Josée Gervais
Associée
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Lors de notre colloque annuel en droit du travail et de l'emploi, nos experts ont apporté des réponses et des outils concrets en exposant des cas précis et applicables à la réalité d'employeur.
FPC/FJC :
PIERRE PILOTE
Associé directeur, Gowling WLG Montréal
Bonjour à tous et merci d'avoir accepté notre invitation en si grand nombre. Je vous souhaite la bienvenue au colloque annuel de Groupe travail-emploi et droits de la personne. Mon nom est Pierre Pilote. Je suis associé directeur au bureau de Gowling WLG à Montréal. Je serai votre maître de cérémonie pour la matinée. Avant de débuter, voici quelques informations utiles. Suite au colloque de ce matin, vous recevrez une attestation de formation reconnue par le Barreau pour une durée de trois heures de formation. Cette formation est également reconnue par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréées pour une même durée. Assurez-vous d'avoir signé le registre des présences à la table d'accueil et vous recevrez votre attestation de participation par envoi électronique au cours des prochains jours.
<00:01:09> Également, dans une optique environnementale, nous avons décidé de vous faire parvenir tous les documents relatifs à la présentation d'aujourd'hui de façon électronique après le colloque. Ça va également vous éviter de les perdre au retour. Finalement, et comme nous allons commencer sous peu, je vous demanderais déteindre, s'il vous plaît, les sonneries de vos appareils électroniques. Le programme d'aujourd'hui intitulé Développements récents et outils pour une gestion harmonieuse des relations de travail a été préparé pour vous afin de vous aider à faire face à des situations auxquelles, en tant que conseillers juridiques d'entreprise et professionnels en ressources humaines, vous pouvez être appelés à être confrontés.
<00:02:00> Aujourd'hui, nous parlerons du top 10 des décisions récentes marquantes en droit du travail et de l’emploi, la légalisation du cannabis, quels impacts concrets pour les employeurs. On sait que c'est quand même pour bientôt. Le congédiement administratif, un outil méconnu. Et enfin, juricomptabilité, dialogue avec un éminent expert. Donc, nous vous proposons ce matin cette conférence en quatre parties qui se succéderont. Il y aura une période de questions après chacun des sujets et un micro sera à votre disposition. Donc, n'hésitez pas à poser vos questions. Nous sommes là pour y répondre. Nous sommes maintenant prêts à débuter et j'ai l’honneur d'ouvrir le bal avec ma collègue, mon associé, Josée Gervais. Josée est associée au bureau de Gowling WLG à Montréal où elle est chef du Groupe travail, emploi et droits de la personne. Josée conseille des employeurs relativement à toute question de droit de l’emploi, y compris la préparation et la révision de contrats de travail individuels. De même que l’élaboration et la mise en œuvre de politiques et procédures en matière d'emploi. C'est également une redoutable négociatrice. Josée et moi allons vous présenter le top 10 des décisions récentes marquantes en droit du travail et de l’emploi. Donc, voilà, je cède la parole à Josée qui va présenter une première décision.
Josée Gervais
Associée, Gowling WLG Montréal
<00:03:43> Alors, bon matin tout le monde. Ça nous fait immensément plaisir d'être avec vous ce matin pour vous parler de 10 décisions qui ont été rendues au cours de la dernière année en droit du travail et droit de l’emploi et qui ont particulièrement retenu notre attention. Je commence immédiatement avec la décision qui a été rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Association des juristes de justice contre Procureur général du Canada. C'est une décision qui a été rendue en 2007 et qui traite plus précisément des limites du pouvoir résiduel de direction d'employeurs dans un contexte de rapports collectifs de travail.
<00:04:23> Donc, au niveau des faits, l’employeur ici, c'est la Direction du droit de l’immigration du Bureau régional du Québec du ministère de la Justice du Canada. Donc, je vais l’appeler la direction pour les fins des présentes. Donc, en 2010, l’employeur informe ses juristes qu'ils ne seront plus payés pour leur période de garde. Donc, la politique de l’employeur depuis les années 90, c'est, en fait, qu'ils avaient mis sur place une politique de corps de garde aux termes de laquelle les salariés qui se mettaient volontaires ou qui se proposaient pour s'occuper des dossiers urgents en matière d'immigration qui peuvent survenir à l’extérieur des horaires de travail se voyaient compenser au moyen de journées de congé rémunérées ou encore d'heures supplémentaires.
<00:05:05> En 2010, l’employeur modifie la politique de sorte que seules les heures réellement travaillées vont maintenant être rémunérées, c'est-à-dire que le seul fait d'être disponible pour le salarié n'est plus source de rémunération comme telle. Évidemment, comme c'était une politique qui était volontaire. En fait, la disponibilité pour les corps de garde était volontaire. L’employeur manque de volontaires. Donc, il doit modifier sa politique pour faire en sorte de rendre ces corps de garde obligatoires. Et c'est ce qui va provoquer le dépôt d'un grief par le syndicat qui, dans le fond, prétend que l’employeur exerce de façon déraisonnable ses droits de direction.
<00:05:42> La convention collective ne traite pas de l'obligation de disponibilité comme telle, mais la convention collective prévoit en fait que le droit de direction de l’employeur n'est pas limité ou en fait, il n'est limité que par ce qui est prévu à la convention collective. Et c'est en vertu de ce principe général que l’employeur avait adopté sa fameuse politique. L’arbitre de grief qui va être saisi du litige en première instance va conclure que l’employeur a effectivement exercé de façon déraisonnable et injuste ses pouvoirs et ses droits de direction. Et que depuis, la politique contrevient ni plus ni moins à l’article 7 de la Charte canadienne qui protège le droit à la liberté des salariés. Et l’arbitre va ordonner à l’employeur de cesser d'appliquer cette politique-là.
