Kristen Kilroy
Associate
Article
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La Loi sur les brevets sera modifiée par le projet de loi C-43, connu sous le nom de Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2014 et déposé à la Chambre des communes le 23 octobre 2014. Le Canada respecte ainsi son engagement d’adhérer au Traité sur le droit des brevets qui a été adopté le 1er juin 2000 à Genève et qui vise à harmoniser au niveau mondial les formalités nationales liées à l’obtention de brevets ainsi qu’à simplifier les procédures des bureaux nationaux des brevets et les mécanismes de normalisation afin d’éviter une perte involontaire des droits relatifs aux brevets à la suite d’un défaut de se conformer aux formalités et aux délais prescrits. Toutefois, les modifications entraînent des changements additionnels qui vont au-delà des obligations du Canada découlant de ce traité.
Les modifications apportées à la Loi sur les brevets visent un certain nombre de domaines différents, notamment les délais prévus pour le paiement des taxes, les périodes de rétablissement, les demandes de priorité, le contenu des demandes, les transferts de demande et de brevet et d’autres changements. Elles confèrent également un pouvoir au gouverneur en conseil de prendre des règlements en vertu de la Loi sur les brevets afin de mettre en œuvre les modifications à la Loi.
Dans la Loi sur les brevets, les taxes à payer comprennent les taxes pour déposer une demande, les taxes annuelles pour maintenir une demande (ou un brevet) en état et les taxes d’examen pour entamer l’examen officiel d’une demande.
Conformément à la loi actuelle, il faut payer une taxe réglementaire pour obtenir une date de dépôt. Or, les modifications prévoient que si la taxe réglementaire n’a pas été payée à la date à laquelle toutes les autres exigences relatives à la date de dépôt sont satisfaites, le commissaire aux brevets doit envoyer un avis de non-paiement au demandeur et lui exiger de payer la taxe en plus de la surtaxe réglementaire au plus tard à la date réglementaire.
À l’heure actuelle, la Loi sur les brevets prévoit que chaque taxe périodique (pour le maintien de la demande ou du brevet en état) doit être payée au plus tard à la date réglementaire ou au cours de la période de rétablissement de 12 mois suivant cette date réglementaire, en plus d’une surtaxe pour le retard. Le défaut de payer la taxe pendant la période de rétablissement a pour effet de rendre la demande ou le brevet caduc. Comme pour la taxe réglementaire, les modifications prévoient que si la taxe périodique n’est pas payée au plus tard à la date réglementaire applicable, le commissaire aux brevets doit envoyer un avis de non-paiement au demandeur. Un paiement doit être effectué dans les six mois qui suivent la date réglementaire applicable ou, s’ils se terminent plus tard, dans les deux mois qui suivent la date de l’avis.
Ces modifications remplacent la période de rétablissement explicite (voir la section Périodes de rétablissement ci-dessous) prévue dans la Loi sur les brevets actuelle et mettent en place une période de prolongation d’au moins six mois suivant la date limite initiale avant qu’un nouveau processus de rétablissement plus coûteux soit lancé.
Les modifications créent un processus similaire pour les demandes d’examen. Cependant, la période de prolongation se termine au plus tard deux mois après la date de réception de l’avis envoyé par le commissaire aux brevets pour non-respect de la date de paiement initiale.
Conformément à la Loi sur les brevets actuelle, une demande ou un brevet sera considéré comme abandonné si certaines dates limites ne sont pas respectées (notamment celles établies pour le paiement des taxes, pour fournir une réponse de bonne foi à une demande dans le cadre d’un examen, etc.). À l’heure actuelle, les règles régissant le rétablissement sont simples et les mêmes pour tous les types d’abandon : le demandeur doit prendre les mesures qui s’imposaient pour éviter l’abandon, présenter une requête en rétablissement et payer les taxes dans les 12 mois suivant l’abandon.
Cependant, par suite des modifications apportées, de nouvelles exigences plus coûteuses sont prévues pour le rétablissement des demandes et des brevets abandonnés. Le processus de rétablissement sera plus compliqué puisque l’une des exigences supplémentaires exige que le demandeur ou le breveté expose « les raisons pour lesquelles il a omis de prendre les mesures qui s’imposaient pour éviter l’abandon ». De plus, le commissaire aux brevets doit décider que l’omission a été commise bien que la diligence requise en l’espèce ait été exercée et doit aviser le demandeur de sa décision. Les modifications prévoient également que les raisons de l’omission peuvent être contestées devant la Cour fédérale si elles comprennent quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité.
Par suite de ces modifications, il semble que les demandeurs n’auront plus le droit de choisir d’abandonner une demande après avoir reçu l’autorisation de poursuivre celle-ci.
Les demandeurs et les brevetés prudents voudront sans aucun doute déployer davantage d’efforts pour se conformer aux dates limites imposées afin d’éviter un abandon et d’avoir à passer par le processus de rétablissement.
