À la lumière d’un jugement récent rendu par la Cour d’appel fédérale, les institutions financières disposent dorénavant de motifs de défense à l’encontre des autorités gouvernementales qui leur signifient une demande de paiement formelle relativement à une cotisation exigible d’un débiteur fiscal insolvable, lorsque ce dernier a aussi une dette envers l’institution financière qui fait l’objet d’une signification.

Le 27 novembre 2014, la Cour d’appel fédérale (la Cour) a maintenu une décision de la Cour canadienne de l’impôt autorisant un appel de la Caisse Desjardins de Québec (la Caisse) en ce qui a trait à une cotisation établie aux termes du paragraphe 317(3) de la Loi sur la taxe d’accise (la Loi)1. La cotisation découlait du défaut de la Caisse de se conformer à la demande formelle de paiement relatif à la taxe sur les biens et services due par la débitrice fiscale.

La Caisse avait consenti une ouverture de crédit de 100 000 $ au Café de la paix (1980) inc. (la débitrice fiscale) payable en tranches de 10 000 $, conformément aux modalités et conditions établies dans le contrat de crédit (le contrat). Aux termes de ce dernier, la Caisse se réservait le privilège d’exiger en tout temps le remboursement immédiat de tout solde dû. Le contrat établissait également que si l’emprunteur devenait insolvable, tout solde alors dû deviendrait immédiatement exigible. Le 25 janvier 2011, la débitrice fiscale a déposé un avis d’intention de faire une proposition concordataire en faillite et le 25 mars 2011, la débitrice fiscale a fait faillite.

Avant que la débitrice fiscale ne dépose ledit avis d’intention, Revenu Québec a envoyé à la Caisse une demande formelle de paiement (la demande) établie aux termes du paragraphe 317(3) de la Loi relativement à la taxe sur les biens et services exigibles à la débitrice fiscale. La Caisse a refusé de se conformer à la demande au motif qu’il y avait eu compensation légale du montant saisi au compte d’épargne de la débitrice fiscale. Selon la Caisse, les relevés internes qui indiquaient un solde d’un peu plus de 10 000 $ dans le compte de la débitrice fiscale ne représentaient que des écritures comptables qui ne reflétaient aucunement la compensation légale prévue par les lois provinciales applicables.

En fait, la Caisse a fait valoir qu’il existait une situation d’insolvabilité de la débitrice fiscale avant que la Caisse ne reçoive la demande formelle de paiement. Cette situation d’insolvabilité a mené à la déchéance du terme établi dans le contrat et par conséquent, la dette de la débitrice fiscale envers la Caisse, c’est-à-dire le solde dû sur la marge de crédit était devenu immédiatement exigible. En d’autres mots, la compensation légale s’était opérée entre les sommes exigibles par la Caisse à la débitrice fiscale, et celles exigibles par la débitrice fiscale à la Caisse. Par conséquent, il n’y avait rien à saisir et la demande formelle de paiement était sans objet.

La Couronne a pour sa part fait valoir qu’il n’y avait pas eu de paiement par compensation légale, parce que la somme avancée par l’intermédiaire de la marge de crédit n’était pas exigible au moment de la saisie.

La Cour a accepté l’argument de la Caisse selon lequel la débitrice fiscale était devenue insolvable avant la signification de la demande formelle de paiement, ce qui rendait la dette envers la Caisse exigible avant ladite date. Par conséquent, la compensation légale s’était effectivement opérée et la demande formelle de paiement a été jugée sans objet.

En résumé, les institutions financières doivent déterminer si les sommes qui leur sont dues par un débiteur fiscal sont exigibles avant la réception de toute demande formelle de paiement. En effet, si les institutions financières réussissent à prouver la compensation légale, elles peuvent se protéger de réclamations des autorités gouvernementales à l’égard de cotisations dues par un débiteur fiscal insolvable.


1 R. c. Caisse Desjardins de Québec, 2014 CAF 279, appel rejeté; 1 Caisse populaire Desjardins de Québec c. la Reine, 203 CCI 376.