<00:06:27> La décision reportée en contrôle judiciaire par l’employeur. La décision va être infirmée par la Cour d'appel fédérale et le dossier va cheminer jusqu'en Cour suprême. La cour suprême à une majorité de sept sur les neuf juges qui vont siéger sur le dossier tranchent en faveur du syndicat et concluent en fait que la politique est un exercice déraisonnable des droits de direction de l’employeur pour le motif que l’employeur a mis fin à une pratique qui durait depuis plus de 20 ans, qui était de rémunérer et de compenser la disponibilité exprimée par les salariés. La cour conclut que l’employeur en fait a contrevenu dans la convention collective qui prévoit… dans les énoncés très, très larges qu'on retrouve généralement dans les premiers articles, qu'il doit agir raisonnablement, équitablement et de bonne foi dans l’administration de la convention collective. Donc, c'est la contravention à la convention à laquelle la Cour suprême en arrive.
<00:07:24> Elle considère de plus que, bon, ce sont des facteurs aggravants ici. Il n'y a aucune disposition qui prévoit une obligation de disponibilité dans la convention collective. Cette obligation-là non plus n'est pas prévue aux descriptions de poste ou aux descriptions de tâches des salariés, des juristes en question. Et une telle politique n'est pas non plus la norme dans le secteur dans lequel œuvre l’employeur. La cour va également confirmer le cadre d'analyse qui avait été adopté par l’arbitre, qui était en fait de mettre en balance les intérêts des salariés ainsi que ceux de la direction pour, justement, déterminer si l’exercice des droits de direction a été fait de façon raisonnable. À l’unanimité, par contre, les neuf juges vont conclure qu'il n'y a pas atteinte à l’article 7 de la Charte puisque la politique ne brime pas les salariés ou n'est pas une incursion dans leur vie privée et ne vient pas brimer leur choix fondamental. De sorte que l’article 7, il n'y a pas de contravention.
<00:08:21> Ce qu'on peut retenir de cette décision, en fait, c'est que, au niveau de la l’analyse valise qui est faite, on dit que l’employeur n'est pas tenu de prouver qu'il n'y a pas d'autres solutions. Mais un peu comme dans un dossier de charte, lorsqu'il y a l’existence de moyens réalistes, mais moins attentatoires pour répondre aux besoins de l’entreprise, en fait, ça va constituer une considération importante dans l’analyse des intérêts de la direction versus ceux des salariés.
PIERRE PILOTE
Associé directeur, Gowling WLG Montréal
<00:08:57> Bon, bien, voilà. Une seconde décision, décision dans l’affaire Delgadillo contre Blinds To Go, décision de la Cour d'appel de 2007. Dans cette affaire-là, monsieur Delgadillo est directeur d’une des deux usines de Blinds To Go. Il est congédié après plus de 12 ans de service. Monsieur Delgadillo, il relève directement des deux copropriétaires. Il joue un rôle important dans l'entreprise. Il a le pouvoir d'embaucher, de congédier des salariés. Il a le pouvoir de modifier les horaires de travail. Il peut faire des réorganisations dans son usine, prépare le budget annuel de l’usine. Il est un des signataires des effets bancaires de l’entreprise. Donc, il joue un rôle important.
<00:09:57> Donc, il est congédié après 12 ans de service et, vous pouvez le deviner, il présente, il dépose une plainte en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail. L’employeur formule une objection préliminaire au motif que monsieur Delgadillo n'est pas un salarié, mais plutôt un cadre supérieur. La CRT rejette l’objection de l’employeur et conclut qu'il est un salarié au sens de la Loi sur les normes et qu'il a été congédié sans cause juste et suffisante. Donc, comme vous pouvez le deviner, l’employeur présente une requête en contrôle judiciaire de la décision de la CRT et la Cour supérieure saisie de cette affaire-là… Et là, je vais vous faire grâce de ce qu’est la norme de contrôle. Je vous résume, la Cour supérieure, en première instance, a dit que la norme de contrôle était la décision correcte. La Cour d'appel vient dire que, non, c'était la norme de contrôle de la décision raisonnable. Mais à la fin, tant la Cour supérieure que la Cour d'appel en arrivent à la conclusion que la décision de la CRT, bon, bien, elle n'est pas raisonnable puisque la CRT a commis deux erreurs qui sont fatales à son raisonnement et partant, à sa conclusion.
<00:11:20> D'une part, la CRT a procédé à une analyse du statut du salarié en faisant totalement abstraction de la nature de l'entreprise, c'est-à-dire que la CRT a, finalement, analysé les fonctions de monsieur Delgadillo uniquement en fonction de son usine alors que, à la fin, monsieur Delgadillo jouait un rôle très important dans l'entreprise puisque l’entreprise était composée de plusieurs centaines de magasins. Comme vous pouvez deviner du nom de l’entreprise, il vendait des stores. Il y avait une usine au Québec, une usine aux États-Unis et ces centaines de magasins lançaient les commandes à chacune des usines qui devaient livrer dans les 48 heures. Donc, l’usine jouait un rôle extrêmement important dans toute l’organisation de l’entreprise.
<00:12:13> Donc, ce que la Cour d'appel vient dire, c'est que lorsqu'on doit examiner les circonstances, bien, on doit le faire de manière globale et non analyser les fonctions prises isolément. Donc, nonobstant le fait que la notion de cadre supérieur doit être interprétée respectivement, on ne peut donner à cette expression un sens si étroit qu'il vient finalement neutraliser en pratique la disposition et la confiner seulement aux gens qui occupent la présidence d'une société.