Conformément à la Loi sur les brevets actuelle, une demande de priorité fondée sur une demande de brevet antérieure (la demande prioritaire) ne peut être présentée que si elle est déposée dans les 12 mois suivant la date de dépôt de la demande prioritaire. Les modifications apportées sont avantageuses en ce qu’elles prolongent la période de 12 mois jusqu’à 14 mois, tant que l’omission de déposer la demande dans les 12 mois de la date de dépôt n’était pas intentionnelle. Par contre, elles prévoient également que la Cour fédérale peut révoquer la demande de priorité si l’omission était intentionnelle.
Actuellement, la Loi sur les brevets prévoit qu’aucun élément matériel descriptif ou illustratif « nouveau » ne peut être ajouté à une demande déjà déposée. Autrement dit, tout changement à la description ou aux dessins d’une demande doit pouvoir être « déduit » de la description ou des dessins initialement déposés. Conformément aux modifications, il est possible de faire, au moment du dépôt de la demande, une déclaration énonçant que le « renvoi » à la demande prioritaire tient lieu de tout ou partie de la description ou des dessins contenus dans la demande. Cette déclaration peut aussi être fournie dans les six mois suivant le dépôt de la demande. Un tel renvoi sera avantageux et permettra d’ajouter des descriptions ou des dessins à une demande déjà déposée qui auraient autrement été considérés comme « nouveaux » dans le cadre de la Loi sur les brevets actuelle, tant que cette description ou ces dessins peuvent être considérés comme contenus en entier dans la demande prioritaire.
Les modifications proposées introduisent de nouvelles dispositions relatives au transfert de titres directement dans la Loi sur les brevets. Ces dispositions comprennent ce qui suit : 1) annulation des demandes de transfert de brevet dans les cas où le titre du brevet a déjà été inscrit, même si la date du transfert est antérieure à celle de l’inscription; et 2) le commissaire aux brevets peut supprimer l’inscription du transfert d’une demande ou d’un brevet à la réception d’une preuve qu’il juge satisfaisante que le transfert n’aurait pas dû être inscrit. Ces nouvelles dispositions sur le transfert de titres auront une incidence sur le moment de présentation des demandes de transfert de brevet ainsi que sur la capacité d’annuler l’inscription d’un transfert de demande ou de brevet.
Parmi les nombreuses autres modifications que contient le projet de loi C-43, notons les suivantes :
Les modifications proposées pourraient toucher le droit des tiers en lien avec les demandes qui ont été abandonnées ou lorsque certaines taxes ont été payées pendant les périodes de prolongation juste avant l’abandon. Il ne peut être intenté d’action en contrefaçon d’un brevet contre une personne à l’égard d’un acte – qui par ailleurs constituerait un acte de contrefaçon du brevet – qu’elle a commis de bonne foi pendant une période prévue par règlement pris en vertu des nouvelles modifications. Des droits similaires pourraient s’étendre à des actes ou à des préparatifs entrepris par une personne au cours d’une période prévue par règlement pris en vertu des nouvelles modifications lorsque l’entreprise d’un tiers est transférée à un autre.
Les modifications prévoient que le gouverneur en conseil peut, par règle ou règlement, « régir les circonstances dans lesquelles une personne – demandeur de brevet, breveté ou autre – peut ou doit être représentée par un agent de brevets ou une autre personne dans toute affaire devant le Bureau des brevets ». Il y a également lieu de mentionner que les modifications abrogent l’article 29, qui concerne les demandeurs non-résidents (demandeurs qui ne résident pas ou ne font pas d’opérations à une adresse spécifiée au Canada) et les personnes désignées pour représenter ces demandeurs. Il ne fait aucun doute que les professionnels canadiens des brevets seront intéressés par l’interprétation et la mise en œuvre de ces modifications.
L’alinéa 12(1)j.8) de la Loi sur les brevets actuelle est également touché par les modifications proposées. De fait, le commissaire aux brevets sera autorisé à « proroger, si celui-ci estime que les circonstances le justifient, et même après son expiration, tout délai fixé sous le régime de la présente loi pour l’accomplissement d’un acte ». Il s’agit d’un changement intéressant dont l’étendue des conséquences demeure inconnue. La loi actuelle n’accorde pas carte blanche au commissaire aux brevets en ce qui concerne la prorogation d’un délai, une fois qu’il est expiré, « pour l’accomplissement d’un acte en vertu de la loi ».
Les modifications apportées à la Loi sur les brevets entreront en vigueur à la date fixée par décret. Il faudra quelque temps pour rédiger le nouveau règlement et aider le Bureau des brevets à se préparer aux changements. Si l’on se fonde sur les modifications apportées récemment à la Loi sur les marques de commerce, ces changements entreront en vigueur seulement après 2015.
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