Depuis la fin janvier 2020, l'éclosion rapide de COVID-19 et les mesures drastiques prises par les autorités chinoises pour endiguer l'épidémie ont causé d'importantes perturbations touchant la vie quotidienne, les dépenses des consommateurs, l'activité commerciale et manufacturière, les chaînes d'approvisionnement et la logistique. Cette situation a entraîné un bouleversement de l'économie de la Chine qui, par effet d'entraînement, a eu des répercussions ressenties dans le monde entier.

Si la maladie continue à se propager dans d'autres parties du monde, la situation sanitaire semble cependant s'améliorer en Chine, où le nombre de nouveaux cas d'infection diminue de jour en jour. Les entreprises sont à présent autorisées à reprendre progressivement leurs activités, mais elles peinent à revenir à la normale.

Dans le présent article, divisé en quatre parties, nous passons en revue la législation et la réglementation chinoises applicables aux entreprises qui reprennent leurs activités après l'éclosion de COVID-19 et nous examinons comment composer avec les mesures draconiennes imposées par le gouvernement, y compris les suivantes :

  1. Responsabilité légale : pourquoi les entreprises et leurs gestionnaires doivent se conformer aux mesures administratives de contrôle;
  2. Emploi : comment traiter avec les employés chinois ou étrangers pendant l'épidémie;
  3. Discontinuité des affaires : pourquoi il n'est pas si simple de faire valoir des clauses de force majeure et de sauvegarde à l'encontre d'un partenaire commercial ou d'un assureur;
  4. Aller de l'avant : les entreprises à capital étranger utilisant le traitement national bénéficieront des mesures de relance et des aides financières du gouvernement chinois.

1. Responsabilité légale : comment et pourquoi se conformer aux mesures préventives gouvernementales

À la suite de l'éclosion de COVID-19, le gouvernement chinois a mis en œuvre des mesures d'urgence draconiennes à tous les paliers afin de contenir la propagation de la maladie.

Dans la plupart des villes chinoises, il était prévu que le retour au travail s'effectue le 10 février (plutôt que le 30 janvier, après le Nouvel An chinois) mais, partout au pays, les entreprises ont dû composer avec des défis uniques pour rouvrir, et notamment ajuster leurs activités pour tenir compte de l'afflux quotidien de nouvelles restrictions administratives et planifier pour les semaines à venir.

Restrictions sévères

Au moment où était décidée, le 26 janvier, une prolongation à l'échelle nationale de la période de congé du Nouvel An chinois, le Conseil d'État décidait également de déléguer les pouvoirs en matière d'adoption de contre-mesures spécifiques visant à faire obstacle à la propagation de la COVID-19 aux gouvernements provinciaux et municipaux. C'est la raison pour laquelle les mesures restrictives peuvent varier d'une région à l'autre. Par exemple, dans la plupart des provinces, les entreprises ont dû cesser leurs opérations jusqu'au 9 février, sauf celles dont les activités étaient jugées essentielles (services publics et transports, soins de santé, approvisionnement en nourriture et produits de première nécessité, et autres activités jugées essentielles pour l'économie nationale et la subsistance de la population). Par contre, dans la province de Hubei, où ont été rapportés la plupart des cas de COVID-19, les entreprises doivent rester fermées au moins jusqu'au 10 mars. Ces mesures ont de profondes répercussions non seulement en Chine, mais aussi sur le plan mondial; le secteur automobile est particulièrement touché, car Wuhan est un centre manufacturier majeur.

Partout en Chine, les autorités ont mis en œuvre des mesures sanitaires très strictes depuis l'éclosion de COVID-19, dont certaines sont comparables au couvre-feu militaire employé en temps de guerre, dont les suivantes :

Restrictions touchant la circulation des personnes

  • confinement de plus de 12 villes (p. ex. : Wuhan, Wenzhou);
  • auto-quarantaine pour tous les voyageurs en provenance de la province de Hubei;
  • restrictions imposées aux entrées et aux sorties des quartiers résidentiels (touchant quelque 700 millions d'habitants);
  • obligation d'avoir en sa possession une lettre de son employeur et/ou un certificat médical pour justifier ses déplacements; (…)

