C’est un fait connu, les polices d’assurance offrent une sûreté aux titulaires de police : ces derniers versent une prime et en contrepartie, l’assureur s’engage à couvrir les risques énoncés dans la police. Toutefois, cette couverture n’est pas automatique. En fait, le défaut d’aviser l’assureur, en temps opportun, de tout sinistre de nature à mettre en jeu la garantie peut occasionner la déchéance du droit de l’assuré à l’indemnisation1. Pour s’assurer de pouvoir bénéficier de sa couverture et d’accroître sa sûreté, il est donc crucial que l’assuré avise l’assureur de tout sinistre potentiel dès qu’il en prend connaissance2.

Le risque associé au défaut de communiquer un avis de sinistre en temps opportun a été souligné récemment, dans le cadre de l’affaire Rosenstein c. Guarantee Company of North America3. Dans cette affaire, la Cour supérieure du Québec a rejeté la demande de couverture des assurés en se basant sur ce fondement. La Cour a conclu que l’assureur avait le droit de s’appuyer sur une clause relative aux avis comprise dans la police d’assurance pour refuser de fournir une couverture. Par conséquent, les assurés ont été tenus personnellement responsables d’une très importante somme de dommages-intérêts dans le cadre d’une action en diffamation.

L’affaire en diffamation résultait d’une procédure que les assurés avaient initialement intentée en 2005, au nom de leur fils, contre l’enseignante de ce dernier, au motif que l’enseignante avait humilié et intimidé leur fils devant ses camarades de classe. L’enseignante et les assurés ont réglé leur différend hors cour, et ont conclu une entente voulant entre autres que le différend demeure confidentiel. Cependant, aussitôt après avoir informé le juge de leur intention d’abandonner les procédures, les assurés sont sortis de la salle d’audience, ont approché les médias et émis des commentaires diffamatoires qui ont terni la réputation de l’enseignante. Ces commentaires furent télévisés et diffusés à l’échelle du Canada.

Suite à ces déclarations publiques, l’enseignante a intenté une poursuite contre les assurés pour atteinte à sa réputation ainsi que pour la contravention de la clause de confidentialité de l’entente. En juillet 2010, la Cour supérieure a octroyé à l’enseignante plus de 234 000 $ en dommages-intérêts. Ce jugement a été confirmé par la Cour d’appel du Québec, et la Cour suprême du Canada a rejeté la demande d’autorisation d’appel des assurés. La somme octroyée a plus tard été augmentée à 1,4 million $.

C’est seulement en juillet 2012 que les assurés ont avisé leur assureur de l’ordonnance judiciaire dont ils faisaient l’objet. En septembre 2012, après que l’assureur ait refusé de couvrir lesdits dommages-intérêts dans le cadre de leur police d’assurance, les assurés ont engagé une procédure contre ce dernier.

Après analyse des clauses de la police d’assurance, la Cour supérieure a souligné l’importance primordiale du fait d’aviser l’assureur de tout sinistre de nature à mettre en jeu la garantie, et ce, aussitôt que l’assuré en prend connaissance. La Cour a affirmé que l’assureur avait subi un grave préjudice en raison de la tardivité de l’avis de sinistre, car l’assureur s’est retrouvé dans l’impossibilité d’effectuer les actions suivantes :

  • mandater un expert en sinistres;
  • mener une enquête;
  • mandater un avocat;
  • évaluer l’opportunité de participer à une conférence de règlement à l’amiable;
  • retenir les services d’autres experts;
  • minimiser les frais juridiques, etc.

Déclarant que le préjudice était irrémédiable à ce stade de la procédure, la Cour supérieure a donc autorisé l’assureur à invoquer la clause stipulant la déchéance des droits d’indemnisation de l’assuré lorsque ce dernier omet d’aviser l’assureur de tout sinistre de nature à mettre en jeu la garantie dès qu'il en a eu connaissance.

L’exigence de la promptitude vise à permettre à l’assureur de procéder le plus tôt possible à une enquête, afin de ne pas être à la merci des prétentions de l’assuré4. Par conséquent, tout assuré souhaitant bénéficier d’une couverture offerte par une police d’assurance doit s’assurer de déposer promptement un avis de sinistre, à défaut de quoi il risque d’être conclu que l’assureur a eu raison de refuser de fournir la couverture prévue aux termes d’une police d’assurance.


1 C.c.Q., art. 2470.

2 Id.

3 2015 QCCS 5672.

4 Didier Lluelles, Précis des assurances terrestres, 5e éd., Montréal, Éditions Thémis, 2009, p. 321.