<00:12:48> Donc, qu'est-ce qu'il faut retenir de ça? D'une part, les indices suivants peuvent permettre de reconnaître un cadre supérieur. D'abord, l’exercice de fonctions d'importance dans une entreprise et la jouissance d'une vaste latitude dans l’exercice de celle-ci. Être situé au plus haut niveau de l’entreprise et ne répondre qu’au président. Des conditions de travail et salaires généreux. Manifestement, monsieur Delgadillo était parmi les personnes les mieux rémunérées de la société. Assurer pleinement la gestion des activités d'une usine qui occupe un rôle névralgique au sein de l'entreprise. C'est ce que je vous expliquais un petit peu plus tôt. Et participation à l’élaboration des stratégies et politiques de l'entreprise et aux réunions de consultation. Donc, essentiellement, on doit considérer l’ensemble de ces critères-là et non faire une analyse restrictive des fonctions. Donc, voilà, Josée.
Josée Gervais
Associée, Gowling WLG Montréal
<00:13:50> La prochaine décision, c'est une décision qui a été rendue par le tribunal administratif du Québec dans l’affaire Sylvestre. Donc, c'est une décision qui est rendue dans la foulée de l’affaire Asphalte Desjardins qui avait été rendue par la Cour suprême en 2014 et dont on vous avait sûrement parlé à l’époque. Donc, elle met en cause monsieur Paul Sylvestre qui est le plaignant dans cette affaire et qui a déposé une plainte en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail au terme de laquelle il allègue avoir fait objet d'un congédiement sans cause juste et suffisante. L’employeur, lui, prétend plutôt que l'employé n'a pas été congédié, mais qu'il a démissionné.
<00:14:24> Le plaignant travaillait pour l’entreprise depuis 1989. Donc, il avait 25 ans de service au moment des faits et il était directeur de la mise en marché lors de sa fin d'emploi. Donc, au niveau de la trame des événements, on se situe au mois de juillet 2015. Le plaignant informe ses supérieurs qu'il a l’intention de quitter volontairement son emploi, mais en date du mois de juin 2016. Donc, dans les faits, il remet un préavis de fin d'emploi de 11 mois à son employeur. L’employeur, sur réception du préavis considère qu'il n'a pas nécessairement l’intention de conserver le plaignant à son emploi pour cette période de 11 mois. Donc, il informe le plaignant que son emploi va plutôt prendre fin au mois de septembre suivant. Donc, 11 semaines après la remise du préavis.
<00:15:09> Le plaignant dépose par la suite une plainte en vertu de l’article 124 où il dit : j'ai fait l’objet d'un congédiement sans cause juste et suffisante. Le Tribunal administratif du travail va venir confirmer le principe directeur de la décision qui avait été rendue dans Asphalte Desjardins par la Cour suprême, qui est à l’effet que l’employeur qui précipite la fin d'emploi après que l’employé lui ait remis un préavis de démission ne renonce pas au préavis de démission, mais possède vraiment à une résiliation unilatérale du contrat de travail. Donc, puisqu'il y a eu résiliation unilatérale du contrat de travail, les dispositions de la Loi sur les normes de travail qui touche à la protection de l’emploi trouve application. Et, dans les circonstances, vous vous imaginez bien que l’employeur ne pouvait pas démontrer une cause juste et suffisante de fin d’emploi. Donc, la plainte a été accueillie et monsieur s'est vu octroyer en fait, le salaire pour la période entre la fin d’emploi et la fin du préavis de démission qu'il avait remis à son employeur. On parle à peu près d'une période d'un peu plus de sept mois.
<00:16:19> Ce qu'on peut retenir et ce qui est intéressant de cette décision-là, c'est que ce que le tribunal va venir dire ici, vraiment, je vous dirai, l’élément le plus important de la décision, c'est que l'appréciation du caractère raisonnable d’un préavis de fin d'emploi ou d'un délai congé au sens de l’article 2091 du Code civil. L’article 2091, c'est celui qui prévoit que chacune des parties au contrat de travail peut y mettre fin au moyen d'un préavis raisonnable. L’interprétation du caractère raisonnable relève des tribunaux de droit commun. Donc, la compétence du Tribunal administratif du travail est seulement de contrôler la justesse et la suffisance du motif de fin d'emploi qui est l’origine de la fin de la relation contractuelle. Donc, le tribunal n'a pas à déterminer si le préavis de démission était raisonnable parce que, ici, évidemment, l’employeur prétendait qu'un préavis de démission de 11 mois, c'est déraisonnable. Et il n'a pas non plus à trancher si le préavis que remet l’employeur à l’employé en réponse au préavis de démission est raisonnable lui aussi.
<00:17:22> En décidant de cette façon-là, le tribunal a mis de côté ce que la Cour suprême avait dit au paragraphe 44 de sa décision dans Asphalte Desjardins, lorsqu'elle avait mentionné : on ne peut imposer à l’employeur le délai de congé décidé unilatéralement par le salarié. Donc, un employeur peut refuser qu’un salarié se présente sur les lieux de travail pour la durée du délai. Mais il doit néanmoins le rémunérer pour cette période dans la mesure où le délai de congé fourni par le salarié est raisonnable. Donc, le critère du caractère raisonnable du délai de démission avait été clairement établi par la Cour suprême. Mais le Tribunal administratif du travail n'en a pas tenu compte puisqu'il a considéré qu'il n'était pas de sa compétence de trancher cette question-là. La requête en contrôle judiciaire qui a été déposée par l’employeur a été rejetée par la Cour supérieure au mois de mars 2018.
