Des modifications aux Règles sur les brevets du Canada sont entrées en vigueur le 1er janvier 2025. On y prévoit notamment un cadre pour l’ajustement de la durée des brevets (ADB), sujet dont nous avons traité dans un article précédent, ici. Notons qu’en plus des modifications relatives à l’ADB, de nouvelles modifications d’ordre administratif et d’ordre divers ont également été apportées aux Règles sur les brevets et sont maintenant en vigueur.

Compte tenu de ces nouveautés, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) a apporté plusieurs changements à son Recueil des pratiques du Bureau des brevets (RPBB). Jusqu’ici, c’est le nouveau système d’ADB qui a suscité le plus d’attention, mais dans le présent article, nous nous penchons plutôt sur d’autres changements notables apportés au RPBB et sur leur incidence sur le traitement des demandes de brevet au Canada.

Nous aborderons la liste des sujets suivants relativement aux modifications effectuées dans le RPBB :

  • Prorogation de délai pour « compléter » la taxe de requête d’examen
  • Clarification relative aux taxes applicables
  • Perte du statut d’« ordonnance spéciale » en cas de requête pour la poursuite de l’examen
  • Suspension de l’examen pendant la période de surtaxe lors du défaut de paiement de la taxe de maintien en état
  • Modification du délai de présentation d’une demande de priorité
  • Modification visant l’accès au dépôt d’un échantillon de matières biologiques

Prorogation de délai pour « compléter » la taxe de requête d’examen

Dans certaines circonstances, l’OPIC est autorisé à prolonger le délai accordé pour le paiement intégral des taxes lorsqu’un montant insuffisant a été payé au titre des taxes. C’est ce qu’on appelle un cas de paiement « complémentaire ».

Les circonstances suivantes figurent parmi celles donnant droit à une prorogation de délai :

  1. Paiement de la différence entre la taxe applicable aux petites entités et la taxe générale lorsque c’est la taxe générale qui était exigible (si le montant initialement payé au titre de la taxe applicable aux petites entités a été payé de « bonne foi »).
  2. Paiement de la différence de taxe lorsqu’un montant insuffisant a été payé en raison de renseignements erronés (c’est-à-dire l’indication d’un montant de taxe erroné) fournis par le commissaire.

Une autre circonstance donnant droit à une prorogation de délai pour les paiements complémentaires a été introduite dans le cadre des nouvelles modifications apportées au RPBB et aux Règles sur les brevets, (RPBB, section 2.03.03h) : un demandeur peut maintenant obtenir une telle prorogation lorsqu’il a involontairement effectué un paiement insuffisant. Plus précisément, le demandeur est en droit de déposer une demande de prorogation après l’expiration du délai d’une requête d’examen lorsque toutes les conditions suivantes sont rassemblées :

  1. le demandeur a payé une somme insuffisante pour la taxe de requête d’examen;
  2. le commissaire a envoyé un avis au demandeur confirmant que la requête d’examen a été présentée dans le délai prescrit;
  3. il a été déterminé après la date de l’avis que le paiement était insuffisant;
  4. le demandeur dépose une déclaration selon laquelle la demande de prorogation de délai est déposée sans retard indu après que le demandeur a constaté que le paiement était insuffisant et que la somme insuffisante a été payée involontairement.
  5. le demandeur paye la différence entre la somme payée et le montant de la taxe payable le jour où le paiement insuffisant a été effectué.

Notons toutefois que lorsqu’un paiement complémentaire est requis parce que le demandeur ou le breveté a payé la taxe applicable aux petites entités au lieu de la taxe générale, ou que le commissaire a fourni des renseignements erronés par écrit au sujet de la taxe pour la requête d’examen, ce sont les règles distinctes en la matière qui s’appliquent (voir les sections 2.03.03g et 2.03.03i du RPBB pour plus de détails à ce sujet). 

Dans tous les cas, conformément aux nouvelles modifications apportées au RPBB et aux Règles sur les brevets, si la prorogation est accordée, le paiement « complémentaire » sera considéré comme ayant été effectué à la date du paiement initial insuffisant de la requête d’examen.

Clarification relative aux taxes applicables

Dans le cadre des modifications apportées, on précise qu’en règle générale, le montant des taxes exigibles par l’OPIC est calculé à l’aide du taux en vigueur à la date de réception du paiement complet de la taxe. En outre, les modifications traitent également de la taxe exigible pour une requête d’examen et aussi d’un mécanisme permettant de réduire la taxe sur les revendications excédentaires lors du calcul de la taxe finale dans les cas où des revendications excédentaires ont été introduites par erreur.

