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Un Cuba post-Castro : à quoi faut-il s’attendre?
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Le décès de Fidel Castro a été présenté comme un événement politique d’un profond symbolisme historique, ce qui n’est guère surprenant. Cela dit, il serait peu raisonnable de s’attendre pour autant à ce que sa mort représente un tournant majeur qui viendra dévier Cuba de sa trajectoire de libéralisation du commerce et des investissements que le gouvernement suit depuis les dix dernières années.
Selon certains membres de la presse mondiale, le décès de Castro « plonge le pays dans une grande incertitude ». Mais en tant qu’avocat canadien de Gowling WLG qui vit et travaille à La Havane depuis plus de 20 ans, je ne suis pas de cet avis.
Alors que la mort de Castro revêt une importance indéniable sur le plan historique et qu’elle provoque un effet cathartique chez les Cubains (tant chez les partisans que chez les opposants de la révolution), elle n’entraînera ni de changements radicaux ni une fragilisation du gouvernement cubain. Au contraire, Cuba continuera d’être caractérisée par sa stabilité politique et poursuivra ses mesures en matière de réforme économique et d’ouverture aux investissements étrangers.
Une transition politique en préparation depuis dix ans
Le gouvernement cubain se prépare au décès de Fidel Castro depuis les dix dernières années, soit depuis 2006, année où il a failli rendre l’âme. Donc en réalité, la transition politique s’est déjà effectuée depuis longtemps.
En effet, voilà maintenant plus de dix ans que le pays est dirigé par Raul Castro et un groupe de ses proches collaborateurs. Même si Fidel Castro a continué d’avoir une influence indirecte sur la prise de décisions à Cuba durant cette période, il avait depuis longtemps délégué à son frère et à l’ensemble des dirigeants cubains l’autorité de prendre des décisions de façon autonome.
La réforme poursuivra bel et bien son cours, mais à quel rythme?
On constate des divergences d’opinions entre les dirigeants cubains en ce qui a trait à la réforme : certains veulent accélérer le processus et approfondir la réforme économique encore davantage, alors que d’autres préféreraient adopter un rythme plus lent à cet égard.
Cependant, ce leadership collectif (et c’est bien d’un leadership collectif dont il s’agit puisque le style adopté par Raul Castro en matière de gouvernement est fondé sur la consultation et l’institutionnalisation à grande échelle) fait preuve d’une cohésion et d’une résilience des plus remarquables. Axée sur le consensus et la négociation à l’interne, cette optique a maintenu la paix au sein des rangs, ce qui a donné lieu à une ouverture économique équilibrée qui fait l’unanimité.
Les futures relations Cuba-États-Unis sous la férule de Donald Trump
Peu importe l’incertitude qui semble découler de l’élection de Donald Trump aux États-Unis, ainsi que d’autres événements à l’échelle internationale au cours de l’année dernière, il est important de reconnaître que le leadership cubain continuera d’établir ses propres priorités, stratégies et tactiques avec beaucoup de prévoyance, et sans déroger de son principe d’autodétermination.
Même si le gouvernement cubain n’est pas à l’abri de pressions et de développements externes (les crises au Venezuela et au Brésil, par exemple), il sait demeurer relativement imperturbable face aux événements internationaux et, à plus forte raison, aux exhortations des puissances étrangères.
Le gouvernement cubain considère que s’il a survécu à deux mandats de George W. Bush, ainsi qu’à ceux d’autres présidents républicains, il en sera de même avec le président élu Trump, et ce, même s’il prend du recul par rapport au rapprochement entre les deux nations opéré par le président sortant Obama.
Il est bon de souligner que même pendant les années Bush, les investisseurs étrangers faisaient des affaires à Cuba, certains avec beaucoup de succès, du reste. Une présidence républicaine pourrait quelque peu entraver la bonne marche des affaires, sans la rendre impossible, et certainement pas peu profitable.
Voici quelques principes constants qui demeureront inchangés à Cuba :
- Premièrement, le gouvernement cubain poursuivra son processus de réforme, voire l’accélérera.
- Deuxièmement, le pays maintiendra sa stabilité et son contrôle politiques.
- Et troisièmement, de plus en plus de voix au Congrès américain, et ce, tant démocrates que républicaines, s’élèveront, de concert avec la communauté d’affaires américaine, pour décrier l’embargo des États-Unis contre Cuba comme étant anachronique et nuisant aux intérêts commerciaux de l’Oncle Sam. Ce n’est qu’une question de temps ─ probablement de 2 à 5 ans ─ avant que l’embargo ne soit levé, et que l’économie cubaine ne prospère en ouvrant l’accès à des investissements et des occasions commerciales attrayants aux entreprises étrangères.
En résumé, c’est un changement économique lent, stable et graduel qui est probablement en train de s’opérer à Cuba, et c’est justement ce qui profitera le plus au peuple cubain et aux investisseurs étrangers qui sauront préparer l’avenir en agissant rapidement pour pénétrer le marché cubain.
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