PIERRE PILOTE
Associé directeur, Gowling WLG Montréal
<00:18:18> Merci Josée. Donc, maintenant, la décision rendue dans l’affaire Commission scolaire Kativik contre Ménard, décision de 2017 de la Cour supérieure. Voici les faits. Monsieur Adam est technicien en administration pour la commission scolaire depuis 14 ans. Mais il n'accomplit que des tâches allégées. Bien qu'il soit au sommet de l’échelle de sa classe, il n'accomplit qu'une partie des tâches. L’employeur, depuis de nombreuses années s’est plutôt contenté du fait que monsieur parlait très bien la langue inuite qu'il était en mesure de communiquer avec la clientèle pour tolérer le fait qu'il n'occupait pas l’ensemble des tâches liées à celle d’un technicien en administration. Donc, ce qui devait arriver arriva. Une nouvelle direction, une nouvelle directrice entre en poste. L’employeur révise ses tâches pour lui ajouter des tâches administratives pour faire en sorte qu'il ait des responsabilités compatibles avec l’ensemble des fonctions de celle d'un technicien en administration.
<00:19:38> Donc, qu'est-ce qui se passe? Monsieur Adam est incapable de les accomplir. En fait, c'est un fiasco. Donc, l’employeur met en place un plan d'amélioration de rendement pour une période de trois mois. Donc, au terme de la période de trois mois, le salarié échoue et il est congédié pour des raisons administratives. Donc, l’arbitre, Jean Ménard, appelé à se prononcer sur ce grief rend la décision suivante. D'abord, en fait, il accueille le grief. Là, évidemment, je vous parle de la décision de la Cour supérieure. Donc, la Cour supérieure dans sa décision vient établir que l’arbitre de grief… Évidemment, la décision, l’arbitre a confirmé que le plan d'amélioration respectait les exigences générales de la jurisprudence telles qu'énoncées dans l’affaire Costco. C'est une décision de la Cour d'appel de 2005.
<00:20:43> Cependant, l’employeur devait également, et c'est là ce qui est important dans cette décision-là, l’employeur devait également déployer des efforts raisonnables pour réaffecter l’employé dans un autre poste compatible avec ses compétences. Donc, à quoi on réfère en cela quant à cette exigence? On réfère à l'un des critères du test Édith Cavell. Il s'agit d'une décision de 1982 de la Colombie britannique qui, finalement, est devenue la référence un petit peu partout au Canada en matière d'exigences pour procéder à un congédiement administratif. Et je n’irai pas trop loin sur le congédiement administratif parce que j'ai mes deux collègues qui font une présentation tout à l'heure là-dessus.
<00:21:30> Mais tout ça pour dire que ce que le tribunal vient dire, c'est qu'il n'y a aucune raison pour que le test d’Édith Cavell ne s'applique pas intégralement au Québec. Donc, quand je vous parle de la condition de l’effort raisonnable pour réaffecter l’employé dans un autre poste. Donc, qu'est-ce qu'il faut retenir de ça. Consécration d’un sixième critère pour les congédiements motivés par un rendement insatisfaisant. Dans le fond, je ne peux pas m'empêcher. Je vous parle du sixième critère. Vous devez vous dire : c'est quoi les autres. Donc, les autres critères, voilà, et ça découle de la décision Costco. D'abord, un, le salarié doit connaître les politiques de l'entreprise et les attentes fixées par l’employeur à son égard. Deux, ses lacunes doivent lui avoir été signalées. Trois, il a obtenu le support nécessaire pour corriger et atteindre ses objectifs. Quatre, il a bénéficié d'un délai raisonnable pour s'ajuster et il a été prévenu du risque de congédiement à défaut d'amélioration de sa part.
<00:22:35> Donc, ça, ce sont les critères de la décision de l’arrêt Costco 2005. Mais cette énumération omet un passage crucial du test d’Édith Cavell qui complète habituellement le quatrième critère par le fait que l’employeur doit démontrer qu'il a fait les efforts raisonnables de remplacer l’employé dans un autre poste que l'employé aura les compétences d'exercer. Donc, peut-être important de mentionner que cette obligation ne trouve pas application dans tous les cas. Ce que l’arbitre mentionne dans sa décision. Évidemment, si j'engage quelqu'un pour donner des cours de grec ancien, ça va être plus difficile de considérer le réaffecter à une autre fonction. Je donne un autre exemple. Si je suis commis comptable dans un petit détaillant de pneus, ça va être difficile de considérer de réaffecter la personne à d'autres fonctions. Donc, il faut aussi analyser la taille de l’entreprise, ses activités, pour apprécier l’importance de l’obligation de moyens. Josée.
Josée Gervais
Associée, Gowling WLG Montréal
<00:23:58> La décision suivante, c'est une décision dont vous avez peut-être entendu parler puisqu'elle a été passablement médiatisée. C'est celle qui a été rendue par la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Poisson contre STM. Donc, elle traite de la responsabilité extracontractuelle d'un employeur dans un contexte de lésions professionnelles. Les faits mettent en cause deux salariés, madame Yolande Poisson et Jean Langlois qui sont des ambulanciers qui comptent près que 30 ans d'ancienneté et d'expérience. Au mois de mars 2012, ils sont appelés à dégager le corps d'une personne décédée sous le métro de Montréal. À ce moment-là, il y a un employé de la STM qui actionne accidentellement le klaxon de la loge du wagon de tête et ce, à deux reprises. Les ambulanciers sont alors persuadés que l’alarme annonce le départ du métro et donc que leur vie est en danger. Il n'y a aucun représentant de la STM qui va venir les aviser que le klaxon a été simplement activé par mégarde. Cet événement-là va entraîner des dommages psychologiques importants chez les deux ambulanciers. Ils vont tous les deux faire une réclamation auprès de la CNESST. Leur lésion professionnelle va être reconnue avec un diagnostic d'état de stress post-traumatique.
