PETER LUKASIEWICZ (en anglais seulement)
Good morning. My name is Peter Lukasiewicz. I’m the CEO of Gowling WLG Canada. I am very pleased to welcome you on behalf of all of our partners and professionals to the third of our “Talking Trump” seminars that we are having across the country in all of our offices. And let me congratulate you, as Montrealer’s, on this fantastic attendance this morning. I was saying to some of my colleagues that were this in Toronto it would be me and Pierre having coffee together.
The past five days have been momentous in world politics and in world trade. On Friday, the United States inaugurated its 45 President, Donald J. Trump. Perhaps the most protectionist and isolationist President and certainly the most erratic individual to be elected to the highest office in the land in 50 years. 24 hours later we witnessed around the globe an unprecedented outpouring of opposition to Mr. Trump and his administration in the women’s marches on Washington, which took place in cities on every continent in the world. And then 5 hours ago, in London, the Supreme Court of the United Kingdom released its decision in the Article 50 Brexit case. Finding by way of a strong majority, 8 of the 11 judges, the entire Court sitting, 11 judges, 8 of those 11 judges finding that the Parliament, and not the Government, has the power to decide if and when to invoke Article 50 of the Lisbon Treaty and commence the Brexit process.
There are interesting parallels between what is unfolding in the United States and in the United Kingdom. While President Trump can use, and will undoubtedly use his office as a bully pulpit to effect change, much of his desired change can only come about through legislation and regulation that must be enacted by his equivalent of a Parliament, the Congress. In short, he has to persuade Congress, held by a Republican party that many would argue he does not in fact lead, to adopt his agenda. Already, 4 days after his inauguration, and 3 days after the marches we witnessed on Saturday, there are some chinks in the armour. Yesterday, some Senators have begun to propose that perhaps individual States be given the option whether or not to retain Obama Care. Canada is the top export market for 35 of the 50 States of the United States of America. In 2015 the US exported over $280 billion dollars worth of goods to Canada. Is Congress going to materially restrict that flow of trade?
To help us understand the Trump administration, and its approach to Canada, we are delighted to have as our guests, Tasha and John, who with the very skillful guidance of our host and my partner, Pierre Pilote, will discuss the issues and I’m sure enlighten us all. Thank you very much for joining us this morning and let me turn it over to Pierre.
PIERRE PILOTE
Je vais, pendant environ 45 minutes, aborder plusieurs points avec Tasha et John et nous aurons ensuite une période où vous pourrez leur adresser vos questions. Sans plus tarder, je débute. D’entrée de jeu, on ne va pas s’étendre ici sur les raisons pour lesquelles Donald Trump a été élu. Il a été élu. Il est au pouvoir depuis tout juste quatre jours. À la lumière de son discours d’inauguration, probablement le discours le plus populiste d’une cérémonie d’assermentation présidentielle, il me semble bien que le Président Trump soit fidèle au candidat Trump. C’est la même personne.
Q. Qu’est-ce qu’on devrait penser de ça, d’entrée de jeu, le fait que le Président Trump soit aussi partisan dès son assermentation? Donc, Tasha, peut-être? Je te cède d’abord la parole, en premier.
TASHA KEIRIDDIN
Parfait, merci beaucoup, et merci beaucoup à Gowling de cette belle invitation. Merci, tout le monde, d’être venu. On est à une situation dans l’histoire, une situation historique unique, je pense, parce qu’on nous demande de se prononcer sur M. Trump. La réalité, c’est que c’est le grand risque. M. Trump est très imprévisible dans ses actes, sauf que, comme Pierre vient de le dire, tous les gens… J’en connais plusieurs qui m’ont dit : Ah, non, M. Trump est raisonnable; je connais M. Trump, il dit ces choses-là pour être élu. Quand il sera élu, il ne va plus être ce personnage-là, il va être plus raisonnable. Je pense qu’ils ont eu tort, parce que le monsieur Trump qu’on a vu dans la campagne, c’est le Trump qu’on voit sur la scène politique. À part ses qualités personnelles ou ses défauts personnels, je pense que la façon dont il va opérer politiquement, c’est pour être un récompensateur.
