Jasmine Samra
Counsel
Article
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Le 29 janvier 2024, la loi intitulée Intimate Images Protection Act (la Loi) et le règlement y afférent Intimate Images Protection Regulation (le Règlement) sont entrés en vigueur. La Loi a pour objet de réprimer la distribution non consentie d’images intimes et la menace de distribution de telles images.
La Loi définit les images intimes comme étant des représentations visuelles d'un individu où il figure ou est présenté comme se livrant à un acte sexuel, comme étant nu, presque nu ou exposant ses organes génitaux, sa région anale ou ses seins, lorsque l'individu a une attente raisonnable en matière de vie privée, soit au moment de l'enregistrement ou de la distribution des images, soit au moment de la transmission simultanée de ces dernières. La loi précise qu'un individu peut avoir une attente raisonnable en matière de vie privée relativement à de telles images, même si elles ne permettent pas de l'identifier ou qu'elles ont été modifiées.
En outre, l'attente raisonnable en matière de vie privée s'applique même lorsque l'individu en question :
(i) a distribué l'image,
(ii) a consenti initialement à ce que l'image soit distribuée par une autre personne (ce consentement peut être révoqué), ou
(iii) est décédé.
En vertu de la loi, un individu peut intenter une action si les images intimes où il est présenté sont distribuées sans son consentement, qu'il soit ou non possible de l'identifier dans les images. Ce droit s'étend aux situations où l'on ne fait que menacer de distribuer les images intimes.
Mentionnons qu'il n'est pas nécessaire de prouver l'existence d'un préjudice. En outre, même si un individu a déjà consenti à la distribution de ses images intimes, la loi l'autorise à révoquer son consentement à tout moment et pour quelque raison que ce soit. La personne qui a distribué les images doit alors faire tous les efforts raisonnables pour rendre les images inaccessibles aux autres.
On peut se tourner vers la Cour suprême de la Colombie-Britannique ou le Tribunal de résolution civile de la province (le Tribunal) pour demander une ordonnance de protection visant des images intimes (processus accéléré) ou pour réclamer des dommages-intérêts à cet égard. La Loi permet à la Cour ou au Tribunal de rendre des ordonnances détaillées imposant notamment la suppression ou la destruction de toutes les copies d'images intimes qu'une personne aurait en sa possession, ainsi que l'obligation de déployer tous les efforts raisonnables pour empêcher que ces images ne soient accessibles à d'autres.
Dans le cadre de telles ordonnances, les autorités pourront notamment obliger les intermédiaires Internet à retirer les images intimes de leurs plateformes et de toute autre forme électronique de logiciel, de base de données et de méthode de communication et à les désindexer des moteurs de recherche. La Cour et le Tribunal peuvent également ordonner « à une personne de fournir toute information nécessaire pour atteindre l'objectif de retrait, de suppression ou de désindexation de l'image intime » [traduction].
La Loi définit un « intermédiaire Internet » comme une organisation qui héberge ou indexe du contenu de tiers à l'aide d'une plateforme en ligne. Cette définition est suffisamment large pour englober la plupart des technologies et plateformes de médias sociaux.
Le Règlement prévoit une sanction administrative applicable aux intermédiaires Internet en cas de non-respect d'une ordonnance, plafonnée à 5 000 $ par jour, jusqu'à concurrence de 100 000 $. Notons que la responsabilité d'un intermédiaire Internet est limitée s'il a pris des mesures raisonnables pour traiter l'enjeu de la distribution illégale d'images intimes dans le cadre de l'utilisation de son service. Pour les particuliers, l'amende administrative en cas de non-respect d'une ordonnance est plafonnée à 500 $ par jour, jusqu'à concurrence de 10 000 $.
La Colombie-Britannique compte maintenant parmi les provinces dotées d'une législation visant spécifiquement la distribution non consensuelle d'images intimes et, dans certains cas, la cyberintimidation de manière plus générale. Les provinces suivantes disposent également d'une telle législation : La Nouvelle-Écosse, le Manitoba, l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, l'Alberta et la Saskatchewan.
En Ontario, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a récemment établi une cause d'action pour les réclamations découlant de la distribution non autorisée des renseignements personnels d'un individu à son insu et sans son consentement. Dans Jane Doe 72511 v. Morgan, 2018 CarswellOnt 18310 (Ont. S.C.J.) (Jane Doe), la Cour a confirmé l'existence d'une cause d'action civile pour divulgation publique de faits privés. L'arrêt Jane Doe s'appuie sur le précédent établi par l'affaire Jones v. Tsige, 2012 CarswellOnt 274 (Ont. C.A.), dans le cadre de laquelle le délit d'intrusion dans l'intimité a été reconnu pour la première fois en Ontario.
Dans l'affaire Jane Doe, l'ex-petit ami de la plaignante avait diffusé une vidéo sexuellement explicite sans son consentement. Le délit de divulgation publique de faits privés protège la vie privée des individus en interdisant la publication non consentie de leurs renseignements personnels. Notons qu'un délit similaire existe déjà en Alberta, en Nouvelle-Écosse et en Saskatchewan.
Il convient de souligner que les lois et délits susmentionnés sont notables en ce qu'ils s'appliquent aux actions d'individus agissant à titre personnel ou dans le cadre d'une activité non commerciale. En ce qui concerne la distribution d'images intimes effectuée dans un contexte commercial par des organisations ou des entreprises, ou par le fédéral, elle serait assujettie aux lois fédérales et provinciales existantes sur la protection de la vie privée dans le secteur privé.
Au Québec, la Charte des droits et libertés de la personne (une loi provinciale) stipule que « [t]oute personne a droit au respect de sa vie privée. » En outre, le Code civil du Québec établit que toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée et qu'entre autres, l'utilisation du nom, de l'image, de la ressemblance ou de la voix d'une personne à toute autre fin que l'information légitime du public peut constituer une atteinte à ce droit.
Les lois sur la protection de la vie privée continuent d'évoluer, ce qui signifie qu'en cas de diffusion non autorisée de leurs renseignements personnels, les individus disposent maintenant de plus de moyens pour réclamer des dommages-intérêts et exercer des recours judiciaires. Cette capacité accrue constitue une avancée notable en matière de protection du droit à la vie privée à l'ère numérique.
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