La solution exhaustive reposant sur deux piliers de l'OCDE est conçue pour réformer les règles fiscales internationales et remédier aux difficultés fiscales soulevées par la mondialisation et la numérisation.

Pilier 1 : Répartition des profits en fonction du critère du marché

Le Pilier 1 cible une centaine d'entreprises multinationales (EMN) parmi les plus grandes et les plus rentables : celles dont le chiffre d'affaires dépasse 20 milliards d'euros et dont la rentabilité est supérieure à 10 pour cent. Son objectif premier consiste à attribuer les profits aux pays, appelés « juridictions de marché », où les EMN génèrent des recettes et servent des clients.

Par ailleurs, le cadre prévoit un régime de protection applicable aux activités de vente et de commercialisation, et oblige les pays participants à éliminer leurs taxes sur les services numériques et autres mesures semblables. Grâce à une clé de répartition fondée sur le chiffre d'affaires, le Pilier 1 permet d'imposer les profits dans les juridictions de marché même si l'EMN n'y est pas physiquement présente : on se fie à la transaction entre l'EMN et le client, appelée « nexus ».

Le Pilier 1 comprend deux volets : le Montant A et le Montant B. Le Montant A redistribue 25 pour cent des profits excédant 10 pour cent du chiffre d'affaires aux juridictions de marché où l'EMN satisfait au critère du nexus. Les juridictions de marché obtiennent un nouveau droit d'imposition sur ces profits résiduels si les EMN y réalisent au moins 1 million d'euros de recettes (250 000 euros dans les pays à faible PIB). Le Montant B établit une procédure de déclaration simplifiée pour les distributeurs liés qui effectuent des activités de commercialisation et de distribution de référence. Il vise à simplifier l'application du principe de pleine concurrence et à réduire le fardeau de conformité.

Pilier 2 : Introduction d'une imposition minimale pour les groupes internationaux

Le Pilier 2 introduit un taux d'imposition effectif minimum de 15 pour cent sur les profits des grandes
EMN dont le chiffre d'affaires annuel est d'au moins 750 millions d'euros. Ce pilier est fondé sur les règles globales de lutte contre l'érosion de la base d'imposition (règles GloBE), qui prévoient une méthode standardisée de calcul du revenu dans chaque pays. Le Pilier 2 introduit également une « règle d'assujettissement à l'impôt », qui autorise les juridictions de la source à prélever un impôt maximum de 9 pour cent sur les redevances, les intérêts et d'autres paiements à des juridictions où le taux d'imposition est faible.

Le Pilier 2 nécessite un calcul en cinq étapes. Premièrement, on vérifie si l'EMN tombe sous le champ d'application du cadre. Deuxièmement, on calcule le revenu GloBE pour chaque juridiction ou entité constitutive. On combine ensuite les montants obtenus pour obtenir un portrait global des activités et des revenus de l'EMN. Troisièmement, on attribue des impôts au revenu de chaque entité, en tenant compte des diverses règles d'inclusion du revenu de l'OCDE. Quatrièmement, on calcule le taux d'imposition effectif, puis on applique au besoin un impôt complémentaire pour atteindre le taux minimal de 15 pour cent. Finalement, l'attribution de l'impôt complémentaire est déterminée par la règle d'inclusion ou, à défaut, par la règle relative aux paiements insuffisamment imposés, selon une formule prédéterminée.

Avancement et mise en œuvre

Les négociations entourant la convention multilatérale de mise en œuvre du Pilier 1, qui devaient se terminer à la mi-2023, se poursuivent. La ratification pourrait toutefois s'avérer difficile dans bien des pays, particulièrement aux États-Unis, où sont établies beaucoup d'EMN visées. D'autres pays redoutent une baisse des recettes fiscales après l'élimination des taxes sur les ventes numériques et voient peu d'avantages à l'adoption du Pilier 1.

Cela dit, la mise en œuvre du Pilier 2 va bon train. En février 2023, l'OCDE a publié des orientations techniques pour la mise en œuvre de l'impôt minimum mondial, présentées comme l'aboutissement des derniers travaux sur les règles GloBE. Il revient maintenant à chaque pays d'adopter le cadre proposé.

L'engagement du Canada

Le Canada s'est engagé à adopter le cadre reposant sur deux piliers. Si la convention multilatérale du Pilier 1 n'est toujours pas en vigueur le 1er janvier 2024, le Canada est prêt à imposer une taxe sur les services numériques. Cette taxe sur le chiffre d'affaires s'appliquerait rétroactivement au 1er janvier 2022. Par ailleurs, le Canada compte publier des propositions législatives pour l'adoption de la règle de taxation primaire et de l'impôt complémentaire minimum national, qui s'appliqueraient aux années d'imposition débutant le 31 décembre 2023 ou après.

Conclusion

La solution reposant sur deux piliers de l'OCDE représente un jalon important dans la transformation des règles fiscales internationales, qui pourront mieux remédier aux difficultés soulevées par la mondialisation et la numérisation. Bien que les Piliers 1 et 2 ne progressent pas à la même vitesse, l'atteinte d'un consensus international assurera une attribution juste et équitable des profits dans les différents pays. En attendant les derniers détails de ces réformes, il faudra impérativement surveiller les prochaines annonces de l'OCDE et suivre l'évolution du paysage fiscal mondial à l'ère numérique.