Le Canada propose un nouveau règlement visant les sanctions administratives pécuniaires en matière d’environnement

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15 avril 2016

Le gouvernement fédéral a récemment publié un projet de règlement fournissant aux agents responsables de l’application de lois environnementales fédérales une solution de remplacement administrative aux autres mesures d’application de la loi. Publié dans la Gazette du Canada le 9 avril 2016, le projet de Règlement sur les pénalités administratives en matière d’environnement (le « projet de règlement ») fournit des renseignements clés quant à la mise en œuvre du régime de sanctions administratives pécuniaires (« SAP ») autorisé dans le cadre de la Loi sur les pénalités administratives en matière d’environnement (« LPAE »).

Les SAP comme nouvel outil d’application de la loi

De nature réglementaire plutôt que criminelle, les SAP visent à encourager la conformité avec un régime de réglementation. Les gouvernements fédéral ainsi que provinciaux ont introduit divers régimes de SAP propres à des secteurs précis, mais jusqu’à maintenant, les agents responsables de l’application de lois environnementales fédérales n’avaient pas accès à des SAP pour traiter les infractions environnementales.

Actuellement, les agents fédéraux œuvrant dans le secteur de l’environnement disposent de diverses mesures d’application de la loi pour répondre aux infractions environnementales. Ces agents environnementaux peuvent émettre un avertissement écrit, une contravention, un ordre d’exécution en matière de protection de l’environnement (« OEPE »), ou engager une poursuite judiciaire. Toutefois, ces mesures se révèlent inappropriées dans certaines circonstances. En effet, les poursuites judiciaires peuvent prendre beaucoup de temps et s’avérer trop coûteuses, et sont généralement réservées aux cas de violations les plus graves. Par ailleurs, les avertissements écrits ne sont parfois pas suffisamment dissuasifs à l’égard des récidivistes. Tout comme c’est le cas pour les « ordres de cessation immédiate » et les « ordonnances de cesser et de s’abstenir », lesquels sont employés dans le cadre d’autres régimes législatifs, l’application d’une OEPE est limitée. En outre, à l’instar des contraventions (émises en vertu de la Loi sur les contraventions), les OEPE sont uniquement disponibles pour punir des infractions spécifiques en vertu de certaines lois environnementales. Le régime de SAP a été créé afin de combler cette lacune en ce qui a trait aux mesures d’application de la loi qui sont disponibles.

Contexte et application

La LPAE a été édictée par la Loi sur le contrôle d’application de lois environnementales (« LCALE ») et est entrée en vigueur en 2010. L’un des objectifs de la LCALE était de renforcer et harmoniser les régimes d’application de neuf lois environnementales fédérales par l’introduction de différentes catégories de contrevenants, par celle de nouvelles amendes minimales ainsi que par l’augmentation des amendes maximales. Dans le cadre de l’édiction de la LPAE, la LCALE a également établi un nouvel outil d’application de la loi, soit les SAP. Le régime de SAP a été mis en œuvre au moyen d’une approche par étapes dont la dernière serait l’enregistrement du projet de règlement. 

En 2011, le régime proposé de SAP a fait l’objet d’un processus de consultation en ligne. Le but était de solliciter des suggestions concernant les infractions devant être assujetties au régime de SAP ainsi que sur la conception, la portée et la méthode de détermination des montants payables au titre des SAP. 

Tel qu’il a été rédigé, le projet de règlement s’appliquera aux violations désignées de six lois environnementales administrées par Environnement et Changement climatique Canada1. Parmi les violations désignées, sont incluses la contravention à des dispositions spécifiques des lois applicables, la contravention à des directives ou à des ordres spécifiés, et le non-respect des conditions spécifiées à un permis, à une licence ou à une autre autorisation.

Méthode proposée pour la quantification des SAP

Aux termes du projet de règlement, une SAP peut être imposée, sous la forme d’un procès verbal de violation, à « une personne, un navire ou un bâtiment » lorsqu’un agent d’application de la loi croit, pour des motifs raisonnables, qu’une « personne, un navire ou un bâtiment » a commis la violation d’une disposition spécifique de l’une des six lois environnementales mentionnées ci-dessus. Dans le cadre du projet de règlement, le montant de la pénalité de base applicable à une violation variera selon la gravité de la violation (classée comme étant de type A, B ou C) et l’identité du contrevenant (classé comme « une personne physique » ou « une personne autre, un navire ou un bâtiment », laquelle catégorie pourrait inclure les sociétés, les ministères, ainsi que les gouvernements, bandes et conseils de bandes autochtones). Par exemple, en vertu du règlement proposé :

  • Les violations de type A : les infractions moins graves, comme le manquement quant aux exigences en matière de tenue des registres en conformité avec un permis environnemental.
  • Les violations de type B : les infractions plus graves qui pourraient causer ou non un dommage à l’environnement ou des entraves à l’autorité. Par exemple, le fait pour une personne de transporter des déchets dangereux alors que son nom ne figure pas sur un permis de transit valide (ce qui constituerait une violation du Règlement sur l’exportation et l’importation de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses).
  • Les violations de type C : les infractions les plus graves, comme les actes reconnus de dégradation et d’altération de l’environnement. Par exemple, le fait pour un contrevenant de déposer une substance intrinsèquement dommageable dans l’environnement.

