Joey Suri
Associé
Article
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La loi canadienne, en particulier la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (la « LRPCFAT »), impose plusieurs obligations, aussi connues sous le nom de règlements en matière de lutte contre le blanchiment d’argent (« LBA »), aux entités déclarantes dans le but de lutter contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Une perception commune, qu’elle soit vraie ou fausse, est que les cryptomonnaies sont des instruments de blanchiment d’argent. Mais la question que l’on devrait plutôt poser est celle-ci : avec l’utilisation croissante de la technologie blockchain (chaînes de blocs), les entités déclarantes n’ont-elles pas d’occasions à saisir en ce qui a trait à cesdites obligations?
En 2014, des modifications ont été introduites dans la LRPCFAT pour permettre l’élaboration de règlements afférents aux opérations en monnaie virtuelle. Ces règlements qui n’ont pas encore été proposés assujettiront les courtiers en monnaie virtuelle aux exigences d’inscription, de déclaration, de tenue de documents et de vérification de l’identité des clients aux termes de la LRPCFAT. Cependant, comme ces règlements n’ont pas encore été adoptés, les courtiers en monnaie virtuelle n’y sont pas encore assujettis, notamment en ce qui concerne les obligations de connaissance du client.
Le processus de vérification de l’identité du client en vertu de la LRPCFAT peut prendre de 30 à 50 jours pour atteindre un niveau satisfaisant[1] et on estime que les coûts de la conformité aux règlements en matière de LBA peuvent s’élever jusqu’à 18 milliards de dollars annuellement[2] pour l’industrie bancaire. Dans ce contexte, la technologie des chaînes de blocs pourrait bien s’avérer une solution rapide et à moindres coûts pour atteindre la conformité.
La technologie des chaînes de blocs, technologie à l’origine de plusieurs cryptomonnaies populaires comme le bitcoin, consiste en un registre public, numérique et décentralisé, lequel est partagé au moyen d’un réseau de pair à pair. Les transactions sont validées au moyen d’un mécanisme de consensus impliquant les participants du réseau (dont certains sont récompensés en cryptomonnaies) et de la cryptographie qui crée des registres identiques dans des ordinateurs multiples, ce qui rend très difficiles les manœuvres frauduleuses au sein des registres.
Il faut toutefois mentionner que les risques associés à l’utilisation des cryptomonnaies et l’anonymat des utilisateurs de plateformes des chaînes de blocs ont souvent soulevé des préoccupations et des critiques.
Bien que les risques susmentionnés soient réels, il reste que la technologie des chaînes de blocs, si elle est adoptée par les entités déclarantes, pourrait potentiellement être un atout facilitant la conformité aux règles de connaissance du client et de LBA. Certains fournisseurs de services ont déjà commencé à offrir à ces entités des moyens novateurs d’identification des clients.
Actuellement, ce sont surtout les entités déclarantes et leurs fournisseurs de services qui s’occupent directement du processus de vérification de l’identité du client. Toutefois, la technologie des chaînes de blocs simplifierait ce processus de manière significative au moment de l’ouverture du compte et permettrait ainsi des économies de coûts significatifs. Par exemple, cette technologie pourrait aider à numériser et à automatiser le processus d’intégration du client, ce qui réduirait substantiellement la duplication du travail effectué à travers plusieurs firmes, sans pour autant en compromettre la sécurité. Un registre de chaînes de blocs centralisé pourrait aussi servir à octroyer des identités numériques aux clients, fournissant ainsi à toutes les institutions autorisées à utiliser le registre de vérification de l’identité du client une mise à jour exacte en temps réel à cette fin même. Par exemple, en utilisant un registre de connaissance du client, seule la première entité déclarante traitant avec le client serait tenue de compléter le processus de vérification de l’identité, alors que tous les utilisateurs subséquents (une banque, un casino ou une entreprise de services monétaires) n’auraient qu’à se fier à la nature sécurisée et immuable du registre pour confirmer que le processus de vérification de l’identité a bel et bien été complété.
De la même façon, il est possible d’établir des avantages considérables en ce qui a trait à la conformité aux règlements en matière de LBA. Par exemple, la technologie des chaînes de blocs améliorerait l’efficacité en fait de gestion de données, la fiabilité de la tenue de documents, et la transparence relativement aux transactions. Et ce ne sont là que quelques-uns des avantages dont les entités déclarantes pourraient profiter en matière de respect des règles de LBA[3]. En effet, ces caractéristiques faciliteraient la tâche à ces entités, et même aux organismes de réglementation comme le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE), afin de mieux repérer et retracer les transactions frauduleuses.
Les entreprises de technologies financières (fintech) pourront-elles utiliser les chaînes de blocs pour se conformer aux obligations de connaissance du client et aux exigences réglementaires pour la LBA? C’est une question intéressante, car un des défis à surmonter encore aujourd’hui est la perception que les règlements et directives actuels en la matière ne sont pas encore très « favorables » à l’égard des nouvelles technologies, notamment la reconnaissance faciale ou des empreintes digitales, lesquelles sont considérées par certains comme étant aussi fiables sinon plus encore que les méthodes traditionnelles. En somme, la technologie des chaînes de blocs est en plein essor et le groupe Chaînes de blocs et contrats intelligents de Gowling WLG ne manquera pas de suivre la réglementation de près afin de vous aider à saisir les nouvelles occasions qui s’offrent à vous.
[1] Elliott Holley, « Cost of KYC too high says Swiss start up », (20 janvier 2014), Banking Technology, en ligne : <http://www.bankingtech.com/195632/cost-of-kyc-too-high-says-swiss-start-up/>.
[2] Goldman Sachs, « Profiles in Innovation – Blockchain – Putting Theory into Practice », (2016) Equity Research 71.
[3] Ibid pp. 71-77.
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