Il va récompenser ceux qui ont voté pour lui. C’est très clair, déjà; hier, il a révoqué la politique ou a réimposé la politique, pardon, de la ville Mexico au sujet du financement des organismes qui non promouvoient l’avortement mais qui permettent même à une femme de discuter d’avortement dans les pays étrangers. Pourquoi il a fait ça? Pour récompenser la base chrétienne qui a voté pour lui en dépit de ses qualités ou ses défauts personnels. Il a aussi clairement récompensé les ouvriers, même les gens comme M. Bernie Sanders et la base de Sanders qui a dit : je suis très content que M. Trump a quitté le TPP. Les ouvriers américains qui ont voté pour Trump, qui se sentent lésés par la situation économique, par la disparition de leurs emplois à l’étranger, ces gens-là ont été récompensés hier aussi.
Il y a aussi récompense de l’industrie. Il a dit qu’il va couper les réglementations (75 %), il va couper les impôts (10 à 15 %) pour les entreprises. Cette base-là, cette base industrielle, qui a aussi des gens dans son Cabinet, on va en parler plus tard, représente aussi la classe économique, la classe d’affaires aux États-Unis, ceux qui ont appuyé dans le secteur de l’énergie lors de sa campagne. Ces gens-là vont être récompensés.
On nous avait demandé : Est-ce qu’il est un rassembleur? Moi, je dis non, pas rassembleur, mais récompensateur, certainement.
PIERRE PILOTE
John?
JOHN PARISELLA
Premièrement, merci beaucoup pour l’invitation. Thank you, Peter, for the nice words. Je voudrais, avant de répondre à la question, peut-être juste dire un petit mot de bienvenue à mon amie Tasha. Même si elle est Montréalaise, on la voit beaucoup à la télévision, souvent elle est à Toronto, mais je sais que c’est une Montréalaise de cœur. C’est une amie de longue date. Je suis très heureux de la revoir. C’est mieux que par Twitter.
TASHA KEIRIDDIN
Merci. C’est bien d’être ici et voir tout le monde aussi.
JOHN PARISELLA
Oui. C’est mieux que de communiquer par courriel.
TASHA KEIRIDDIN
Oui.
JOHN PARISELLA
C’est clair qu’on fait affaire à un politicien qui est vraiment non conventionnel. Je vous avoue honnêtement, ça fait des années que je fais de la politique puis je n’ai jamais rencontré un personnage comme ça. C’est un personnage qui, essentiellement, joue beaucoup cette carte d’être non conventionnel, d’être un homme d’affaires, de ne pas être comme les autres politiciens, son fameux hashtag « Drain the Swamp », qui est une expression de dire : bien, moi, je ne suis pas comme les autres. Il a démontré… il avait un côté au début qui était quasiment drôle, mais il a un côté qui était pas mal moins agréable. Je vous avoue honnêtement, je suis totalement d’avis avec les commentaires que la comédienne Meryl Streep a faits : quand on se moque d’un handicapé, je trouve qu’il y a quelque chose qui n’est pas correct en termes des valeurs d’une personne. Quand on entend parler d’une vidéo à l’âge de 59 ans où on parle quasiment que quand on a une notoriété et qu’on a de l’argent, bien, on peut faire un assaut sexuel.
Personnellement, sur ce côté-là, je vous dis tout de suite en « full disclosure » : je ne suis pas un « fan » de Donald Trump comme tel. Cela dit, je ne pense pas qu’on est bien avisés de prendre une attitude réfractaire et négative, automatiquement. Comme Tasha a dit, l’homme politique dans la campagne, l’homme de la transition – parce que la transition s’est terminée, mais on a eu l’impression dans la transition qu’il y avait deux Présidents. Obama pouvait faire des choses, mais on avait souvent un tweet le matin qui venait du Président élu. Donc, on avait l’impression c’est qui menait le pays. On l’a vu dans le discours inaugural, c’était essentiellement le même ton, les mêmes politiques. Il est prisonnier d’un fait qu’il a gagné cette élection-là à cause de trois États. Trois États qui n’auraient jamais dû gagner.
