Stephen A. Pike
Associé
Article
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La notion d'esclavage moderne regroupe des formes d'assujettissement en matière de travail comme l'esclavage, le travail forcé, la servitude pour dettes et la traite de personnes. L'esclavage moderne fait l'objet de développements réglementaires à l'échelle internationale et suscite de plus en plus de préoccupations chez les investisseurs. L'organisme de réglementation des valeurs mobilières du Québec (l'Autorité des marchés financiers ou l'AMF) a publié un avis fournissant des indications aux sociétés ouvertes quant aux obligations d'information liées à l'esclavage moderne.
L'objectif de l'avis de l'AMF est de fournir non seulement des indications aux émetteurs quant aux obligations d'information actuelles en matière d'esclavage moderne, mais aussi de communiquer les attentes du personnel de l'AMF à cet égard. L'avis établit clairement qu'aucune nouvelle obligation d'information légale n'est créée ni qu'aucune ancienne obligation n'est modifiée. Cependant, cette initiative d'orientation constitue un premier pas dans la bonne direction de la part d'un organisme de réglementation canadien visant à inciter les émetteurs canadiens à améliorer leurs mesures de divulgation.
Dans les dernières années, les mesures prises pour améliorer la transparence quant aux problèmes d'esclavage moderne ne cessent de croître (p. ex., la Californie, l'UE, le Royaume-Uni, la France, etc.) et de plus en plus de pays sont à envisager la mise en œuvre d'une réglementation concernant la divulgation relative à l'esclavage moderne (p. ex., l'Australie).
En 2016, le plus important investisseur du Canada, l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada (OIRPC), a ajouté les droits de la personne à titre de l'un des secteurs clés à prendre en compte pour traiter avec des sociétés dans lesquelles il investit. « Nous sommes d'avis qu'une prise en compte bien ancrée des droits de la personne contribue à la valeur à long terme. Par conséquent, aborder ce sujet avec les sociétés qui font partie de notre portefeuille est un aspect important de notre stratégie visant à maximiser le rendement à long terme. » Pour l'OIRPC, les questions liées aux droits de la personne peuvent prendre la forme de travail forcé, d'esclavage ou de travail des enfants et il a pour objectif d'améliorer les déclarations quant à l'évaluation, la gestion et l'atténuation des risques liés aux droits de la personne et vise aussi l'amélioration des pratiques en la matière, y compris celles liées à la gestion de la chaîne d'approvisionnement.
Plus tôt cette année, un groupe d'investisseurs canadiens et internationaux dont les actifs gérés s'élèvent à 2,3 billions $ CA a fait parvenir une déclaration à la ministre fédérale de l'Emploi, du Développement de la main-d'œuvre et du Travail exhortant le gouvernement fédéral canadien à promulguer une réglementation de divulgation relative à l'esclavage moderne. Ces investisseurs institutionnels ont fait valoir qu'il « est difficile pour les investisseurs d'effectuer la même analyse des sociétés canadiennes que de leurs compétiteurs internationaux en raison du manque relatif de transparence qui règne dans le marché canadien » [TRADUCTION]. La réglementation dont ils recommandaient la promulgation exigerait des sociétés faisant des affaires au Canada de rendre compte chaque année de leurs efforts de vérification diligente pour prévenir et atténuer les risques liés à l'esclavage moderne et au travail des enfants au sein de leurs chaînes d'approvisionnement. Il existe d'ailleurs une réglementation similaire en Californie et au Royaume-Uni.
Il est important de clarifier que l'avis de l'AMF ne propose pas de remanier la réglementation touchant la divulgation relative à l'esclavage moderne. L'avis de l'AMF se concentre plutôt sur les obligations continues actuelles d'information relatives à l'esclavage moderne. L'avis met notamment en lumière les obligations d'information relatives :
En outre, l'avis enjoint les conseils d'administration, les comités d'audit et les dirigeants signataires de s'assurer que les informations fournies dans les documents déposés en vertu de la réglementation en valeurs mobilières sont conformes à l'évaluation faite par la direction de l'importance relative des questions liées à l'esclavage moderne.
De plus, l'avis présente le résultat de l'examen des pratiques actuelles en matière de divulgation continue d'un groupe de 20 émetteurs de choix inscrits à la Bourse de Toronto ayant une capitalisation boursière de 1 milliard de dollars canadiens et plus, et provenant de divers secteurs de l'industrie. En particulier, l'examen était concentré sur les risques et soulevait un certain nombre de questions que les émetteurs devraient se poser afin d'évaluer les risques significatifs auxquels leurs entreprises peuvent s'exposer en matière d'esclavage moderne :
Enfin, l'AMF souligne que certains émetteurs divulguent volontairement de l'information relative à l'esclavage moderne dans le cadre de rapports sur la responsabilité sociale. Diverses sociétés canadiennes (ouvertes et fermées) déposent également des rapports au titre de la California Transparency in Supply Chains Act of 2010 ainsi que de la Modern Slavery Act du Royaume-Uni, deux lois qui exigent des sociétés assujetties à ces législations de divulguer leurs efforts pour lutter contre l'esclavage moderne au sein de leurs opérations et chaînes d'approvisionnement. Les indications de l'AMF rappelle aux émetteurs qui divulguent volontairement de l'information quant à leurs initiatives touchant l'esclavage moderne qu'ils doivent intégrer cette information aux documents d'information continue si l'information est importante, s'assurant ainsi de la cohérence entre l'information qui est divulguée volontairement et celle qui est incluse dans le document d'information continue.
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