Restrictions touchant les voyages

  • interdictions de voyager à l'intérieur de la Chine;
  • enregistrement des allées et venues des individus au cours des 14 derniers jours;
  • interdiction pour les non-résidents de pénétrer dans certaines villes; (…)

Restrictions visant les rassemblements

  • interdiction des réunions publiques et privées;
  • report des foires commerciales, des expositions et des grands rassemblements;
  • fermeture des commerces servant de la nourriture et des boissons; (…)

Mesures sanitaires obligatoires

  • port du masque dans tous les lieux publics;
  • surveillance de la santé des individus;
  • enregistrement des visiteurs;
  • signalement des individus présentant de la fièvre (température supérieure à 37,3 ⁰C mesurée par un thermomètre à infrarouge); (…)

Restrictions touchant les entreprises

  • fermeture immédiate de toutes les entreprises pendant la période de congé public prolongée du Nouvel An chinois, sauf pour les activités essentielles;
  • longueur des procédures administratives et incertitude entourant la date de réouverture des usines et des lieux publics;
  • interdiction aux conducteurs de camion d'entrer dans d'autres provinces ou villes; (…)

Ces mesures draconiennes sont en fait conformes à ce que prévoit la Loi sur la prévention des maladies infectieuses, qui a été considérablement modifiée en 2004 après l'éclosion de SRAS, puis en 2013, après l'éclosion de MERS. En ce qui concerne l'infection par le nouveau coronavirus, le Conseil d'État et le ministre de la Santé ont décidé le 20 janvier de la considérer comme une maladie infectieuse de classe B (comme le SRAS, le sida, l'encéphalite B, la rage, l'anthrax, la tuberculose pulmonaire, etc.), tout en mettant en œuvre les protocoles les plus sévères normalement applicables aux maladies infectieuses de classe A comme la peste et le choléra. L'application de ces mesures de contrôle est surveillée non seulement par les autorités locales, mais aussi par les comités de quartier, et même par des entités privées comme des gardiens de sécurité dans les immeubles résidentiels et commerciaux, qui ont été habilités en pratique à exercer des pouvoirs de contrôle policier sur les biens et les personnes tout en faisant des rapports quotidiens au Centre de contrôle et de prévention des maladies.

En ce qui concerne la responsabilité légale, le refus d'exécuter pendant une épidémie de classe A des mesures de contrôle selon les instructions données par le ministère de la Santé ou par le Centre de contrôle et de prévention des maladies est considéré comme une infraction très grave susceptible de donner lieu à l'emprisonnement des contrevenants pendant une durée maximale de trois ans, voire de sept ans dans les cas particulièrement graves (Code criminel, modifié en 2015, article 330). Si une société fait défaut de respecter ces mesures obligatoires, son représentant légal et les autres personnes directement responsables de la violation peuvent être poursuivis pour avoir commis cet acte criminel. De plus, la société elle-même peut être condamnée à des sanctions administratives, y compris faire l'objet d'une ordonnance l'enjoignant à cesser immédiatement ses activités commerciales, recevoir une amende d'un montant maximal de 200 000 RMB, ou encore voir sa licence d'exploitation d'entreprise suspendue ou révoquée définitivement (Loi sur l'intervention en cas d'urgence, promulguée en 2007, article 64) et tout revenu illicite confisqué (Loi sur la prévention des maladies infectieuses, article 73). Jusqu'à présent, en pratique, il semble dans la plupart des cas que les contrevenants reçoivent une amende, doivent se mettre en auto-quarantaine pendant 15 jours ou sont détenus pendant 15 jours par la police pour atteinte à l'ordre public.

Durant cette période épidémique, les entreprises doivent s'informer chaque jour de la prise de telles mesures gouvernementales et vérifier quels contrôles s'appliquent dans chaque région où elles déploient des activités. Ces règles locales applicables sont normalement publiées sur les sites Web du gouvernement ou sur les comptes officiels sur WeChat, mais elles varient d'un district municipal à l'autre.