La victoire, la marge des trois États, équivaut à peu près au stade des Packers dans une partie des éliminatoires. Vous pouvez voir qu’il y a des Démocrates, qui n’avaient pas perdu ces trois États depuis plus de 25 à 30 ans, ont perdu le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie. La raison que je souligne ça, c’est parce que dans d’autres questions qui vont venir tantôt de Pierre, on va parler de l’ALÉNA. Qu’on le veuille ou qu’on ne le veuille pas, ces gens-là, dans un sens très générique, ont une opposition envers le libre-échange et c’est viscéral. C’est clair que pour eux autres, l’ALÉNA c’était beaucoup plus concret que le TPP ou même la possibilité qu’il y ait des rapprochements avec l’Union européenne. Donc, on voit un homme qui définitivement est protectionniste, mais on ne sait pas à quel point, idéologiquement, il est attaché à ça.
Le dernier point que je ferais pour permettre d’autres questions, c’est qu’on a parlé du parti du Congrès, puis on a parlé du parti Républicain dans les introductions. Premièrement, il ne faut pas perdre de vue que ce n’est pas le système parlementaire. Il y a une division de pouvoirs entre le Congrès et l’Exécutif. Quand vous lisez la Constitution américaine, le Congrès passe avant l’Exécutif. On a mis, ce qu’on appelle dans le système courant, le « checks and balances ». Même si les Républicains dominent le Congrès, ce n’est pas une majorité parlementaire comme on est habitué de voir ici, au Canada. On voit tout de suite qu’il y a des tiraillements à l’intérieur des Républicains, on l’a vu sur la question de certaines nominations – on en parlera tantôt.
M. Trump peut énoncer des choses. Oui, il peut faire des décrets, puis il en a fait depuis quatre jours, mais il reste que, comme Peter a fait dans son introduction, les Américains vont être en élection dans deux ans. Tout le Congrès, la charge des représentants va être en élection. Un tiers du Sénat va être en élection. Beaucoup de gouverneurs vont être en élection. Donc, ce sont des facteurs que, des fois, M. Trump oublie souvent dans ses dires. Il n’est pas habitué d’un « checks and balances » dans le monde immobilier. Dans le monde politique, il y en a. On l’a vu depuis à peu près un mois, c’est-à-dire deux semaines, un affrontement avec la communauté Intelligence des États-Unis et avec les médias. C’est clair que ce n’est pas quelque chose qui va se régler du jour au lendemain.
On fait face à un phénomène, un homme imprévisible. Ce qui m’inquiète en ce moment, c’est un peu le message que je voulais dire au départ, c’est que son côté imprévisible en ce moment, quand tu as les rênes du pouvoir et que tu es la personne la plus puissante en Amérique, tu crées de l’incertitude. L’incertitude, ce n’est jamais bon conseil ou bon appui quand on fait l’économie et la sécurité d’un pays. Je voulais vous dire ça en termes de départ. On aura l’occasion de spécifier plus tard.
PIERRE PILOTE
Merci, John. J’aimerais revenir sur son discours d’introduction qui était extrêmement partisan. On a un Président Trump qui a un taux d’approbation de 40 % pour un nouveau Président, ce qui est même assez bas.
Q. Comment pensez-vous qu’il puisse parvenir à rassembler un pays, qu’on sent profondément désuni, grandes villes versus régions rurales? Quelle est votre perception de sa capacité à réunir les Américains?
