Historique

En octobre 2011, suivant une série de révélations sur le processus d’attribution de contrats publics au Québec, le gouvernement provincial met sur pied la Commission d’enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction (la « CEIC »), communément connue comme la Commission Charbonneau. Le 24 novembre 2015, la CEIC remet son rapport final avec quelque 60 recommandations, la première étant de « doter le Québec d’une autorité des marchés publics ».

Selon cette recommandation, l’Autorité des marchés publics (l’« AMP ») se veut une instance nationale d’encadrement des marchés publics ayant pour mandat :
(i) de surveiller les marchés publics afin de déceler les problèmes de malversation;
(ii) de soutenir les donneurs d’ouvrages publics dans leur gestion contractuelle;
et (iii) d’intervenir auprès de ceux-ci lorsque requis.

Le gouvernement provincial donne suite à cette recommandation de la CEIC le 8 juin 2016 lorsqu’il présente le projet de loi 108, soit la Loi favorisant la surveillance des contrats des organismes publics et instituant l'Autorité des marchés publics (la « Loi »). Ce projet de loi est adopté par un vote unanime à l’Assemblée nationale le 1er décembre 2017.

Mission de l’AMP

L'AMP a pour mission de surveiller l'ensemble des contrats des organismes publics, incluant les organismes municipaux, notamment en examinant la conformité des processus d'adjudication et d'attribution de ces contrats à la suite de la plainte d’une personne intéressée, de la demande d’une personne prévue à la Loi ou de la communication de renseignements. Il y a cependant lieu de noter que les pouvoirs de l’AMP sur les organismes municipaux ne sont pas les mêmes que sur les autres organismes publics, l’AMP ayant plutôt un pouvoir de recommandation sur les organismes municipaux.

L’AMP est aussi responsable d’octroyer l’autorisation de contracter avec l’État, en tenant le registre des entreprises autorisées à conclure des contrats et des sous-contrats publics et le registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (le « RENA »).

La Loi confère à l’AMP divers pouvoirs, dont celui d’effectuer des vérifications et des enquêtes au terme desquelles elle pourra, selon le cas, rendre des ordonnances, formuler des recommandations ou encore suspendre ou résilier un contrat.

Fonctions progressives de l’AMP

Bien que la Loi établisse la création immédiate de l’AMP, celle-ci prévoit une entrée en vigueur progressive des dispositions concernant ses fonctions et ses pouvoirs, soit six mois et dix mois après la date de nomination du premier président-directeur général de l’AMP.

Le 25 juillet 2018, celui-ci entre en fonction après un vote au 2/3 des membres de l’Assemblée nationale, marquant ainsi le début officiel des activités de l’AMP. Certaines dispositions entreront par conséquent en vigueur le 25 janvier et ensuite, le 25 mai 2019. D’autres dispositions concernant l’évaluation du rendement entreront en vigueur à une date ultérieure déterminée par décret du gouvernement.

25 janvier 2019

À compter du 25 janvier 2019, l’AMP se verra conférer d’importants pouvoirs d'intervention, de vérification et d'enquête, celui d'émettre certaines recommandations et ordonnances visant les organismes publics et celui de prendre en charge le processus par lequel des entreprises peuvent être autorisées à contracter avec l’État.

Intervention, vérification et enquête

L’AMP exercera d’office un rôle de surveillance des contrats publics et se voit ainsi attribuer des pouvoirs étendus de vérification et d’enquête des processus d’adjudication ou d’attribution et de la gestion contractuelle des organismes publics. La gestion contractuelle est surtout relative à la définition des besoins, au processus d’attribution des contrats, à l’exécution des contrats et à la reddition de comptes.

Dans l’exécution de ses fonctions de vérification, elle a le pouvoir de : (i) pénétrer dans l’établissement où se trouve l’organisme public ou dans tout autre lieu dans lequel ce dernier peut détenir des documents ou renseignements pertinents; (ii) utiliser tout ordinateur, matériel ou équipement se trouvant sur les lieux pour accéder à des données contenues dans un appareil électronique, un système informatique ou un autre support ou pour vérifier, examiner, traiter, copier ou imprimer de telles données; (iii) exiger des personnes présentes tout renseignement pertinent ainsi que la production de tout livre, registre, compte, contrat, dossier ou autre document s’y rapportant et en tirer copie.

