Ronald Audette
Associé
Article
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Le groupe national Litige bancaire de Gowling WLG est heureux de vous présente cette revue des décisions rendues en 2020-2021 dans la sphère du litige bancaire. La revue annuelle de cette année se veut véritablement exhaustive, et vous trouverez ci-dessous une variété de décisions clés triées sur le volet qui, nous le croyons, pourraient capter votre intérêt.
Le groupe Litige bancaire de Gowling WLG, l'un des plus chevronnés et diversifiés au Canada, possède une impressionnante feuille de route. Notre équipe a représenté avec succès la plupart des banques de l'annexe I du Canada de même que d'importantes sociétés canadiennes et autres participants de l'industrie financière.
Nous espérons que cette ressource vous sera utile et pertinente, et si vous avez la moindre question au sujet des décisions ou de notre groupe de pratique, veuillez communiquer avec l'un ou l'autre membre de notre équipe.
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L'ordre de paiement visant un virement de fonds n'étant pas une lettre de change, il n'est pas régi par la Loi sur les lettres de change, mais constitue un mandat accordé par le détenteur du compte à sa banque.
En 2020, la Cour suprême a rejeté l'appel d'une décision rendue en 2019 par la Cour d'appel du Québec. L'affaire portait sur un cas d'hameçonnage ciblant la Coop fédérée, qui a donné un ordre de paiement autorisant son institution financière, la Banque Nationale du Canada, à virer 4,9 M$ US au compte d'un bénéficiaire désigné dans une banque de Hong Kong. Les fonds ayant déjà changé de mains lorsque la Coop fédérée a découvert le pot aux roses, celle-ci a poursuivi ses assureurs. Outre les nombreuses questions touchant la couverture d'assurance, la Cour d'appel a traité, entre autres choses, de la question de savoir si le virement tombait sous le coup de la Loi sur les lettres de change et, de façon plus générale, de la nature juridique du virement de fonds. La Cour d'appel a conclu que celui-ci ne partage pas les caractéristiques essentielles d'une lettre de change, en ce qu'il ne comporte pas de procédure de présentation au paiement, ne confère pas de droit d'action au bénéficiaire nommé en cas de refus d'exécution par la banque et ne connaît pas la notion de négociabilité, la destinataire du virement ne pouvant endosser le titre au profit d'un tiers, contrairement au bénéficiaire d'une lettre de change. Ainsi, la Cour d'appel a conclu que l'ordre de paiement visant un virement de fonds n'est pas une lettre de change, mais bien un mandat, au sens du Code civil du Québec, donné par le titulaire du compte à sa banque.
Une banque n'a pas de devoir général de diligence l'obligeant à prévenir les manœuvres frauduleuses d'initiés de ses clients.
Voici une affaire importante pour ce qui est d'établir la portée des obligations des banques envers leurs clients qui sont victimes de la fraude d'un de leurs initiés. Une banque n'a pas de devoir général de diligence l'obligeant à protéger ses clients contre les abus de leurs initiés. Au reste, même si un tel devoir lui avait incombé en l'espèce, la Banque TD a observé la norme de diligence à laquelle on s'attendrait d'un banquier raisonnable. Cette affaire fait aussi office de rappel aux tribunaux de considérer les faits tels qu'ils sont établis au moment de leur examen. Il n'y a en effet pas lieu d'utiliser la rétrospection pour imposer aux institutions financières une responsabilité reposant sur des années d'expertise judiciaire a posteriori et de suivi de fonds réalisés par un tiers.
Dans l'affaire McDonald and Dickson v. TD Bank, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a rejeté une action pour négligence de 4,5 milliards de dollars intentée contre la Banque TD (la « TD ») en lien avec une combine à la Ponzi de 8 milliards de dollars américains menée sur une période de 18 ans, la deuxième en importance de l'Histoire. Stanford International Bank Limited (« SIB »), une banque extraterritoriale menant ses activités à Antigua, était la propriété exclusive d'Allen Stanford (« Stanford »). Pendant 18 ans, la TD était la principale banque correspondante par laquelle SIB offrait des services bancaires en dollars américains au pays. Or, Stanford utilisait le compte de SIB à la TD pour mener une combine à la Ponzi. En 2008, la combine s'est effondrée, et SIB s'est vu ordonner de verser des milliards en dommages-intérêts aux personnes flouées par Stanford. Les liquidateurs nommés par le tribunal pour SIB (le « demandeur ») ont intenté une poursuite contre la TD, alléguant qu'elle avait apporté en connaissance de cause son aide à la combine au mépris de son obligation fiduciaire et qu'elle avait fait preuve de négligence. On reprochait ainsi à la TD de ne pas avoir été sur ses gardes de sorte à protéger le demandeur contre « l'abus d'initié » perpétré par le seul propriétaire et esprit dirigeant de SIB.
Le tribunal a débouté le demandeur pour ce qui est de son allégation d'aide apportée en connaissance de cause. En effet, il a reconnu que la TD n'avait pas connaissance du manquement de Stanford à son obligation fiduciaire envers SIB, concluant en outre qu'elle n'avait fait preuve ni de témérité ni d'aveuglement volontaire, la preuve ne permettant pas d'établir que TD avait des raisons de croire que Stanford pouvait manquer à ce devoir. Le tribunal a souligné que la combine frauduleuse de Stanford était élaborée et minutieusement dissimulée : la centaine d'employés de SIB n'étaient pas au courant de la fraude et croyaient travailler pour une institution financière légitime. Qui plus est, SIB s'était dotée de solides politiques de lutte contre le blanchiment d'argent (LBC) afin d'échapper aux regards extérieurs qui auraient mis au jour la combine de Ponzi. Cette combine, ce n'est qu'avec le recul qu'on pouvait la déceler.