TASHA KEIRIDDIN
Je ne sais pas s’il a la capacité ou la volonté. C’est plus une question de volonté, je pense. C’est M. Trump dans la capacité. L’Amérique est très divisée. On voit ça avec le vote populaire et le fait que M. Trump a reçu moins de votes populaires. Ce qu’il nie, d’ailleurs. C’est incroyable. Je pense que la façon dont il va gouverner, comme j’ai dit, ce n’est pas être un rassembleur. C’est quelqu’un qui va faire plaisir à sa base, qui va imposer des politiques qui sont cohérentes avec ce qu’il a dit pendant la campagne, mais aussi qui affirme comme il a dit : « America First ». Vraiment, le thème de son discours inaugural, c’était pour moi, quand il a dit ça, « America First. America First. America First », ça indique le ton, c’est-à-dire sur le patriotisme qu’il va miser. S’il rassemble les gens, ça va être sur cette question-là et dire qu’on doit tous être unis pour l’avenir américain, on doit mettre nos intérêts en premier.
Le problème, c’est que pour le reste du monde qui dépend des États-Unis pour être cette lueur d’espoir, le représentant de la démocratie, les valeurs démocratiques, ça tombe à côté parce que c’est une vision très protectionniste, une vision très insulaire – « insular », comme on dit en anglais – c’est-à-dire qu’il regarde à l’intérieur du pays. Ça diminue l’influence non seulement des États-Unis à l’extérieur … Je pense que les Américains moyens vont penser à leur rôle dans le monde. Pour moi, je peux dire comme journaliste quelque chose que je crains beaucoup aussi, c’est que M. Trump va utiliser la crainte des fausses nouvelles alternatives qu’il préfère, les faits alternatifs, qu’il veut disséminer. Je pense qu’il va potentiellement utiliser cette crainte de fausses nouvelles pour imposer des restrictions sur la liberté de la presse, la liberté d’expression. Ça se fait déjà. M. Obama a déjà paradoxalement signé un projet de loi avant Noël qui permet aux États-Unis de contrer ce qu’ils disent, la propagande étrangère. Ils ont établi un bureau pour faire cela. Cent soixante millions de dollars sur deux ans. C’est beaucoup. Le problème, c’est la façon dont la loi le définit, qui permettrait potentiellement à cet organisme aussi de contrer la propagande antiaméricaine à l’intérieur des États-Unis. C’est là que si le gouvernement définit cette propagande comme une vision qui n’est pas les faits alternatifs que préfère le gouvernement, ça nuirait beaucoup potentiellement à la liberté d’expression.
C’est là où je pense que M. Trump a peut-être essayé d’intimider ses critiques. S’il va être un rassembleur, ça va être sur la surface simplement, parce qu’on ne va pas entendre ces voix divergentes. On avait mentionné les manifestations. Des femmes et autres qui ont manifesté, mais surtout les femmes dans le monde. Il a dit : oui, c’est bien que les gens s’expriment. Mais en même temps, je pense qu’il aimerait mieux que les gens s’expriment moins sur ce point-là. Alors, ma crainte personnelle, c’est sur le côté des affaires. On va en parler. Mais aussi sur les libertés personnelles, c’est assez grave.
JOHN PARISELLA
Je suis d’accord avec ce que Tasha a dit. J’ajouterais que, honnêtement, depuis les bonnes journées, les bons jours de Ronald Reagan et Tip O’Neill qui étaient démocrates « Speaker of the House » où ils pouvaient s’entendre bien des fois entre un Libéral du Massachusetts puis un Conservateur de la Californie, on ne peut pas dire que le gouvernement américain a été très fonctionnel. Obama a vécu une opposition systémique, pour ne pas dire une obstruction, à travers de ses neuf ans. Même quand c’était le temps de lutter contre la plus grande récession économique depuis la Grande Dépression, il n’y a pas eu de vote républicain pour son plan de relance. On peut dire que les Démocrates n’ont pas fait de cadeaux à M. Bush non plus, sauf la résolution sur l’Irak, j’en conviens. Généralement, le système américain est dans un niveau d’affrontement.