Nous prévoyons aussi que les mesures de contrôle gouvernementales seront bientôt graduellement rétrogradées au niveau d'une épidémie de classe B, selon les régions. Les avocats de notre cabinet dispensent davantage de conseils sur les moyens d'atténuer les risques de non-conformité et sur la conduite à tenir avec les autorités en cas de contestation.

2. Emploi : comment traiter avec les employés chinois ou étrangers

La reprise du cours normal du travail pourrait se révéler difficile tant pour les entreprises que pour leur service des ressources humaines. Néanmoins, il importe pour les employeurs de garder à l'esprit le cadre juridique applicable pour réduire les risques de conflit futur avec les employés (par exemple, les heures qui seront travaillées le samedi ou le dimanche qui suit pour rattraper le retard doivent-elles être payées au tarif des heures supplémentaires ou à celui du salaire normal?) et de divulgation de renseignements personnels (comment partager des dossiers de l'entreprise à l'aide d'outils gratuits disponibles en ligne?)

Un milieu de travail sain et sécuritaire

Aux termes des lois et des règlements chinois, les employeurs ont l'obligation générale d'offrir à leurs employés un milieu de travail sain et sécuritaire. Les entreprises et leur direction assumant la responsabilité légale du contrôle et de la prévention des maladies professionnelles (Loi sur la prévention et le contrôle des maladies professionnelles, promulguée en 2001), il leur faut déléguer de façon appropriée une telle responsabilité à leurs services des ressources humaines et de sécurité au travail/environnement, santé et sécurité. Les entreprises comptant plus de 100 travailleurs ou exposées de façon particulière à des risques graves pour la santé doivent même constituer un comité de gestion de la santé au travail (Règlement sur la santé au travail, promulgué en 2012).

Dans le cas d'une épidémie de classe A, la Loi sur la prévention des maladies infectieuses (2009) et les récentes circulaires administratives publiées à la suite de l'éclosion de COVID-19 énoncent une liste complète d'obligations imposées aux employeurs, notamment celles de transmettre des renseignements personnels sur leurs employés au Centre de contrôle des maladies compétent, de mettre en œuvre des mesures sanitaires particulières (distribution de masques et de désinfectant pour les mains aux employés, nettoyage fréquent et ventilation des lieux de travail, distance recommandée de 1,5 à 2 m entre les employés, vérification de la température des employés), de placer en auto-quarantaine les voyageurs en provenance de la province de Hubei ou de l'une des villes confinées, de diffuser de l'information sur la santé de source officielle auprès de son personnel, etc.

Traiter avec les employés pendant et après l'éclosion

Le 24 janvier, le ministère des Ressources humaines et de la Sécurité sociale a publié une circulaire sur la façon de gérer les relations de travail pendant l'épidémie de COVID-19, dans l'espoir de promouvoir la stabilité des emplois et de réduire les licenciements collectifs en Chine. Si cette circulaire n'a pas force de loi, elle n'en constitue pas moins une ligne directrice importante pour les employeurs souhaitant demeurer conformes lorsqu'ils paient des heures supplémentaires pour le travail effectué pendant le congé prolongé, calculent des salaires pendant cette longue période de suspension du travail, composent avec les employés qui ont été infectés ou mis en quarantaine, ajustent l'horaire de travail ou les congés annuels depuis le 10 février et envisagent la résiliation ou le non-renouvellement de contrats d'emploi, etc. En plus de la circulaire émise par le ministère des Ressources humaines et de la Sécurité sociale à l'échelle nationale, différentes provinces et villes ont imposé leurs propres mesures locales en réaction à l'épidémie (afin, par exemple, de restreindre les motifs de licenciement prévus par la loi, d'autoriser le paiement d'un salaire minimum au lieu du salaire normal pendant la période de suspension du travail, d'encourager le travail le samedi et le dimanche pour rattraper le temps perdu, etc.). Cela dit, on peut parfois s'interroger sur la validité juridique de ces circulaires administratives publiées en urgence par les autorités locales. Il est conseillé aux employeurs de communiquer et de dûment documenter les arrangements de travail avec leurs employés.