Le tribunal a également rejeté l'allégation de négligence du demandeur. En effet, l'obligation de diligence d'une banque envers son client consiste à exécuter chaque transaction conformément aux instructions reçues de lui alors que son compte est actif. C'est sur ce point que le tribunal a fondé son rejet de cette allégation, le degré de proximité nécessaire n'ayant pas été établi. Bien que TD se soit engagée à respecter les procédures bancaires applicables à l'utilisation du compte de SIB, son devoir de surveillance ne s'étendait pas à la gestion interne de cette dernière. Tel n'aurait été le cas qu'en présence d'une preuve claire que l'institution financière était au courant qu'un compte était utilisé à des fins répréhensibles ou que des pratiques frauduleuses avaient cours.
Une banque n'a pas à motiver au préalable sa décision de fermer un compte, mais elle doit donner au client un préavis raisonnable et continuer de lui fournir ses services entre-temps. Elle peut néanmoins fermer un compte sans préavis advenant un manquement prévu à la convention bancaire, pourvu qu'elle invoque le manquement au moment de la fermeture, et non après coup.
La Banque Toronto-Dominion a interjeté appel d'un jugement dans lequel la Cour supérieure l'ordonnait d'indemniser M. Pourshafiey et Moneywise (sa société) de la fermeture de leurs comptes bancaires sans préavis raisonnable. Après une relation bancaire de trois ans, la TD informe M. Pourshafiey de la fermeture de ses comptes de particulier et d'entreprise sans lui donner d'explications. Elle lui donne un préavis de 35 jours, mais suspend immédiatement l'accès à sa marge de crédit ainsi que ses services de virement bancaire rapide. S'avérant incapables d'obtenir des services financiers d'autres institutions financières, M. Pourshafiey et Moneywise poursuivent la TD en dommages-intérêts.
Le juge de première instance a conclu que la TD n'avait pas agi de bonne foi en mettant fin au service de virement bancaire rapide dont bénéficiait Moneywise sans motif ni préavis. Il a également jugé le délai de 35 jours trop court, et estimé qu'un préavis de trois mois aurait été approprié dans les circonstances particulières de l'espèce. Ainsi, le juge du procès a accordé 15 000 $ en dommages-intérêts en compensation des profits qu'aurait générés Moneywise au cours d'une période de préavis de trois mois. Il a de plus accordé 34 000 $ à M. Pourshafiey pour le stress et les inconvénients suscités par la fermeture subite de ses comptes et par la décision de la TD de ne lui donner aucune explication. Il a cependant rejeté la demande en dommages-intérêts punitifs présentée par M. Pourshafiey pour discrimination, convaincu que la TD avait fermé les comptes non en raison des origines nationales de ce dernier, mais consécutivement aux sanctions économiques canadiennes contre l'Iran.
L'appel a été accueilli en partie. La Cour d'appel a conclu que le juge de première instance n'avait pas erré en jugeant que la TD aurait dû continuer d'assurer ses services durant la période de préavis. Cependant, son défaut de motiver la fermeture des comptes ne constituait pas un manquement, la convention bancaire lui conférant un droit de résiliation sans motif, mais avec préavis. Le motif de la fermeture des comptes n'avait donc pas d'importance. La Banque pouvait également fermer les comptes sans préavis dans certains cas prévus à la convention bancaire, à condition d'invoquer le manquement ou le motif au moment de la fermeture, et non après coup. C'était donc à tort que le juge du procès avait accordé des dommages-intérêts pour le stress et les inconvénients causés par le mutisme de la TD quant aux motifs de la résiliation.
Les frais de dépassement imposés par les banques aux titulaires de cartes de crédit sont valides.
Mme Pilon interjette appel d'un jugement rejetant sa demande d'autorisation d'une action collective. Les banques intimées émettent des cartes de crédit dotées de limites de crédit que leurs titulaires ne doivent pas dépasser. Il arrive toutefois qu'une banque leur permette d'effectuer une ou plusieurs transactions qui entraînent un tel dépassement. Mme Pilon alléguait que cette pratique contrevient à l'article 6 du Règlement sur les pratiques commerciales en matière de crédit et à l'article 128 de la Loi sur la protection du consommateur, dispositions interdisant au prêteur de hausser la limite d'une carte de crédit sans le consentement exprès du consommateur.
Or selon les banques, une distinction importante devait être faite entre le dépassement et l'augmentation d'une limite de crédit : permettre à un titulaire de dépasser sa limite ne revient pas à l'augmenter. La Cour supérieure a refusé d'autoriser l'action collective. Pour sa part, la Cour d'appel a rejeté l'appel au motif que le dépassement d'une limite de crédit n'en entraîne pas forcément l'augmentation.
Mme Pilon a déposé une demande d'autorisation d'interjeter appel devant la Cour suprême en mai 2021, demande qui est toujours en instance.
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