Pierre Lissoir
Associé
Article
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Pour faire suite à notre article portant sur l’entrée en vigueur de certaines dispositions de la Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l’autorité des marchés publics (la « Loi »), de nouvelles dispositions mettant en application d’autres recommandations de la Commission d’enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction (la « CEIC »), communément connue comme la Commission Charbonneau sont entrées en vigueur le 25 mai 2019. Les organismes publics doivent maintenant être dotés d’une procédure portant sur la réception et l’examen des plaintes formulées dans le cadre de l’adjudication ou l’attribution d’un contrat.
La Loi met sur pied un nouveau système de gestion des plaintes pour les organismes publics, tant à l’égard des processus d’appel d’offres que des contrats octroyés de gré à gré.
Avant le 25 mai 2019, toute personne intéressée qui estimait que le processus d’appel d’offres publics ou d’attribution de contrat ne respectait pas les exigences prévues, se sentait lésée ou défavorisée par le processus, ou encore décelait une anomalie avait des recours relativement limités.
Avant l’octroi du contrat, la personne pouvait :
Après l’octroi du contrat, la personne pouvait entreprendre un recours en dommages-intérêts pour être indemnisée quant à son manque à gagner, en raison des anomalies dans le processus d’appel d’offres ou d’attribution.
À partir du 25 mai 2019, un processus formalisé de plainte sera mis à la disposition des personnes intéressées. Ce processus s’articule en deux étapes. La première est une plainte logée auprès de l’organisme public; la deuxième, auprès de l’Autorité des marchés publics (l’« AMP »).
L’AMP pourra, sur la base de toute plainte reçue, enquêter et rendre les ordonnances ou recommandations qu’elle juge nécessaires. En matière de plaintes, l’AMP dispose des mêmes pouvoirs que lorsqu’elle se saisissait d’office d’une irrégularité dans le processus.
Pour assurer le bon fonctionnement de ce processus, la Loi oblige les organismes publics à se doter d’une procédure de traitement équitable des plaintes qui lui sont formulées dans le cadre de l’adjudication ou de l’attribution d’un contrat public. À cette fin, toute procédure adoptée par un organisme public doit être publiée sur son site Internet et doit prévoir les mécanismes de réception et d’examen des plaintes.
Dans le cadre d’un processus d’attribution, soit l’octroi d’un contrat de gré à gré, l’organisme public doit publier un avis d’intention préalable à la conclusion de certains contrats de la sorte sur le Système électronique d'appel d'offres du gouvernement du Québec (le « SEAO »), afin de permettre aux entreprises en mesure de réaliser le contrat de manifester leur capacité de répondre aux besoins de l’organisme public.
Dans le cadre d’un processus d’adjudication, soit l’octroi d’un contrat par appel d’offres public, l’organisme public effectuant cet appel d’offres public doit diffuser un avis à cet effet au SEAO. L’avis fait partie intégrante des documents d’appel d’offres et formalise la procédure de plainte en obligeant l’organisme à y inscrire la date limite de réception des plaintes.
Seuls une entreprise ou un groupe d’entreprises intéressées à participer au processus d’adjudication (ou son représentant) peuvent formuler une plainte concernant un appel d’offres public en cours.
La date limite de réception des plaintes est déterminée en ajoutant à la date de l’avis d’appel d’offres une période correspondant à la moitié du délai de réception des soumissions, mais ne doit pas être moins de 10 jours. À titre d’exemple, si la date de l’avis d’appel d’offres est le 15 novembre et que la date limite de réception des soumissions est le 15 décembre, la date limite de réception des plaintes sera le 1er décembre.
Le plaignant doit s’adresser en premier lieu directement à l’organisme public s’il estime que les documents d’appel d’offres publics :
Pour être recevable, la plainte doit être transmise par voie électronique au responsable identifié dans la procédure publiée par l’organisme ou, à défaut, au dirigeant de l’organisme public, au moyen d’un formulaire déterminé par l’AMP.
L'organisme public a jusqu’à trois jours avant la date limite de réception des soumissions pour transmettre une réponse au plaignant. En cas de désaccord avec la décision de l’organisme public, le plaignant disposera de trois jours pour déposer sa plainte auprès de l’AMP.
