Christopher D. Bown, PhD
Partner
Patent Agent; National Practice Group Leader - Patents
Article
La menace tarifaire du président Trump sonne l’alarme pour les acteurs canadiens de l’innovation. Plus que jamais, les entreprises au pays doivent miser sur leurs actifs de PI.
Les politiques « l’Amérique d’abord » (en anglais seulement) du président Trump visent explicitement à assurer un protectionnisme économique aux entreprises américaines. Les tarifs constituent un moyen à sa disposition pour encourager les entreprises américaines à réduire leur dépendance envers les produits fabriqués à l’étranger, en privilégiant plutôt des solutions nationales à l’abri des tarifs.
Si ce plan réussit, les entreprises américaines qui dépendent depuis longtemps d’entreprises canadiennes pour s’approvisionner en biens ou en pièces pour assembler des produits aux États-Unis seront incitées à se tourner vers des solutions de remplacement fabriquées dans leur pays. La menace même de perdre éventuellement cette importante source de revenus aura des répercussions considérables pour les entreprises canadiennes.
Alors que l’incertitude entourant les tarifs est en train de transformer le commerce mondial, il n’a jamais été aussi primordial de protéger la propriété intellectuelle. En recensant leurs principaux actifs de PI, en obtenant des brevets à l’étranger et en recourant aux systèmes d’enregistrement internationaux de marques de commerce, les entreprises canadiennes pourront mieux se positionner pour assurer leur succès à long terme.
Pour éviter des pertes potentielles de revenus, les entreprises canadiennes, ainsi que toutes les sociétés étrangères exportant leurs produits vers les États-Unis ou les vendant directement sur le marché américain, ont tout intérêt à s’assurer que leurs actifs de PI sont bien répertoriés et protégés, non seulement au Canada, mais surtout aux États-Unis et à l’international.
Bien que les entreprises canadiennes soient sensibilisées depuis longtemps à l’importance de cette protection, il est plus important que jamais de le faire. En effet, la loi américaine sur les brevets (à l’instar de la législation en la matière dans la plupart des pays), accorde au titulaire d’un brevet le droit « d’interdire à des tiers de fabriquer, d’utiliser, de mettre en vente, de vendre ou d’importer » une invention sur le territoire américain.
Ainsi, une entité canadienne titulaire d’un brevet américain peut empêcher des entreprises établies aux États-Unis de fabriquer, d’utiliser ou d’importer cette technologie brevetée sur le territoire américain. Ces droits peuvent même protéger l’entité canadienne titulaire du brevet contre d’éventuelles ententes commerciales plus avantageuses que le gouvernement américain conclurait avec un pays tiers où la technologie brevetée pourrait être fabriquée, puis importée par les États-Unis à un tarif inférieur à celui actuellement proposé pour les produits fabriqués au Canada.
Cette protection s’appliquerait même si le propriétaire de ces actifs de PI ne disposait d’aucune protection équivalente dans le pays où le produit breveté serait fabriqué avant son importation aux États-Unis.
À ce stade-ci, quelles mesures devraient donc adopter les entreprises canadiennes dans l’immédiat pour se prémunir des effets potentiels à long terme des tarifs américains?
Avant toute chose, les entreprises canadiennes qui fabriquent des biens destinés au marché américain devraient recenser leurs actifs de PI. Elles auraient intérêt à examiner en profondeur leurs activités afin de cerner tous les actifs de PI essentiels à leur avantage concurrentiel sur le marché.
Une fois recensés, il serait judicieux d’élaborer une stratégie visant à protéger ces actifs dans l’éventualité où une entreprise concurrente, ou un client américain de longue date, déciderait qu’il serait plus avantageux de produire un bien donné localement aux États-Unis, plutôt que de payer des tarifs douaniers de 25 % sur un produit importé du Canada.
Par ailleurs, les stratégies de PI devraient désormais viser des pays jusque-là peu envisagés par les entreprises canadiennes, car l’évolution des ententes commerciales pourrait permettre d’accéder à de nouveaux marchés et à de nouvelles occasions d’affaires.
Les entreprises canadiennes devraient également envisager d’enregistrer leurs marques de commerce aux États-Unis ainsi que dans d’autres pays, surtout si elles prévoient une expansion internationale.
Une option intéressante pour ces entreprises consiste à effectuer un enregistrement international de leurs marques de commerce en vertu du Protocole de Madrid. Celui-ci permet au titulaire d’une marque de commerce de déposer une seule demande d’enregistrement international auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), puis de « désigner » les autres pays membres dans lesquels une protection nationale est souhaitée. Les désignations nationales prévues par le Protocole de Madrid sont possibles dans la plupart des pays, y compris chez les principaux partenaires commerciaux du Canada.
En enregistrant ainsi leurs marques sur les principaux marchés d’exportation, les entreprises canadiennes s’assurent d’une protection efficace à l’international et à moindre coût.
La conjoncture économique oblige les entreprises canadiennes à accorder une importance accrue à la PI, alors même que les statistiques récentes montrent une diminution constante de ce phénomène d’année en année.
En 2023, dernière année pour laquelle l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) a publié des données, le nombre de demandes de brevet déposées au Canada par des requérants ayant une adresse canadienne a chuté de 10 % par rapport à l’année précédente. Selon le Rapport sur la PI au Canada 2024, il s’agit de la plus forte baisse enregistrée par l’OPIC parmi l’ensemble des demandes classées selon le lieu de résidence des déposants.
Cette tendance à la baisse des dépôts de brevets par des entreprises canadiennes se constate également à l’étranger, notamment auprès de l’Office américain des brevets et des marques de commerce. Afin de préserver leur compétitivité, les entreprises canadiennes devront impérativement inverser cette tendance et revoir leur approche en matière de PI.
Le gouvernement canadien peut contribuer à la réussite des entreprises dans ce nouveau contexte économique en soutenant concrètement la mise en œuvre de leurs stratégies de PI.
Bien que des programmes gouvernementaux existent pour alléger les coûts de recensement de la PI et de mise en place de stratégies de protection des actifs, le financement pour les mettre en œuvre reste souvent insuffisant. De nouveaux programmes soutenant les entreprises canadiennes, de l’inventaire des actifs de PI à la mise en œuvre de stratégies, y compris les dépôts internationaux, offriraient un avantage concurrentiel important face aux politiques économiques protectionnistes des États-Unis.
L’évolution des politiques commerciales américaines sous l’influence du programme « l’Amérique d’abord » comporte à la fois des défis et des occasions à saisir. Pour y faire face, les entreprises canadiennes devront répertorier proactivement leurs actifs de PI et en assurer la protection, renforçant ainsi leur avantage concurrentiel et leur positionnement stratégique sur les marchés internationaux.
Alors que la PI revêt une importance grandissante, les entreprises canadiennes et le gouvernement canadien n’ont d’autre choix que d’investir pour adopter des stratégies solides. Cela permettra non seulement d'atténuer l'impact d'éventuels droits de douane, mais aussi de placer les innovateurs canadiens en position de réussite durable dans un monde de plus en plus protectionniste. Pour en savoir plus sur les stratégies de protection de votre PI, contactez les auteurs ou un membre de notre groupe de propriété intellectuelle, et restez au fait des dernières nouvelles concernant les tarifs douaniers en consultant notre portail dédié à ce sujet.
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