Le montant des taxes exigibles par l’OPIC est calculé à l’aide du taux en vigueur à la date de réception du paiement complet de la taxe.

Puisque le Bureau des brevets peut rajuster les montants des taxes sur une base annuelle, l’OPIC a précisé qu’en général, le montant à payer dépend de la date à laquelle le commissaire reçoit le paiement complet de la taxe (RPBB, article 10.01.02). Autrement dit, si le paiement est reçu avant le 1er janvier de l’année suivante, le montant de la taxe à payer est calculé en fonction du taux pour l’année en cours. En revanche, si le paiement est reçu le 1er janvier de l’année suivante ou après cette date, le montant est calculé en fonction du taux rajusté pour l’année suivante.

À titre d’exemple, le montant à payer pour une taxe de maintien en état dépend de la date de réception du paiement, et non de la date prévue pour le paiement de la taxe.

Autre exemple, pour une requête d’examen, le montant à payer est calculé à l’aide du taux en vigueur à la plus tardive des deux dates suivantes :

  • la date à laquelle la requête est déposée.
  • la date à laquelle le montant total de la taxe est payé ou la date à laquelle une modification a été effectuée en vue de réduire le nombre de revendications excédentaires afin de rendre la requête conforme.

Dans le cas où une taxe a été payée en deux ou plusieurs paiements partiels (RPBB, article 10.01.02a), le montant de la taxe à payer est le montant qui serait payable si le montant total de la taxe avait été payé le jour où le dernier paiement partiel est reçu. L’OPIC considérera également que la date à laquelle le Bureau des brevets a reçu l’intégralité du paiement de taxe est la date à laquelle la taxe a été payée.

Exceptions :

Pour les demandes internationales (RPBB, article 10.01.02c), les taxes suivantes ne sont pas assujetties à la règle d’ajustement de la taxe :

  • la taxe de transmission
  • la taxe internationale de dépôt (y compris la taxe supplémentaire pour les feuilles excédentaires et les réductions de taxes pour le dépôt électronique)
  • la taxe de recherche

Pour les taxes susmentionnées, le montant à payer est le montant exigible à la date de réception de la demande internationale.

Certaines taxes « complémentaires » autorisées (p. ex. en lien avec les petites entités, les requêtes d’examen et l’obtention de renseignements erronés de la part du commissaire) sont elles aussi exemptées de la règle d’ajustement de la taxe. Dans de tels cas, le montant total à payer est calculé en fonction du taux en vigueur au moment où le paiement insuffisant a été effectué. 

Compte tenu de cette modification, il est préférable, pour minimiser les coûts, de payer les taxes exigibles par l’OPIC dans l’année qui suit la demande de service ou à la date prescrite pour le paiement de la taxe. Pour une requête d’examen, la taxe doit être payée à la date du dépôt de la requête. S’il est nécessaire de réduire le nombre de revendications pour rendre la demande conforme, la modification doit être effectuée dans l’année qui suit le paiement de la taxe initiale.

Revendications réputées ne pas être incluses dans le calcul de la taxe finale

Les nouvelles modifications apportées au RPBB et aux Règles sur les brevets introduisent également la possibilité de réduire les taxes sur les revendications excédentaires lors du calcul de la taxe finale (RPBB, article 11.05.04). Généralement, toute revendication en sus des 20 premières introduites après la présentation d’une requête d’examen et qui n’a pas encore été payée peut être assujettie à la taxe sur les revendications excédentaires lorsque la demande est en état d’être acceptée. Si une ou plusieurs revendications ont été ajoutées par erreur lors d’une modification et que cette erreur entraîne une augmentation de la taxe sur les revendications excédentaires à l’étape de l’acceptation, il est possible que la modification soit réputée ne pas être incluse aux fins de la détermination de la taxe finale. Afin d’être admissible, les critères suivants doivent être respectés :

  • La date de la modification, qui est censée être « réputée ne pas être incluse », doit être le 1er janvier 2025 ou après cette date.
  • Le demandeur doit déposer une déclaration confirmant l’erreur et il doit modifier la demande pour retirer la modification effectuée par erreur. Cela doit être fait sans retard injustifié après que le demandeur a pris connaissance de l’erreur et avant que l’examinateur commence l’examen de la demande de brevet modifiée.
  • Le commissaire doit être convaincu que les circonstances justifient que les revendications ne soient pas incluses.

Perte du statut d’« ordonnance spéciale » (avancement de l’examen) en cas de requête pour la poursuite de l’examen

L’« ordonnance spéciale » (ou « avancement d’examen ») est l’un des mécanismes mis en place par l’OPIC pour accélérer l’examen d’une demande. Pour en bénéficier, il suffit de demander à l’OPIC, avant le début de l’examen, que la demande soit traitée en dehors des échéanciers habituels, si la durée normale de la procédure d’approbation du brevet est susceptible de porter préjudice aux droits du demandeur ou d’une partie tierce.