Dans la mesure où l'employeur se conforme aux recommandations sanitaires du gouvernement et assure un milieu de travail sécuritaire, l'employé n'a normalement pas le droit de refuser de travailler par crainte de la pneumonie provoquée par le coronavirus et doit respecter les arrangements de travail de son employeur. Sinon, si l'employé n'a pas de motif prévu par la loi pour justifier son absence (p. ex., congé de maladie, quarantaine), il pourrait alors être tenu responsable d'un congé sans motif valable aux termes du droit de l'emploi de la RPC, de son contrat d'emploi ou du manuel des employés de la société.

Il est également conseillé aux employeurs de documenter de façon appropriée tout arrangement de travail convenu avec leurs employés durant la période de suspension et, par exemple, de conclure des ententes écrites avec les employés concernant les arrangements pris pour la suspension du travail assortie d'un salaire réduit pendant l'épidémie de COVID-19 puis, par la suite, pour le versement d'une paie normale (plutôt que des heures supplémentaires) le samedi et le dimanche afin de rattraper le temps perdu.

Protection de la vie privée et données personnelles

En ce qui concerne la protection de la vie privée, les employeurs doivent veiller tout particulièrement à protéger les renseignements personnels et familiaux de leurs employés recueillis aux fins du contrôle de l'épidémie, s'abstenir de toute communication d'information non nécessaire et prendre des mesures appropriées en matière de respect de la confidentialité. Les sociétés actives en Chine doivent respecter la réglementation pertinente en matière de cybersécurité et limiter les risques de divulgation de renseignements personnels à l'ensemble des employés, la portée des renseignements personnels sur la santé transférés à un siège social à l'étranger et le transfert de renseignements personnels ou importants sans avoir obtenu le consentement exprès des employés visés, etc. Selon le type de renseignement exporté et le nombre de personnes concernées, des restrictions légales et des pénalités additionnelles peuvent s'appliquer.

Pendant ce temps, comme bon nombre d'employeurs ont mis en œuvre une politique de télétravail, la communication par écrit est fortement encouragée dans les politiques et les lignes directrices de la société afin d'assurer la confidentialité des renseignements de nature commerciale. Les employeurs doivent être conscients du fait qu'en pratique, leurs employés peuvent sauvegarder des fichiers confidentiels sur des plateformes en ligne gratuites et les partager en utilisant des logiciels de médias sociaux. Les services des affaires juridiques, des ressources humaines et des technologies de l'information doivent bien vérifier les conditions d'utilisation de tout logiciel recommandé pour leurs employés dans les circonstances actuelles.

Employés étrangers

À l'heure actuelle, les étrangers peuvent encore entrer en Chine et en sortir normalement en présentant des documents de voyage valides, exception faite des villes confinées comme Wuhan ou, plus récemment, Wenzhou.

Les entreprises qui emploient des personnes étrangères en Chine doivent continuer à honorer les contrats d'emploi locaux, s'occuper des formalités d'obtention du permis de travail et de renouvellement du visa dans les délais requis (même si la plupart des services d'immigration ont annoncé qu'ils pouvaient envisager imposer des pénalités moins lourdes ou même accorder des exemptions en cas de renouvellement de visa hors délai à cause des restrictions imputables à la COVID-19 en Chine). Les employés étrangers doivent également respecter leur contrat d'emploi local et garder activement contact avec leur employeur en Chine.

Si cela n'est pas exigé par la loi chinoise, bon nombre de multinationales actives en Chine ont cependant rapatrié leurs employés étrangers et les membres de leur famille dans leur pays d'origine, compte tenu non seulement de la politique mondiale du groupe en matière de ressources humaines et des recommandations du gouvernement étranger, mais aussi pour des questions touchant la couverture globale d'assurance.

À l'heure actuelle, le principal sujet de préoccupation est plutôt que de nombreux pays étrangers refusent l'entrée des voyageurs en provenance de Chine sur leur territoire ou leur imposent une quarantaine, ce qui peut les empêcher de travailler à l'étranger normalement.