<00:25:14> Mais dans les faits, les ambulanciers vont être incapables de reprendre leurs fonctions par la suite. Ils vont poursuivre, intenter des procédures, poursuivre la STM pour les dommages qui sont excédentaires de ceux qui n'ont pas, en fait, été compensés par la CNESST en invoquant le régime général de la responsabilité extracontractuelle prévue à l’article 1457 du Code civil du Québec qui nécessite évidemment la démonstration d'une faute, de dommages et d'un lien de causalité entre les deux. La Cour supérieure va conclure que la STM a effectivement commis une faute à l'égard des deux ambulanciers. Puisque même si toutes les procédures qui étaient applicables en matière de tentative de mort violente dans le métro avaient été suivies, la responsabilité de la STM est retenue en raison de l’omission d'agir d’un de ses employés, celui qui occupait le poste de chef d'incident.
<00:26:08> Les ambulanciers, eux autres, reprochaient principalement au mécanicien de la STM d’avoir actionné le klaxon par mégarde. Mais ce n'est pas la faute qui va être retenue par la Cour supérieure. Ce que la Cour supérieure va conclure, c'est que le chef d'incident ne pouvait raisonnablement, évidemment, prévoir que le klaxon serait activé, mais il avait l’obligation d'agir pour sécuriser et rassurer les ambulanciers. En fait, la cour va dire : il était raisonnablement prévisible pour lui que le klaxon suscite chez les ambulanciers un sentiment de panique. Donc, un chef d'incident prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances aurait su qu'il devait s'empresser sans délai d'aller avertir les deux ambulanciers de la situation et de les rassurer. La preuve a démontré en fait qu'il n'y a aucun intervenant de la STM qui est venu rassurer les ambulanciers dans les circonstances. Et que cette omission d'agir constitue la cause principale si ce n'est la seule cause des dommages dont ont été victimes ou qui ont été subies par les ambulanciers.
<00:27:16> Donc, la cour a condamné la STM à verser à chacun des ambulanciers la somme d’un peu plus de 600 000 $ à titre de dommages. Et ce qu'on peut retenir de cette décision-là évidemment, c'est que le régime no fault ou le régime sans égard à la faute qui est prévu à la LATMP comporte quand même certaines exceptions qu'on a tendance à oublier. Dans le cas présent, l’exception était celle prévue à l’article 441 de la LATMP. Donc, un employeur peut être tenu responsable en vertu du régime de responsabilité extracontractuelle pour un accident du travail qui est survenu chez lui. Dans ce cas-là, c'est le critère de la personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances. Ici, on parlait de chef d'incident raisonnable placé dans les mêmes circonstances.
PIERRE PILOTE
Associé directeur, Gowling WLG Montréal
<00:28:08> Autre décision importante rendue cette année, décision de la Cour suprême dans l’affaire Stewart c. Elk Valleu Coal Corp. Le sujet de cette décision-là, la question c'était : le salarié a-t-il été congédié en raison de sa dépendance ou en raison de la violation de la politique en matière de drogue. Les faits sont les suivants. Monsieur Stewart est un conducteur de camions pour l’employeur. Considérant la dangerosité des activités de la mine, le maintien d’un chantier sécuritaire, c'est une exigence vraiment d'une grande importance pour l’employeur évidemment et pour les employés. L’employeur a mis en place une politique sur la consommation d'alcool, de drogues illégales et des médicaments pour assurer la sécurité.
<00:28:55> En vertu de cette politique, les employés étaient censés révéler tout problème de dépendance ou d'accoutumance avant qu'un incident lié à leur consommation ne survienne. S'il le déclarait, un programme de traitement était offert. S'il ne déclarait pas et qu'un incident survenait, le résultat des tests de dépistage de l'employé, s'ils étaient positifs, l’employé était alors congédié conformément à la politique de l’employeur et qu'il qualifiait de pas d’accident sans conséquence. Donc, monsieur Stewart, ce que l’enquête a révélé, il était un consommateur de cocaïne à l’extérieur du travail et il n’a pas divulgué cette consommation à l’employeur. Donc, ce qui devait arriver arriva. Il a été impliqué dans un accident pour lequel il n'y a eu aucun blessé, mais il a été contrôlé positif à un test de dépistage de drogue. Et il a été congédié.
<00:29:55> Donc, vous devez deviner, c'est un grief qui a été déposé par le travailleur. L’arbitre dans cette affaire-là en vient à la conclusion que monsieur Stewart a été congédié non pas parce qu'il souffrait d'une dépendance, mais parce qu'il n'a pas respecté la politique. De plus, monsieur Stewart, selon l’arbitre, n'a pas été lésé par la politique de l’employeur, car il avait la capacité d'en respecter les modalités. C'est intéressant comme constatation. Je commenterai un petit peu plus loin. La majorité, et ça, c'est la Cour suprême, la majorité conclut que la conclusion du tribunal selon laquelle la dépendance n'a pas constitué un facteur dans le congédiement de monsieur Stewart, elle est raisonnable.
