découlent de la LCCP, il existe une nouvelle interdiction statutaire contre l’importation et l’exportation de produits dont « les étiquettes ou les emballages portent une marque de commerce identique à une marque de commerce déposée ou impossible à distinguer d’une telle marque dans ses aspects essentiels, » et ce, lorsque le consentement du propriétaire de la marque n’a pas été obtenu (c'est-à-dire des produits contrefaits). En outre, d’autres modifications semblables introduites dans le cadre de la Loi sur le droit d’auteur interdisent formellement l’importation et l’exportation d’exemplaires contrefaits d’une œuvre.

L’ASFC a adopté un nouveau régime frontalier en vue d’aider les titulaires de droits de PI à faire respecter l’interdiction visant l’importation de produits contrefaits. Conformément au nouveau régime, les propriétaires d’œuvres protégées par le droit d’auteur (tant enregistrées que non enregistrées) et/ou les propriétaires d’une marque de commerce déposée au Canada (les « titulaires de droits ») peuvent faire enregistrer leurs droits de PI auprès de l’ASFC en procédant au dépôt d’une demande d’aide (« DA »).  

Advenant que durant un examen à la frontière des produits sont soupçonnés d’être contrefaits, l’ASFC pourra utiliser les renseignements contenus dans la DA pour communiquer avec les titulaires de droits concernés et les informer des détails relatifs aux produits. Ce genre de détails peut comprendre un échantillon des produits, les nom et adresse de leur propriétaire, importateur, exportateur ou consignataire, la quantité de produits, le pays dans lequel ils ont été fabriqués et la date à laquelle ces derniers ont été importés au Canada. Muni de cette information, le détenteur de droits sera à même de déterminer si les produits sont contrefaits et s’il y a lieu d’exercer ses recours civils. Les renseignements fournis dans le cadre d’une DA peuvent uniquement être utilisés par le détenteur de droits en vue d’exercer ses recours en vertu de la Loi sur le droit d’auteur et/ou de la Loi sur les marques de commerce. Fait notable, la LCCP autorise expressément l’utilisation des renseignements afin de parvenir à un règlement à l’amiable.

Les produits retenus conformément à une DA demeureront en rétention pendant dix jours (cinq jours pour les produits périssables) et le détenteur de droits peut demander à ce que les produits soient retenus pendant une période supplémentaire de dix jours. Si le détenteur de droits engage une procédure judiciaire en lien avec les produits, et qu’il communique à l’ASFC un avis portant sur ladite procédure, les produits seront retenus jusqu’au prononcé de la décision finale sur le recours, jusqu’à ce que le tribunal ordonne le dédouanement des produits, ou jusqu’à ce que le détenteur de droits consente au dédouanement des produits.  

Afin de déposer une DA, il faut remplir le formulaire désigné et fournir les renseignements suivants :

  1. les nom et adresse du détenteur de droits ainsi que les nom et coordonnées d’un représentant du service à la clientèle au Canada;
  2. les numéros d’enregistrement de la marque de commerce ou de droit d’auteur canadiens ;
  3. les détails liés aux produits authentiques du détenteur de droits (descriptifs des produits, emballage et emplacement de la marque de commerce);
  4. le code du Système harmonisé de l’Organisation mondiale des douanes pour les produits couverts par le ou les enregistrement(s);
  5. une liste des importateurs autorisés des produits légitimes; et
  6. une liste des distributeurs connus des produits contrefaits.

Il n’y a aucun frais gouvernementaux pour le dépôt d’une DA et il n’y a pas de limite quant au nombre de marques de commerce ou d’œuvres protégées par droit d’auteur pouvant être incluses dans une DA. Une fois enregistrée, la DA demeure valide pendant deux ans et peut être prolongée à raison de périodes de deux ans à la fois, à la demande du détenteur de droits.

Même s’il n’y a actuellement aucuns frais pour le dépôt d’une DA, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile peut, à sa discrétion, exiger que la personne ayant déposé la DA fournisse une certaine garantie en la forme d’un cautionnement couvrant tous les frais pouvant être associés à l’entreposage, la manutention et le cas échéant, la destruction des produits retenus.

Les détails précis concernant les coûts d’entreposage, de manutention et de destruction n’ont pas encore été publiés, cependant il seront probablement déterminés au cas par cas, en fonction de la nature et de la quantité des produits, et de leur point d’entrée au Canada. Les coûts en question risquent d’être tout de même considérables. Par exemple, les coûts d’entreposage d’un conteneur d'expédition dans un port ou dans un entrepôt de stockage canadien peuvent atteindre 300 $ (CAN) par jour. Les coûts de manutention (advenant qu’il soit nécessaire de déplacer les produits) peuvent s’élever jusqu’à environ 700 $ (CAN), alors que les coûts liés à la destruction de produits retenus peuvent se chiffrer à environ 1 700 $ par événement. On prévoit qu’à mesure que le régime se précise, l’ASFC fournira davantage de directives et de clarifications sur les coûts potentiels associés à la rétention de produits.

Avant d’intenter une procédure judiciaire, le détenteur de droits doit être certain que les produits visés sont bel et bien contrefaits, car en cas de rejet ou d’abandon de la procédure, un tribunal peut obliger le détenteur de droits à indemniser le propriétaire/importateur des produits pour tout dommage subi en raison de la rétention de ces derniers. À ce sujet, les titulaires de droits doivent garder en tête que les interdictions d’importation ne s’appliquent pas aux importations parallèles, aux marchandises en transit au Canada, ni aux produits importés par un particulier à des fins d’utilisation personnelle. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’engager une procédure en lien avec des biens ayant été fabriqués à l’extérieur du Canada avec le consentement du détenteur de droits.  

Même si l’ASFC accepte dorénavant le dépôt de DA conformes, il reste à voir dans quelle mesure l’ASFC interviendra lors des contrôles frontaliers en réponse à de telles demandes. Cela dit, malgré certains points d’incertitude, le nouveau régime frontalier entourant les demandes d’aide constitue un outil important pour les titulaires de droits en ce qui a trait à la lutte contre la contrefaçon au Canada. Ce régime permettra potentiellement d’intercepter les produits contrefaits avant qu’ils ne soient distribués sur le marché. Il s’agit en outre d’une amélioration considérable par rapport à la situation qui existait antérieurement au Canada, puisque la capacité des titulaires de droits à empêcher les produits contrefaits à entrer au pays ou à les intercepter était très limitée. 

Pour conclure, les droits d’auteur non enregistrés peuvent être enregistrés dans le cadre d’une DA. Cependant, il est recommandé de faire enregistrer ces droits au Canada afin de pouvoir fournir à l’ASFC le plus de renseignements concrets que possible. Pour les titulaires de droits, la mise en œuvre du nouveau régime constitue également une occasion de passer en revue leurs portefeuilles de marques de commerce canadiennes afin de s’assurer que les droits enregistrés dont ils bénéficient au Canada leur permettent de profiter pleinement des nouvelles dispositions.


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