Il est conseillé aux employeurs de négocier et de dûment documenter les arrangements de travail, notamment en ce qui concerne le télétravail malgré le décalage horaire. Si aucun arrangement ne peut être mutuellement convenu, l'employeur peut envisager la possibilité d'accorder directement un congé annuel ou un congé compensatoire (d'après les lignes directrices les plus récentes émises par les bureaux locaux des ressources humaines et de la sécurité sociale).

3. Discontinuité des affaires : clauses de force majeure et de sauvegarde dans les contrats

Alors que les sociétés se débattent pour reprendre leurs activités après la crise de la COVID-19, nombreux sont les fournisseurs qui ne seront pas en mesure de livrer à temps, voire tout simplement de livrer, ou qui voudront remplacer par d'autres les marchandises à livrer; les acheteurs tenteront de faire annuler des commandes ou des contrats en raison d'une chute sans précédent de la demande; les entreprises de transport réévalueront les services qu'elles offrent si les volumes de fret ne compensent pas les coûts en carburant; certains fournisseurs ou acheteurs pourraient devenir insolvables, etc.

Sur le plan des recours juridiques, une partie pourrait envisager d'invoquer la force majeure ou des difficultés exceptionnelles (hardship) en vue de suspendre, de modifier ou de résilier un contrat commercial qui ne peut dans les faits être exécuté. Il faut alors déterminer la date et la cause du péril à l'origine de l'interruption des activités.

Une question de dates

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le public ont été informés d'une éclosion de cas de pneumonie à la fin décembre 2019 et les autorités chinoises ont identifié le nouveau coronavirus à l'origine de la maladie le 7 janvier 2020. Le 20 janvier, le ministère de la Santé a décidé que les mesures de contrôle des épidémies de classe A (comme la peste et le choléra) devaient être immédiatement mises en œuvre sur l'ensemble du territoire et, le 26 janvier, le Conseil d'État a décidé de prolonger la période de congé public du Nouvel An chinois. Ensuite, le 30 janvier, l'OMS a déclaré que la COVID-19 constituait une urgence de santé publique de portée internationale (USPPI).

Les contrats prévoient en général des exigences strictes en ce qui concerne les dates butoirs et les délais pour s'acquitter de certaines obligations. Pour déterminer les délais contractuels applicables après la crise de la COVID-19, une certaine latitude pourrait exister pour l'interprétation des ententes et la définition des jours ouvrables, en tenant compte de la prolongation de la période de congé public du Nouvel An chinois par le Conseil d'État jusqu'au 2 février et par les autorités locales à une date ultérieure. Toutefois, au moment où nous rédigeons cet article, à la fin février, les mesures gouvernementales restreignant les activités commerciales sont toujours en vigueur. Pour la plupart des entreprises, le principal enjeu est l'incertitude entourant le moment auquel elles pourront retourner intégralement à la normale : dans quelques semaines ou dans plusieurs mois?

Force majeure et preuve suffisante des conséquences de la COVID-19

En ce qui concerne les contrats régis par le droit chinois, les Principes généraux de droit civil (promulgués en 1986, article 153), la Loi sur les contrats de la RPC (promulguée en 1999, article 117) et les Règles générales de droit civil (promulguées en 2017, article 180) donnent tous la même définition générale de la force majeure : une « circonstance objective qui est imprévisible, inévitable et insurmontable ».

On ne peut nier qu'à la fois l'épidémie de COVID-19 elle-même et les mesures gouvernementales subséquentes restreignant les activités commerciales sont imprévisibles (pour un contrat conclu avant janvier 2020), inévitables (la violation des mesures gouvernementales en lien avec une épidémie de classe A constitue une infraction criminelle) et insurmontables (car échappant au contrôle des parties). La partie victime d'un tel cas de force majeure peut en général être exonérée de sa responsabilité légale, en tout ou en partie, mais uniquement si elle en avise l'autre partie en temps opportun et établit qu'un tel cas l'empêche réellement de s'acquitter de son obligation contractuelle.

Afin d'aider les entreprises, le Conseil chinois pour le développement du commerce international propose de délivrer des certificats à cet effet à partir de sa plateforme en ligne www.rzccpit.com.