<00:30:47> Qu'est-ce qu'il faut retenir de ça. La politique qui invitait les employés souffrant d'une dépendance à révéler à l’employeur leur dépendance afin de bénéficier d’une mesure d'accommodement. Lorsqu'on lit la définition de la Cour suprême, ce sont six juges dont la juge en chef qui rend une décision majoritaire. Il y a trois dissidences, mais ce que l'on peut retenir de ça, l’existence d'une discrimination, c'est hautement factuel. Ici, le tribunal a conclu que la dépendance du salarié n'avait pas réduit sa capacité à respecter la politique de l’employeur. Et ce que vous devez savoir, devant l’arbitre, il y a eu une preuve d'expert qui a été présentée par l’employeur pour démontrer que l’employé avait la capacité de faire des choix quant à sa consommation de drogue.
<00:31:40> Donc, il y a une preuve qui a été présentée là-dessus. Évidemment, il y aurait eu de la part du salarié une preuve requise que sa dépendance l'empêchait de se conformer à la politique. Dans ce cas-ci, il n'y a pas eu de preuves là-dessus. C'est plutôt l’employeur qui a fait une preuve qu'il était en mesure de respecter la politique. Donc, vraiment, décision intéressante. Encore une fois, il faut retenir que c'est très factuel ce type de dossier là. Donc, la preuve à présenter est très importante.
Josée Gervais
Associée, Gowling WLG Montréal
<00:32:15> La prochaine décision, c'est une décision qui a été rendue par la Cour supérieure au début de l’année 2018 où, en fait, la cour devait déterminer s'il existait une obligation de donner un délai de congé raisonnable dans le cadre de la résiliation d'un contrat de service. Donc, les faits en cause, madame Lamontagne a signé avec Services financiers Clarica, devenu par la suite Sun Life, un contrat de conseiller et elle a agi comme conseillère de 2004 à 2009. Au terme de son contrat, elle avait la possibilité de vendre des produits d'assurance et des fonds de placement de la Sun Life. En 2009, elle est avisée par les représentants de la Sun Life de la résiliation de son contrat et on lui remet à ce moment-là un préavis de 14 jours qui est le préavis prévu au contrat signé par les parties. Madame Lamontagne entame des procédures où elle réclame un peu plus de 3,7 millions en dommages et elle allègue fondamentalement la résiliation abusive de son contrat. Les parties ne s'entendent pas sur la qualification juridique de la relation contractuelle entre madame Lamontagne et Sun Life. En fait, la question que doit trancher la cour, c'est est-ce que madame Lamontagne peut être considérée comme une salariée, une employée de la Sun Life malgré le contrat de service signé par les parties. Il faut savoir que suite à la résiliation du contrat de service en 2009, madame Lamontagne avait déposé dans un premier temps une plainte à la Commission des normes du travail à l'égard d’un congédiement fait sans cause juste et suffisante aux termes de l’article 124 de la loi et que la Commission des relations du travail de l’époque avait accueilli l’objection préliminaire de l’employeur et déterminé que madame était une travailleuse autonome et qu'elle n'était pas une salariée au sens de la loi.
<00:34:14> Saisie de la question, la Cour supérieure va conclure dans un premier temps, à la suite d'une analyse factuelle de tous les éléments qui caractérisent la relation entre les parties, qu'il ne s'agit pas d'un contrat d'emploi puisqu'il manque l’élément fondamental qui est le lien de subordination. Donc, puisqu'il ne s'agit pas d'un contrat d'emploi, on s'attend à ce que le contrat soit régi par les règles applicables aux contrats de service qui sont ceux prévus à l’article 2098 et suivant du Code civil du Québec. Là où la cour va innover pour ainsi dire, c'est qu'elle va conclure que les articles 2125 et 2129 du Code civil du Québec ne s'appliquent pas dans le dossier en cause. Les articles 2125 et 2129, ce sont les articles qui permettent dans le cadre d'un contrat de service de mettre unilatéralement fin au contrat sans préavis. C'est en fait ce qui différencie fondamentalement le contrat d'emploi du contrat de service. Ce que la cour va venir dire, c'est qu’en raison du caractère exceptionnel de la résiliation unilatérale et des circonstances du dossier, notamment la dépendance de madame Lamontagne envers la Sun Life et également sa position de vulnérabilité, le préavis de 14 jours qui était prévu au contrat, qui était en somme plus généreux que le préavis unilatéral prévu possible en vertu du Code civil du Québec était abusif et donc nul dans les circonstances.
<00:35:56> En fait, la Cour supérieure va conclure que bien qu'il s'agisse d'un contrat de service, madame Lamontagne a droit à une somme de 23 000 $ qui représente environ un préavis de six mois et tous les autres chefs de réclamation ont été rejetés. Ce qu'on peut retenir de ce dossier-là, c'est qu'il est plutôt exceptionnel en droit de reconnaître le droit à un préavis dans un contexte de résiliation d’un contrat de service. Donc, normalement, la possibilité de résilier unilatéralement le contrat de service est vraiment ce qui constitue la différence fondamentale entre le contrat d'emploi et le contrat de service. Mais puisque la décision faisait l’objet d'une jurisprudence contradictoire, la requête pour permission d'en appeler de la Sun Life a été accueillie au mois de février dernier. Donc, la Cour d'appel va être appelée à se pencher sur la question très prochainement. Plaidée par mon collègue Luc Deshaies.