L’AMP est par ailleurs investie des mêmes pouvoirs que ceux octroyés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Cela permettra aux enquêteurs de l’AMP de prendre tous les moyens légaux jugés efficaces pour réaliser leurs enquêtes, notamment la requête de comparution de toute personne et de production de tout document nécessaire, à l’exception de l’ordonnance d’emprisonnement.

La Loi impose une obligation de collaboration et de facilitation à la mission de vérification et d’enquête de l’AMP à toute personne ayant la garde, la possession ou le contrôle de documents visés par celle-ci, sous peine d’amende pouvant aller de 4 000 $ à 20 000 $, doublée en cas de récidive.

Recommandations et ordonnances

Au terme d’une vérification ou d’une enquête, l’AMP interviendra d’office lorsqu’elle est d’avis qu’un appel d’offres public : (i) prévoit des conditions qui n’assurent pas un traitement intègre et équitable des concurrents; (ii) ne permet pas à des concurrents d’y participer bien qu’ils soient qualifiés pour répondre aux besoins exprimés; ou (iii) n’est pas conforme au cadre normatif applicable.

L’AMP pourra dès lors enjoindre l’organisme public à modifier des documents d'appel d'offres public ou à annuler l’appel d’offres. Elle peut aussi ordonner à l’organisme public de recourir à un vérificateur de processus indépendant ou désigner une personne indépendante pour agir à titre de membre d’un comité de sélection pour l’adjudication d’un contrat public. En cas de manquement grave au plan de la gestion contractuelle, elle peut suspendre l’exécution d’un contrat public ou même résilier un tel contrat.

Les décisions de l’AMP doivent être motivées par écrit et transmises aux dirigeants de l’organisme public et aux contractants. Elles sont publiques et disponibles sur son site Internet. Toutefois, l’identité d’une personne désignée dans une décision pour agir à titre de membre de comité de sélection pour l’adjudication d’un contrat public ne sera pas divulguée.

Si l’AMP a le pouvoir d'émettre des ordonnances ou des recommandations à un organisme public, dans le cas d’un organisme municipal, ce pouvoir se limite à l’émission de recommandations. Elle peut néanmoins recommander au ministre responsable des affaires municipales d’intervenir ou de donner une directive jugée à propos au conseil d’un organisme municipal assujetti.

Les recommandations formulées par l’AMP au dirigeant d’un organisme public concernant un processus d’adjudication ou d’attribution d’un contrat peuvent notamment proposer l’apport de mesures correctrices, la réalisation de suivis adéquats ainsi que la mise en place de toute autre mesure, telles des mesures de surveillance ou d’accompagnement.

Autorisation de contracter et RENA

Anciennement la responsabilité de l’Autorité des marchés financiers (l’« AMF »), la gestion des autorisations aux entreprises de contracter avec l’État (incluant la tenue du registre des entreprises autorisées à conclure des contrats et des sous-contrats publics et la tenue du RENA) relèvera dorénavant de l’AMP.

Le RENA consigne le nom des entreprises ayant été déclarées coupables d’une infraction à la Loi sur les contrats des organismes publics, ainsi que celles s’étant vues refuser l’accord ou le renouvellement d’une autorisation de conclure des contrats publics ou sous-contrats publics. Cette inscription est normalement prévue pour une durée de cinq ans et elle peut être renouvelée.

Toute entreprise qui souhaite conclure des contrats ou des sous-contrats publics d’une valeur supérieure à certains seuils fixés par le gouvernement doit obtenir l’autorisation préalable de l’AMP. Pour ce faire, elle doit satisfaire à la démarche administrative instaurée par l’AMP. Cette démarche comprend notamment l’obligation de compléter un formulaire d’inscription ainsi que l’acquittement de divers frais.

À la suite de la réception d’une demande en bonne et due forme, l’AMP consulte le commissaire associé aux vérifications de l’Unité permanente anticorruption qui effectue les vérifications nécessaires et communique ses recommandations à l’AMP. 

25 mai 2019

À compter du 25 mai 2019, soit dix mois après l’entrée en fonction du premier président-directeur général de l’AMP, l’AMP et les organismes publics participeront activement à un système de gestion des plaintes, les pouvoirs de l’AMP seront étendus aux contrats conclus de gré à gré et l’AMP se fera octroyer des responsabilités concernant la divulgation des actes répréhensibles en matière de contrats publics.

Nous sommes d’avis que toute personne intéressée par l’entrée en vigueur de la Loi aura intérêt à consulter les professionnels du cabinet afin de bien connaître les implications de cette nouvelle Loi sur ses activités.