L’OPIC publie des directives d’examen révisées des méthodes de traitement médical et de régimes posologiques

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01 mars 2015

Résumé

L’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) a récemment publié l’Avis de pratique PN 2015-01, lequel traite de l’examen de revendications d'utilisation médicale. L’Avis de pratique assouplit certaines des pratiques d’examen actuelles quant à la brevetabilité des régimes posologiques. Dans ces nouvelles directives, les éléments essentiels de la revendication qui ont trait à un dosage fixe, à un régime posologique fixe, à une sous-population de patients ou à un site d'administration particulier ne sont pas considérés comme limitant l'exercice des compétences professionnelles ou du jugement d'un médecin, un facteur important dans la détermination de la brevetabilité de l'objet de la revendication.

Introduction

Le 18 mars 2015, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) a publié l’Avis sur les brevets : pratique d’examen révisée concernant les utilisations médicales PN 2015-01, lequel révise l’énoncé de pratique PN 2013-04 (datant de juin 2013 et présenté de façon plus détaillée ici) relativement à l’examen des revendications de méthodes médicales et chirurgicales au Canada. L’Avis de pratique révisée PN 2015-01 a pour objectif de mettre à jour la pratique d’examen de l’OPIC relativement aux revendications d’utilisation médicale à la suite d’un jugement récent de la Cour fédérale dans l’affaire AbbVie Biotechnology Ltd. v. The Attorney General of Canada, 2014 FC 1251 (« AbbVie »).

L’Avis de pratique d’examen révisée assouplit certaines directives d’examen relatives à la brevetabilité de revendications d’utilisation médicale, particulièrement en ce qui a trait aux revendications liées aux régimes posologiques. Même s’il reste à voir comment l’OPIC parviendra à mettre en œuvre ces directives, les révisions apportées nous amènent à croire que les régimes posologiques fixes ne seront pas exclus en tant que sujet non brevetables pourvu que les éléments essentiels revendiqués en aucun cas n’empêchent, n’entravent ou ne requièrent l'exercice des compétences professionnelles d'un médecin.

L’Avis de pratique révisée PN 2015-01 et les méthodes de traitement médical

Au Canada, les revendications d’utilisation médicale sont habituellement considérées comme des objets brevetables, alors que les méthodes médicales, elles, ne le sont pas. L’Avis de pratique révisée stipule que les inventions qui empêchent les médecins « d'exercer leurs compétences et leur jugement dans l'utilisation d'un composé connu pour un objectif établi » comportent une méthode de traitement médical et ne sont donc pas brevetables aux termes de la loi. Toutefois, une orientation additionnelle est cependant maintenant fournie pour déterminer les éléments essentiels de revendication liés à des régimes posologiques doivent bel et bien être interprétés comme limitant l’exercice des compétences ou du jugement du médecin.

L’énoncé de pratique précédent (PN 2013-04) stipulait ceci :

« Cependant, s'il est démontré par une interprétation téléologique qu'un régime ou une gamme posologique constitue un élément essentiel d'une revendication citant l'utilisation d'un composé connu pour un traitement établi, la revendication comporte une méthode de traitement médical et, par conséquent, elle n'est pas conforme à l'article 2 de la Loi sur les brevets. »

Cet énoncé a été assoupli dans l’Avis de pratique révisée, lequel énonce maintenant que :

« Cependant, s'il est démontré par une interprétation téléologique qu'un régime ou une gamme posologique constitue un élément essentiel d'une revendication citant l'utilisation d'un composé connu pour un traitement établi, il se peut que la revendication comporte une méthode de traitement médical. » (Notre soulignement)

De même, l’énoncé de pratique précédent (PN 2013-04) stipulait ceci :

« Quand un élément essentiel ne sert qu'à renseigner un professionnel de la santé sur la façon (« comment ») de traiter un patient, plutôt que d'indiquer ce qu'il faut (« quoi ») pour le traiter, nous devons conclure que l'utilisation revendiquée comporte une méthode de traitement médical. »

L’avis de pratique révisée a été mis à jour pour clarifier que :

 « Quand un élément essentiel ne sert qu'à renseigner un professionnel de la santé sur la façon (c.-à-d. le « comment ») de traiter un patient, plutôt que d'indiquer ce qu'il faut (c.-à-d. le « quoi ») pour le traiter, il faut se demander si l'élément essentiel empêche, entrave ou requiert l'exercice des compétences professionnelles d'un médecin. Si la réponse est « oui », nous devons conclure que l'utilisation revendiquée comporte une méthode de traitement médical qui n'est pas conforme à l'article 2 de la Loi sur les brevets. » (Notre soulignement)