PIERRE PILOTE
Associé directeur, Gowling WLG Montréal
<00:36:55> Merci Josée, bravo Luc. Autre décision qui était très attendue cette année, la décision rendue dans l’affaire Commission de la santé et sécurité du travail et Supervac. Pour tous les employeurs qui sont ici et qui ont à gérer des enjeux de financement en matière de santé et sécurité au travail. C'est une décision, je dis attendue. Les faits sont les suivants. À la suite d'un accident de travail, le travailleur s'est vu reconnaître le droit à des IRR par la CSST. L’employeur et le médecin conviennent d'une assignation temporaire. Et lors de l’assignation temporaire, l’employeur congédie le travailleur pour un motif d'ordre disciplinaire. Donc, ce qui arrive dans ces cas-là, la CSST reprend le versement des IRR. Donc, on peut deviner que, comme tout bon employeur, Supevac ont fait une demande de transfert de coûts aux employeurs de toutes les unités puisque les IRR versés depuis le congédiement n'étaient pas, selon employeur, en lien avec sa lésion professionnelle. Donc, il y a une demande qui est faite en vertu de l’article 326. Or, la décision de la Cour d'appel, ce que la Cour d'appel nous rappelle, c'est que la CLP a conclu à tort que la LATMP crée une distinction entre le droit aux IRR et l’imputation de ces IRR à l’employeur.
<00:38:27> Dans cette affaire-là, cette distinction a permis à la CLP de déterminer que le travailleur avait droit à la reprise des IRR suite à son congédiement, mais que ces IRR ne devaient pas être imputés à l’employeur, car elles n'étaient pas dues en raison d'un accident de travail. L’article 326.1. Et c'est une controverse jurisprudentielle qui durait depuis fort longtemps. Donc, dans cette affaire-là, la Cour d'appel conclut que la décision de la CLP, confirmée par la Cour supérieure est raisonnable. La question aurait dû se poser plutôt sous l’angle de l’article 326, deuxième alinéa, à savoir si l’employeur est [inaudible] <00:39:05> injustement d'une partie des coûts liés à la lésion du travailleur.
<00:39:12> Donc, qu'est-ce qu'il faut retenir. Bien, évidemment, cette décision-là, elle était attendue parce que je pense que plusieurs d'entre vous devez être dans la même situation que plusieurs de mes clients, à savoir que les dossiers 326 sont suspendus, le traitement est suspendu depuis déjà plusieurs des années. Donc, il y a beaucoup de sous en jeu pour les employeurs. Donc, la Cour d'appel retourne le dossier au TAT pour qu'il détermine s'il l’employeur est obéré(?) injustement des IRR versés après le congédiement. Donc, il faudra encore attendre pour connaître l’issue du litige. Donc, la suite, notre colloque 2019.
Josée Gervais
Associée, Gowling WLG Montréal
<00:39:58> La prochaine décision est celle rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire CNESST contre Caron, qui était également une décision forte attendue. Donc, elle traite de l’obligation d'accommodement raisonnable des travailleurs victimes d'une lésion professionnelle. C'est une décision qui a mis fin à un débat qui durait depuis plusieurs années. Donc, les faits mettent en cause monsieur Alain Caron qui travaillait comme éducateur spécialisé dans un centre pour personnes ayant des déficiences intellectuelles. Donc, en 2004, monsieur Caron se blesse au coude. Sa réclamation pour une lésion professionnelle est acceptée par la CSST à l’époque. Et ultimement, la CSST va conclure que monsieur Caron ne peut pas occuper son emploi prélésionnel et qu'il n'existe pas non plus chez l’employeur d'emploi convenable. Donc, au terme du processus de réadaptation prévue, à la LATMP, la CSST veut poursuivre la recherche d'un emploi convenable sur le marché du travail. Monsieur Caron, lui, s'oppose à cette démarche et prétend que le processus de réadaptation aurait dû se poursuivre au sein de son employeur même pour s'assurer en fait que son employeur avait rencontré son obligation d'accommodement raisonnable jusqu'à la limite de la contrainte excessive telle que le prévoit la Charte des droits et libertés du Québec. Donc, la question ici, c'est de savoir est-ce que la CSST doit tenir compte de l’obligation d'accommodement de l’employeur lorsqu'elle détermine si un retour au travail est possible pour le travailleur victime d'une lésion professionnelle.
<00:41:32> La CSST, elle, avait conclu que l’obligation d'accommodement découlant de la Charte ne s'applique pas dans un contexte d’application de la LATMP. Et lorsque saisie du dossier, la CLP elle, a conclu que les dispositions de la LATMP représentaient la pleine étendue de l'obligation d'accommodement qui incombe aux employeurs dans un contexte de lésions professionnelles. Et qu’ainsi, aucune autre mesure d'accommodements ne pouvait être imposée à l’employeur. En contrôle judiciaire, la Cour supérieure est confirmée par la suite par la Cour d'appel du Québec. Ils ont annulé la décision de la CLP et obligé, en fait, à retourner le dossier en première instance pour qu'un réexamen soit effectué pour qu'on puisse déterminer, ou que la CSST détermine s'il l’employeur s'était acquitté de son obligation d'accommodement à l'égard du travailleur. Le dossier a cheminé jusqu'en Cour suprême du Canada où la majorité des cinq juges sur les sept juges qui ont siégé dans ce dossier a tranchée que la décision de la CLP selon laquelle le régime de la LATMP n’impose pas d'obligation d'accommodement raisonnable aux employeurs était une décision déraisonnable.