En absence d’une réponse de la part de l’organisme public dans le délai imparti, le plaignant disposera d’une fenêtre de trois jours avant la date limite de réception des soumissions pour instituer une plainte auprès de l’AMP.
Exceptionnellement, le plaignant peut s’adresser directement à l’AMP dans le cas où l’organisme public aurait modifié les documents d’appel d’offres dans la période de deux jours précédant la date limite de réception des plaintes.
L’organisme public doit, au moins 15 jours avant de conclure un contrat de gré à gré, publier dans le SEAO un avis d’intention. Cette période permet à toute entreprise de manifester son intérêt à réaliser ce contrat.
Les entreprises intéressées disposent de 5 jours avant la date de conclusion du contrat pour transmettre un avis d’intérêt par voie électronique. L’organisme public doit transmettre sa décision au moins sept jours avant la date prévue de conclusion du contrat, en reportant la date prévue de conclusion si nécessaire et en informant l’entreprise de son droit de porter plainte et des délais afférents.
En cas de désaccord avec la décision, l’entreprise disposera de trois jours à compter de la réception de la décision pour porter plainte à l’AMP. En absence d’une réponse de la part de l’organisme public trois jours avant la date prévue de conclusion du contrat, l’entreprise aura jusqu’à la journée avant celle-ci pour porter plainte à l’AMP. En absence de publication d’un avis d’intention au SEAO requis par la Loi, l’entreprise peut porter plainte directement à l’AMP.
L’AMP usera de ses fonctions d’enquête si elle l’estime nécessaire pour rendre une décision. Elle entendra les parties concernées selon une procédure qu’elle diffusera sur son site Internet. Elle dispose d’un délai de 10 jours suivant la réception des observations de l’organisme public pour rendre sa décision. Au besoin, elle peut reporter le dépôt des soumissions à une nouvelle date limite dans le cadre d’un processus d’adjudication. La publication de la décision suit sensiblement les mêmes règles promulguées en janvier, telles que décrites dans notre article.
Un contrat public conclu à la suite d’un processus d’adjudication ou d’attribution continué par un organisme public soit avant que l’Autorité ait rendu sa décision à l’égard d’une plainte ou en contravention d’une ordonnance de modification des documents d’appel d’offres est résilié de plein droit à compter de la réception par l’organisme et son contractant d’une notification de l’AMP à cet effet.
Un contrat conclu de gré à gré par un organisme public sans avoir fait l’objet de la publication de l’avis d’intention prévue par la loi est résilié de plein droit à compter de la réception par l’organisme et son contractant d’une notification de l’AMP à cet effet. Il faut souligner que les pouvoirs d'ordonnance ainsi que les dispositions faisant référence à la résiliation de plein droit ne s’appliquent pas dans le cas des contrats conclus avec des organismes publics municipaux.
Le Bureau de l’inspecteur général reprend les fonctions et les pouvoirs de l’AMP à l’égard de la Ville de Montréal et de certains organismes visés directement par Loi, conférant ainsi une certaine autonomie à la métropole québécoise.
À partir du 25 mai 2019, la divulgation d'actes répréhensibles mettant en cause la conformité de la gestion contractuelle d'un organisme public avec le cadre normatif ne se fera plus auprès du Protecteur du citoyen, mais bien auprès de l’AMP. Toute personne pourra dès lors communiquer à l'AMP des renseignements relatifs à un processus d'adjudication ou d'attribution d'un contrat public ou à l’exécution d’un tel contrat. Le service juridique du Protecteur du citoyen demeure toutefois accessible.
Les dispositions de cette section font abstraction des lois relatives à la vie privée ainsi que de toute autre restriction de communication telle l’obligation de confidentialité ou de loyauté envers son employeur ou son client. Seuls le secret professionnel entre l’avocat ou le notaire et son client et certains documents récents du Conseil exécutif en sont exempts.
Nous sommes d’avis que toute personne intéressée par l’entrée en vigueur de la Loi aura intérêt à consulter les professionnels du cabinet afin de bien connaître les implications de cette nouvelle Loi sur ses activités.
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