Le projet de règlement prévoit également des facteurs aggravants pouvant occasionner une augmentation de la pénalité de base, notamment : les antécédents de non-conformité, les dommages causés à l’environnement et les avantages économiques. Par exemple, la sanction imposable pour une violation de type C visant « une personne autre, un navire ou un bâtiment » peut passer d’une pénalité de base de 5 000 $ à une pénalité maximale de 25 000 $ lorsqu’un contrevenant a des antécédents de non-conformité ou qu’il a obtenu des avantages économiques. Puisque la notion de dommage environnemental est déjà prise en compte dans le montant de base d’une SAP applicable à une violation de type C, le facteur aggravant quant au « dommage environnemental » ne s’applique pas dans cet exemple.

Moyens de défense et processus de révision

Les SAP ne s’appliqueront pas dans le cas d’infractions nécessitant la preuve que l’auteur présumé avait une intention coupable, comme dans le cas d’un acte commis « sciemment » ou « volontairement ». Les infractions nécessitant la réalisation d’une évaluation complète de l’intention de l’auteur présumé sont exclues du régime proposé de SAP, car il conviendra mieux d’employer d’autres mesures (comme la poursuite judiciaire) pour traiter ce genre d’infraction.
Les moyens de défense prévus par la LPAE actuelle sont limités. Par exemple, l’auteur présumé d’une violation « ne peut invoquer en défense le fait qu’il a pris les mesures nécessaires pour empêcher la violation ou qu’il croyait raisonnablement et en toute honnêteté à l’existence de faits qui, avérés, l’exonéreraient ».

Un contrevenant présumé peut, dans les 30 jours suivant la signification d’une SAP (ou dans le délai supérieur que le réviseur-chef peut accorder), saisir le réviseur-chef d’une demande de révision de la pénalité ou des faits quant à la violation présumée, ou des deux. Le réviseur-chef est un arbitre, indépendant d’Environnement et Changement climatique Canada, qui effectue les révisions réclamées par un demandeur.

Le réviseur ou le comité doit présenter sa décision et la motiver par écrit dans les 30 jours suivant la fin de la révision. En cas de décision défavorable, le contrevenant est tenu au paiement de la pénalité mentionnée dans la décision.

La décision rendue par le réviseur-chef ou comité de révision en application de la LPAE est définitive et exécutoire et n’est pas susceptible d’appel ou de révision en justice, sous réserve du contrôle judiciaire prévu par la Loi sur les Cours fédérales.

Cadre stratégique relatif aux SAP et période de consultation

Outre le projet de règlement, le gouvernement fédéral a récemment publié le Cadre stratégique relatif aux sanctions administratives pécuniaires d’Environnement et Changement climatique Canada pour la mise en œuvre de Loi sur les pénalités administratives en matière d'environnement. Ce cadre stratégique présente les paramètres opérationnels du régime proposé de SAP, dont la conformité et l’application des SAP (y compris l’application de SAP conjointement à d’autres mesures d’application de la loi), la détermination du montant des pénalités dans le cadre du régime de SAP, ainsi que la supervision du régime de SAP et son processus de révision. Le cadre stratégique fournit également les réponses à des questions formulées dans le cadre du processus de consultation en ligne de 2011.

Le projet de règlement fait actuellement l’objet d’une période de consultation publique de 60 jours (laquelle a débuté le 9 avril 2016) et devrait entrer en vigueur à la date de son enregistrement. Advenant l’enregistrement du projet de règlement, le choix de la mesure d’application de la loi (SAP ou autres mesures) appartiendra aux agents d’application qui devront se conformer aux principes et facteurs énoncés dans la Politique d'observation et d'application d’Environnement et Changement climatique Canada. Si le projet de règlement est mis en œuvre, il sera intéressant de voir comment les agents environnementaux utiliseront les SAP isolément ou conjointement à d’autres mesures d’application de la loi dans le but d’atteindre des niveaux plus élevés de conformité avec la législation environnementale fédérale.

 
[1] La Loi sur la protection de l’environnement en Antarctique; la Loi sur les espèces sauvages du Canada; la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999) (parties 7 et 9); la Loi sur les ouvrages destinés à l’amélioration des cours d’eau internationaux; la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs; la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.

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