Toutefois, pour la plupart des entreprises, la simple transmission à l'autre partie d'un certificat attestant l'éclosion de COVID-19 pourrait être insuffisante d'un point de vue légal et contractuel. Il faut également dûment documenter le lien de causalité entre l'épidémie et l'arrêt des activités commerciales.

Une attention particulière doit être accordée aux contrats écrits, car ils prévoient souvent une clause particulière de force majeure comprenant une définition plus détaillée d'un tel événement (y compris les épidémies) et imposent le respect d'une procédure précise (p. ex., la force majeure doit être prouvée par un certificat notarié dans un délai donné).

De plus, la loi chinoise prévoit que la partie qui subit un événement de force majeure doit toujours veiller à atténuer la perte causée à l'autre partie et prendre les mesures appropriées pour prévenir toute perte non nécessaire (Loi sur les contrats, articles 118 et 119). Selon le cas, ces mesures pourraient inclure le paiement de frais additionnels pour respecter les échéances prévues au contrat, par exemple conclure des arrangements avec les employés pour qu'ils effectuent des heures supplémentaires, sous-traiter à des fournisseurs qui ont repris leurs activités ou sont actifs dans d'autres pays, etc.

Par ailleurs, en pratique, les contrats portant sur des projets internationaux ou importants contiennent souvent une clause sur la continuité des affaires et les plans de reprise après un sinistre, où sont décrites de façon plus détaillée les obligations des parties, même pendant un événement de force majeure. Il est important pour les entreprises d'obtenir un avis juridique afin de pouvoir invoquer la force majeure de façon appropriée à l'encontre de leurs contreparties.

Clause de hardship (ou clause de sauvegarde)

Lorsque la force majeure ne peut être invoquée, une partie dans l'impossibilité de s'acquitter de ses obligations peut se tourner vers un autre moyen prévu par la loi, la clause de hardship. Le terme hardship, (difficultés exceptionnelles) n'a pas de définition universelle, mais est généralement considéré comme englobant tout changement majeur et imprévu des circonstances faisant en sorte que le contrat devient manifestement injuste pour une des parties ou se voit privé de son objet. Le droit chinois ne prévoit pas expressément de clause de hardship dans les relations contractuelles mais, dans la pratique judiciaire, les tribunaux populaires peuvent l'admettre au titre d'une rupture du principe juridique d'équité aux termes du droit civil général (Cour populaire suprême, Interprétation no II concernant diverses questions relatives à l'application de la Loi sur les contrats de la RPC, publiée en 2009, article 26). Si la partie qui subit de telles difficultés exceptionnelles ne parvient pas à négocier un réajustement du contrat avec sa contrepartie, elle peut s'adresser au tribunal populaire compétent ou à la commission d'arbitrage commercial pour obtenir, au cas par cas, l'autorisation de modifier ou de résilier le contrat.

Il est pratique courante d'inclure une clause de hardship dans les contrats internationaux. Dans de tels cas, les parties doivent appliquer leurs modalités contractuelles et le résultat d'un différend lié aux conséquences de la COVID-19 peut être plus prévisible.

Assurance

L'épidémie de COVID-19 va vraisemblablement donner lieu à des demandes d'indemnisation d'assurance dans tous les secteurs d'activité. Cependant, comme pour les clauses de force majeure ou de hardship, les entreprises doivent vérifier le libellé de leur contrat ou de leur police d'assurance, en particulier en ce qui concerne l'obligation de prouver de quelle façon ce péril a entraîné l'interruption de leurs activités ou a donné lieu à des dommages imprévus.

4. Aller de l'avant : Politiques préférentielles chinoises de soutien à l'économie

Premier plan de relance de la Chine après l'épidémie de COVID-19

L'épidémie de COVID-19 est une crise non seulement sanitaire, mais également économique, des millions d'entreprises étant confrontées à des défis imprévisibles provoquant une discontinuité dans tous les secteurs d'activité en Chine, et plus particulièrement le tourisme, les voyages, les aliments et les boissons, le commerce de détail hors ligne, les divertissements et l'automobile. Les usines ont de la difficulté à obtenir les autorisations administratives requises pour reprendre leurs activités, le transport des marchandises non essentielles est encore soumis à des restrictions et la situation est donc loin d'être revenue à la normale.

