Stephen A. Pike
Associé
Article
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La Loi canadienne sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaînes d'approvisionnement (Loi « S-211 ») est entrée en vigueur le 1er janvier 2024.
Le présent article est le premier d'une série de textes mensuels consacrés à la Loi S-211 dans lesquels nous examinerons ses dispositions, son application et les pratiques exemplaires en matière de conformité et de production de rapports, en plus d'aborder les nombreux enjeux soulevés par les entreprises et le gouvernement à mesure qu'ils tentent de prévenir les risques du travail forcé et du travail des enfants dans leurs activités et leurs chaînes d'approvisionnement.
Les entreprises et organisations assujetties à la Loi S-211 (les « entités déclarantes ») doivent préparer, produire et déposer un rapport auprès du ministre fédéral de la Sécurité publique (« rapport S-211 ») au plus tard le 31 mai de chaque année civile.
Le rapport S-211 doit présenter les mesures prises par l'entité déclarante au cours de l'exercice précédent pour prévenir et réduire le risque de recours au travail forcé ou au travail des enfants à toute étape de sa production de biens au Canada ou ailleurs, ou à toute étape de la production de biens importés au Canada par cette dernière.
Mise à part la production de rapports conformes, la Loi S-211 n'impose aucune autre obligation en matière de conduite des affaires.
Pour obtenir plus de détails sur la Loi S-211 et les obligations de conformité, veuillez cliquer sur le lien suivant pour consulter mon article précédent : Transparence dans les chaînes d'approvisionnement : obligations d'information ESG à venir au Canada.
Le 21 décembre 2023, plus de sept mois après la promulgation de la Loi S-211 et dix jours seulement avant son entrée en vigueur, le ministre de la Sécurité publique a publié des lignes directrices (les « lignes directrices ») la concernant. Ces dernières sont censées répondre aux nombreuses questions soulevées par les entreprises quant à son interprétation.
En plus de ses lignes directrices, le ministre de la Sécurité publique a simultanément introduit un questionnaire en ligne obligatoire (le « questionnaire ») que les entités déclarantes doivent également remplir lorsqu'elles déposent leurs rapports S-211 auprès du gouvernement fédéral.
Vous trouverez ci-dessous un certain nombre d'éléments clés de la conformité à la Loi S-211 abordés dans les lignes directrices. Je constate cependant qu'elles comportent encore un certain nombre de lacunes, dont celles que j'ai relevées ci-dessous.
Pour déterminer si la Loi S-211 s'applique à une entreprise ou à une organisation spécifique ou si une « entité » est tenue de produire un rapport, il faut consulter les lignes directrices, qui fournissent cependant des clarifications limitées.
Par exemple, en ce qui concerne les seuils financiers à utiliser pour déterminer si une entreprise ou une organisation est une « entité », le guide confirme que les actifs mentionnés sont globaux et bruts (et non nets); que les revenus mentionnés sont globaux; et que le nombre moyen de salariés mentionné est aussi un nombre global excluant les sous-traitants.
D'autres éléments des lignes directrices ne semblent pas suffisamment clairs. Par exemple, la Loi S-211 ne contient aucune définition détaillée du terme « marchandises » qui fait référence aux marchandises faisant l'objet d'échanges et de commerce, sans plus de précisions toutefois.
En ce qui a trait à la question de savoir si une entité doit produire ou non un rapport, les lignes directrices précisent que les termes « production », « vente », « distribution » et « importation de marchandises » ne visent pas à englober les services qui soutiennent uniquement la production, la vente, la distribution et l'importation de marchandises, comme les services de marketing, les services administratifs, les services financiers et les services logiciels.
Les lignes directrices confirment que le dépôt de rapports conjoints est facultatif. Elles indiquent également que, dans certaines circonstances, les rapports conjoints ne sont pas appropriés, par exemple, lorsque les entités déclarantes ont des profils de risque, des politiques ou des mesures en place qui divergent considérablement et d'une manière qui rendrait difficile la préparation d'un rapport S-211 décrivant avec précision toutes les entités.
Les entités déclarantes ne sont pas tenues d'inclure dans leurs rapports S-211 des informations commerciales de nature délicate qui les exposeraient à un risque juridique ou compromettraient la vie privée d'une personne. Elles ne sont pas tenues non plus de faire état de cas spécifiques ou d'allégations de travail forcé ou de travail des enfants.
Les lignes directrices établissent la taille maximale du rapport S-211 à 10 pages ou 100 Mo. Un rapport S-211 de 20 pages est autorisé s'il est rédigé dans les deux langues officielles, l'anglais et le français. Aucun niveau de détail n'est prescrit pour le rapport S-211, et il est recommandé aux entités déclarantes de faire preuve de discernement pour en déterminer le niveau approprié en fonction de leur taille et de leur profil de risque.
Avant la publication des lignes directrices, l'attestation décrite dans le document S-211 exigeait qu'un membre du corps dirigeant (le conseil d'administration) atteste que le CA avait approuvé le rapport S-211.Voici l'attestation qui figure dans les lignes directrices :
« Conformément aux exigences de la Loi, et en particulier de son article 11, j'atteste que j'ai examiné les renseignements contenus dans le rapport pour l'entité ou les entités énumérées ci-dessus. À ma connaissance, et après avoir exercé une diligence raisonnable, je confirme que les renseignements contenus dans le rapport sont vrais, exacts et complets à tous les égards importants aux fins de l'application de la Loi, pour l'année de déclaration susmentionnée. »
Au moment d'examiner et d'approuver le rapport S-211 et de délivrer l'attestation correspondante, les administrateurs exerceront leur obligation fiduciaire d'agir honnêtement, de bonne foi et dans l'intérêt de l'entité déclarante, en plus de faire preuve de la prudence, de la diligence et de la compétence qu'une personne raisonnablement prudente exercerait dans des circonstances comparables.
Ce faisant, le CA d'une entité déclarante devra déterminer le niveau de diligence approprié requis pour soutenir l'exercice par les administrateurs de leur devoir fiduciaire, leur approbation du rapport S-211, et l'attestation requise de la part d'un administrateur.
Je note que les institutions du gouvernement fédéral (soit les ministères, les sociétés d'État, etc.) qui sont tenues de faire une déclaration en vertu de la Loi S-211 ne sont pas (encore) obligées de fournir une attestation.
2e partie – Le questionnaire S-211 et le dépôt du rapport S-211
Si vous avez besoin de conseils juridiques pour vous conformer à la Loi S-211, veuillez communiquer avec l'auteur.
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