<00:42:40> Pour la Cour suprême, l’obligation d'accommodement ou de prendre des mesures d'accommodement raisonnable en faveur des employés invalides est un précepte fondamental de notre droit du travail canadien. Donc, il n'existe aucune raison de priver quelqu'un qui devient invalide à la suite d'une lésion professionnelle des mêmes protections prévues à la Charte et qui sont conférées à la personne qui est invalide dans un contexte qu'on pourrait qualifier de personnel. En fait, la cour va venir dire que les droits et les avantages qui sont prévus à la LATMP pour le travailleur victime d'une lésion professionnelle doivent être interprétés et mis en œuvre conformément à l’obligation de l’employeur d'accommoder raisonnablement les employés.
<00:43:22> Donc, dans les circonstances, puisque ni la CSST, ni la CLP avaient formulé de conclusions à savoir si l’employeur avait respecté son obligation d'accommodement jusqu'à la limite de la contrainte excessive envers monsieur Caron. Et bien, le dossier a été retourné auprès du Tribunal administratif du travail afin qu'il se penche sur la question. Ce qu'on peut retenir de cette décision-là, c'est qu’elle va avoir un impact significatif sur le processus de réadaptation et la détermination d'un emploi convenable par les principaux acteurs, notamment la CNESST et le Tribunal administratif du travail puisqu’en fait, le travailleur qui conserve des séquelles permanentes, des limitations fonctionnelles ou une atteinte permanente suite à une lésion professionnelle est porteur d'un handicap au sens de la Charte et par conséquent, il a droit à des mesures d'accommodement raisonnable jusqu'à la limite de la contrainte excessive.
PIERRE PILOTE
Associé directeur, Gowling WLG Montréal
<00:44:23> Dernière décision dans l’affaire La Reine contre Fournier, décision récente de la Cour du Québec. Donc, je suis pas mal certain que plusieurs d'entre vous en ont entendu parlaient. En fait, les faits là-dedans sont assez tristes. Monsieur Fournier est un entrepreneur en excavation. Il est président. C'est une petite entreprise. Il est président de son entreprise alors qu'il réalise des travaux de remplacement d'une conduite d'égout devant une résidence de Lachine. Il y a des éboulements qui ensevelissent complètement M. Lévesque qui est par la suite retrouvé sans vie. Monsieur Fournier est accusé sous deux chefs : omission involontaire et négligence criminelle ayant causé la mort. La décision, sur le chef d'homicide involontaire, la cour conclut que monsieur Fournier a contrevenu à ses obligations édictées en vertu du code sur la sécurité des travaux de construction et a commis ainsi un acte illégal ayant causé la mort.
<00:45:27> La conduite de monsieur Fournier était objectivement dangereuse et constituait un écart marqué par rapport à la conduite d'une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Ce que le tribunal de la Cour du Québec vient dire, la largeur et la profondeur de la tranchée ainsi que l’angle, la distance insuffisante des dépôts de déblais et le fait que le travail d'excavation et de raccordement devait être effectué manuellement rendait objectivement prévisible le risque de lésions corporelles. Quant à l’accusation de négligence criminelle ayant causé la mort, monsieur Fournier, en omettant de respecter ses obligations légales, a démontré une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la sécurité et de la vie de sa victime.
<00:46:18> Il y a un arrêt conditionnel des procédures qui a été ordonné sous le chef de négligence criminelle en vertu du principe qu'on ne peut pas être reconnu coupable d'infractions multiples. Donc, écouter, cette décision-là, on vous en parle d'abord. Évidemment, les faits sont assez troublants. Mais cette décision-là constitue une première condamnation pour homicide involontaire dans un contexte de manquement aux obligations d'un employeur afin de protéger et d'assurer la santé et la sécurité de ses travailleurs. On sait qu'il y a déjà eu des décisions rendues en matière de négligence criminelle. Mais c'est la première décision qui est rendue, première condamnation pour homicide involontaire.
<00:47:04> On ne rappelle jamais trop souvent évidemment l’importance de la prévention en matière de santé et sécurité au travail. Et on voit que les conséquences, outre une perte de vie, les conséquences pour l’employeur peuvent être vraiment importantes et à conséquence. Dans cette affaire-là, les représentations sur la sentence sont à venir, mais la Cour d'appel vient d'accueillir une requête pour permission d'en appeler. Donc, à nouveau, décision à suivre.
<00:47:41> Donc, c'est ce qui complète la présentation des 10 décisions marquantes de la dernière année. Josée et moi sommes à votre disposition s'il y a des questions relativement à l'une ou l'autre de ces décisions-là. On est disponible pour répondre à vos questions. Soit qu'on le fasse ici en avant ou à la pause. Il y a Juliane qui est en arrière avec un micro. S'il y a une question? Manifestement, notre présentation est très claire.
À titre d’employeur, votre gestion des ressources humaines est influencée par nombre de facteurs : l’actualité, les nouveaux projets de loi ou encore les mouvements popularisés. La dernière année a été fertile en développements juridiques, législatifs ou encore sociaux. Ceux-ci obligent les employeurs à s’adapter à cette évolution de la société qui touche les salariés et qui a un impact direct sur leur prestation de travail et sur les obligations que vous assumez à titre d’employeur. Il n’y a qu’à penser à la légalisation prochaine du cannabis ou encore au mouvement #MoiAussi dont les conséquences en milieu de travail sont aussi variées que complexes.
Comment y faire face? Quels sont les développements récents, les leçons à tirer de ceux-ci et les meilleurs outils pour l’avenir? Quelles sont les mesures à adopter pour assurer une gestion harmonieuse des relations de travail?
Lors de notre colloque annuel en droit du travail et de l'emploi, nos experts ont apporté des réponses et des outils concrets en exposant des cas précis et applicables à la réalité d'employeur.
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