Le ministère du Commerce vient d'annoncer que selon les prévisions, le marché devrait atteindre son niveau le plus bas en mars et demeurer en mode de récupération au cours du 2e trimestre. Si l'épidémie de COVID-19 demeure contenue, la reprise du travail sera probablement progressive, selon les régions et les secteurs d'activité.

La situation actuelle est sans précédent pour la Chine moderne (y compris durant l'éclosion de SRAS) et pourrait mettre en péril la survie même de bon nombre de petites et moyennes entreprises (PME) si la crise devait se poursuivre pendant encore un mois ou deux. Compte tenu de ces conséquences désastreuses, la Banque centrale de Chine a déjà annoncé, le 2 février, qu'elle injectera plus 170 milliards de dollars américains dans l'économie et encouragera les banques à accorder des prêts à des taux préférentiels. Depuis le 5 février, le Conseil d'État et différents ministères ont publié des politiques visant à stabiliser les marchés et à soutenir les entreprises. Il s'agit, par exemple, de mesures visant le report des échéances normales pour le paiement des impôts et de l'assurance sociale, l'exemption de TVA sur les fournitures et les services d'urgence essentiels, ou encore l'amélioration des services en ligne offerts par les administrations et les tribunaux, etc.

En parallèle, bon nombre de gouvernements provinciaux et municipaux ont eux aussi mis en place des politiques de traitement préférentiel des entreprises. Beijing a annoncé 16 mesures incitatives pour soutenir la production des PME (le 5 février), Guangdong a mis en œuvre 20 mesures pour aider les entreprises à reprendre le travail (le 6 février), Shanghai a introduit 28 mesures pour stabiliser l'activité économique (8 février), etc. Il est conseillé aux entreprises de consulter ces politiques, qui sont publiées sur les sites Web de ces gouvernements locaux ainsi que sur les comptes officiels de WeChat; elles accroissent le soutien fiscal des entreprises dans certains secteurs d'activité, ordonnent aux responsables des immeubles appartenant à l'État de renoncer à la collecte du loyer pendant un ou deux mois, encadrent la résiliation hâtive des prêts par les banques lorsque les PME ne remboursent pas leur solde dans les délais impartis, etc. Les gouvernements locaux ont également lancé des plateformes en ligne dans le but précis de publier de l'information actualisée sur les nouveaux règlements et politiques administratifs applicables aux entreprises pendant l'épidémie de COVID-19.

Traitement national accordé aux entreprises à capitaux étrangers et aides financières

Il convient de signaler qu'aux termes de la nouvelle Loi sur l'investissement étranger (en vigueur depuis le 1er janvier 2020), les sociétés financées par des capitaux étrangers comme les entreprises à capitaux exclusivement étrangers et les coentreprises ont droit à ces aides financières au même titre que les entreprises sous contrôle chinois, selon le principe du traitement national.

D'autres politiques gouvernementales de traitement préférentiel des entreprises devraient être rendues publiques prochainement à l'échelon tant national que local.

*Pendant la présente épidémie de COVID-19 en Chine, les bureaux de Gowling WLG à Guangzhou et à Beijing fonctionnent comme à l'habitude et reçoivent du courrier et des appels téléphoniques. Les membres de notre équipe sont tous en sécurité et travaillent depuis leur domicile jusqu'à ce que l'épidémie ait été endiguée et les restrictions gouvernementales levées. Durant cette période, nous encourageons le recours à la vidéo en ligne ou à la téléconférence pour les réunions. Pendant ce temps, nous continuons sans interruption à dispenser nos services à nos clients, partenaires et contacts.

Du fait de notre engagement de longue date à l'égard de la Chine, nous sommes en première ligne pour aider nos clients tant à l'égard de leurs activités locales, au cœur de l'épidémie, que de leur siège social à l'étranger. Dans un contexte de restriction des déplacements, de quarantaines et d'autres mesures de sécurité, nos bureaux pour la Chine situés en Chine, au Royaume-Uni, en France, à Dubaï et au Canada peuvent aider à faire le lien et à assurer la continuité des activités à nos clients faisant affaire en Chine.