L’une des plus importantes révisions de l’Avis de pratique révisée PN 2015-01 se trouve dans la section de l’énoncé de pratique PN 2013-04 qui présente des exemples d’éléments essentiels de revendications qui imposent une limitation sur les compétences ou le jugement professionnels d’un médecin. L’énoncé de pratique PN 2013-04 stipulait ceci :

« Ainsi, les éléments essentiels qui limitent les compétences ou jugement professionnels d'un médecin incluent des éléments qui fournissent les détails sur une posologie, des éléments représentant une gamme de dosages potentielle qu'un patient peut recevoir (par opposition à une gamme d'unités de dosages), des éléments qui limitent le traitement à une sous-population de patients (par opposition à une nouvelle population) ou à une voie particulière d'administration. »

La révision, cependant, établit maintenant ceci :

« Les éléments essentiels qui limitent les compétences ou jugement professionnels d'un médecin incluent des éléments qui fournissent les détails sur une posologie comprenant une gamme, et des éléments représentant une gamme de dosages potentielle qu'un patient peut recevoir (par opposition à une gamme d'unités de dosages). En revanche, les éléments essentiels qui restreignent le traitement à un dosage fixe, à un régime posologique fixe, à une sous-population de patients ou à un site d'administration particulier ne sont pas considérés comme limitant l'exercice des compétences professionnelles ou du jugement d'un médecin. »

Ces modifications devraient mener les examinateurs du bureau des brevets à ne pas s’opposer à des revendications comprenant des régimes posologiques sans avoir d’abord vérifier comment les revendications touchent les compétences professionnelles et le jugement du médecin. Notamment, les revendications portant sur un dosage fixe ou un régime posologique fixe, contrairement à un régime posologique ou à une gamme posologique, semblent être spécifiquement reconnues comme brevetables. En effet, dans l’affaire AbbVie, le paragraphe 114 énonce « [...] une revendication qui n’empêche, ni n’entrave ou ne requiert l'exercice des compétences professionnelles ou du jugement d'un médecin – y compris une revendication pour un dosage fixe ou un régime ou intervalle posologique fixe – n’est pas exclu de la brevetabilité lorsqu’il n’y a aucune preuve pour contredire la revendication liée à ce dosage. » [TRADUCTION]

De plus, l’Avis de pratique révisée précise maintenant que les éléments essentiels de la revendication qui sont axés sur le traitement d’une sous-population ou un site d’administration particulier ne sont plus considérés comme limitant les compétences professionnelles ou le jugement d’un médecin. Ces révisions devraient présenter un intérêt particulier aux personnes qui œuvrent dans le domaine de la médecine personnalisée, où l’identification de patients issus de sous-populations revêt souvent une importance particulière.

Conclusions

L’Avis de pratique révisée PN 2015-01 sera perçu comme un changement favorable pour plusieurs sociétés qui œuvrent dans le secteur des sciences de la vie. Alors que les méthodes de traitement médical ne sont pas comprises dans la notion de champ d’application de l’invention au Canada, cet Avis de pratique révisée offre la possibilité que les revendications portant sur des régimes posologiques fixes, des sous-populations de patients, ou des sites d’administration particuliers soient considérés comme étant brevetables, pourvu qu’elles n’entravent, ni n’empêchent ou ne requièrent l’exercice de compétences professionnelles d’un médecin. En règle générale, l’OPIC considère depuis longtemps que les revendications liées à ce qu’il faut (le « quoi ») pour traiter un patient (p. ex. : des composés ou des formulations) comme étant brevetables. Cette révision, semble indiquer que l’OPIC est maintenant aussi prêt à accepter certaines revendications quant à la façon (le « comment ») de soigner un patient, du moment que cela ne requiert pas l’exercice des compétences professionnelles ou du jugement d’un médecin.

Il reste à voir comment l’OPIC mettra en œuvre les directives fournies dans l’Avis de pratique révisée PN 2015-01. Ce dernier stipule toujours que les régimes posologiques comprenant des gammes plutôt que des dosages ou intervalles posologiques fixes doivent probablement être considérés comme des méthodes de traitement médical par l’OPIC et, par conséquent, brevetables. Cependant, ces développements récents démontrent un assouplissement de la position de l’OPIC relativement à la brevetabilité des régimes posologiques, lequel assouplissement ne manquera pas de réjouir les acteurs.


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