Toutefois, en vertu des nouvelles Règles sur les brevets, une requête pour la poursuite de l’examen présentée le 1er janvier 2025 ou après cette date pour une demande faisant l’objet d’une « ordonnance spéciale » rétablirait la date normale de son examen (article 11.03.01 du RPBB). Concrètement, cela signifie qu’une demande bénéficiant d’une « ordonnance spéciale » perdrait son traitement accéléré si une requête pour la poursuite de l’examen était présentée le 1er janvier 2025 ou après cette date.

Suspension de l’examen pendant la période de surtaxe lors du défaut de paiement de la taxe de maintien en état

L’OPIC a introduit un nouvel article dans le RPBB, l’article 11.06, et a modifié les Règles sur les brevets en vertu de l’article 86(17) pour ajouter une nouvelle circonstance dans laquelle le Bureau des brevets peut suspendre l’examen d’une demande. Voici les circonstances dans lesquelles l’examen d’une demande peut être suspendu :

a) Pendant la période de surtaxe, si le demandeur ne paye pas la taxe de maintien en état à la date d’échéance.

b) Pendant toute période d’abandon réputé.

Compte tenu de l’ajout du premier motif (« a ») aux Règles sur les brevets modifiées, l’OPIC peut prolonger la période durant laquelle l’examen d’une demande sera suspendu. Ainsi, si une taxe de maintien en état n’est pas payée à la date d’échéance, l’examen de cette demande sera suspendu jusqu’à la date de paiement de la taxe de maintien en état et de la surtaxe ou, si la demande est réputée abandonnée, jusqu’à ce que celle-ci soit rétablie.

Modification du délai de présentation d’une demande de priorité

L’OPIC a apporté une modification mineure, mais non négligeable au délai dans lequel un demandeur peut présenter une demande de priorité, plus précisément dans les cas où le demandeur approuve la mise à la disponibilité du public de sa demande de brevet avant la fin de la période de confidentialité.

Précédemment, l’article 73(1) des Règles sur les brevets stipulait qu’une telle demande de priorité devait être faite avant la date à laquelle le demandeur présentait l’approbation de la mise à la disponibilité du public de la demande. Toutefois, l’article 73(1)(b) des Règles sur les brevets, nouvellement modifié, indique que ce délai est désormais prolongé jusqu’au lendemain de la date à laquelle l’approbation de la mise à la disponibilité du public est présentée. 

Modification visant l’accès au dépôt d’un échantillon de matières biologiques

Les pratiques du Bureau des brevets concernant les dépôts d’échantillons de matière biologique associés à des brevets ou à des demandes de brevet ont également été revues. Bien que la plupart des changements apportés à la section Dépôts de matières biologiques du RPBB (article 23.10) concernent les démarches formelles pour déposer un échantillon de matières biologiques, une modification en particulier semble élargir la portée de l’accès à ces dépôts.

Dans ce contexte, il convient de faire un bref rappel des pratiques entourant l’accès aux dépôts de matières biologiques. En vertu des Règles sur les brevets actuelles, un demandeur a le droit de restreindre l’accès à un échantillon de matières biologiques jusqu’à ce qu’un brevet soit délivré ou que la demande soit rejetée, retirée ou réputée abandonnée sans possibilité d’être rétablie, à condition que le demandeur présente une demande au commissaire avant que la demande puisse être consultée par le public. Dans de tels cas, une personne peut demander la désignation d’un expert indépendant par le commissaire, et l’expert ainsi désigné sera en mesure d’avoir accès au dépôt.

En vertu de l’article 98(1) des Règles sur les brevets, lorsque le déposant restreint l’accès à un échantillon de matières biologiques, seul l’expert indépendant peut déposer une requête en vue d’y accéder. Cependant, les modifications apportées à l’article 23.10.07 du RPBB indiquent qu’outre l’expert indépendant, une personne autorisée par le déposant peut également être en mesure d’obtenir l’accès. Ce changement dans la pratique du Bureau des brevets pourrait faciliter l’accès des parties tierces aux dépôts de matières biologiques, à condition que le déposant les ait autorisées à le faire.

Conclusion

Il est important de bien comprendre les changements apportés au RPBB susmentionnés lors du dépôt et de la poursuite de demandes de brevet au Canada. N’hésitez pas à communiquer avec nos agent·es de brevets chez Gowling WLG dès aujourd’hui pour discuter des stratégies adaptées à vos demandes.