Je pense que dans les premiers 100 jours, pour ne pas dire la première année, je ne suis pas sûr qu’il va se préoccuper de rassembler le monde et d’unifier le monde. On le voit dans ses tweets du matin. Il était obsédé en fin de semaine par le fait qu’on disait qu’Obama a eu plus de monde à son inauguration. C’est un peu inquiétant quand c’est une préoccupation qui a amené un affrontement avec son secrétaire de presse, Sean Spicer. Je pense que ce n’est aucunement sur son radar. Il parle à son 46,2 % qui eux s’attendent qu’il y ait des résultats. Du côté des Démocrates, ils sont désunis. Oui, Bernie Sanders peut faire de bonnes déclarations et oui il peut faire de bons « clips », mais au bout de la ligne il ne tire pas tellement. Il demeure quand même… Regardez le nom de Bernie Sanders, c’est I‑Vermont, « I » étant pour Indépendant. Il ne se déclare même pas lui-même comme Démocrate. Tu sais?
Les Démocrates ont vraiment un manque. Obama va disparaître quelques mois, c’est sûr, avant de refaire surface. Peut-être que Joe Biden va être un petit peu plus présent autour des élections de 2018. Ne vous attendez pas à un assaut, une présence très visible du couple Clinton. En bout de ligne, en a-t-il besoin? Je suis obligé de dire avec énormément de réserve et peut-être un peu de tristesse, il n’a peut-être pas besoin d’unifier en ce moment. Il va pousser son agenda. Le seul fameux « checks and balances » dont j’ai parlé tantôt va venir dans deux ans.
PIERRE PILOTE
Merci. Parlons d’économie maintenant. Le Président Trump, le candidat Trump, a fait plusieurs références évidemment : « America First », « Buy America », « Higher America ». Un de ses premiers gestes ce week-end a été de retirer les États-Unis du TPP, d’annoncer de nouvelles négociations pour l’ALÉNA (traité de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique).
Q. Est-ce qu’on a des raisons d’être inquiets ici, au Canada, du climat de protectionnisme américain, de nationalisme économique américain? Comment on doit réagir ou en tout cas face à cette nouvelle réalité?
TASHA KEIRIDDIN
En un mot, oui. Je pense qu’on a raison de craindre dans certains secteurs. Le bois d’œuvre, notamment. Dossier qui demeure toujours non réglé et qu’on espérait être réglé sous l’ancienne administration de M. Obama. Le secteur laitier, agriculteur. Je ne suis pas une passionnée de la gestion de l’offre du tout, mais en tout cas pour le secteur laitier, ceux qui le sont, je dirais, devraient se soucier de ce qui se passe et ce vent protectionniste. Le secteur de l’automobile aussi. On manufacture beaucoup de pièces automobiles. Pas seulement des automobiles, mais des pièces automobiles et les Américains achètent ces pièces. C’est vrai qu’il y a des transactions des deux côtés et que si on fermait les frontières et qu’on imposait des taxes, ça nuirait aux producteurs américains aussi. M. Trump, je pense que dans sa vision protectionniste ce facteur serait peut-être moins important que de faire plaire aux autres manufacturiers automobiles qui disent déjà : mettez vos usines aux États-Unis. Mettez vos usines de pièces, mettez vos usines de tout. Parce qu’il veut vraiment consolider la base industrielle américaine. Il a reçu hier – c’est un clip qui circule beaucoup – les chefs syndicaux du secteur de la construction qui ont dit : on n’a jamais eu une réception aussi accueillante d’un Président. On est allé dans le Bureau ovale de M. Trump. Ils veulent travailler avec lui et leurs 3 millions de membres pour faire avancer l’économie américaine.
Dans un sens où il est rassembleur, il rassemble des acteurs avec lui dans le domaine de l’industrie et de la manufacture pour faire avancer l’économie, mais ce que je crains même plus que le protectionnisme, et une renégociation de l’ALÉNA, c’est qu’il a annoncé aussi qu’il veut couper la réglementation et les impôts. Qu’est-ce qui va arriver s’il fait ça d’une façon drastique? Ça va faire plus compétitives les firmes américaines. S’il veut augmenter l’emploi, faire que ces entreprises puissent engager des ouvriers américains pour manufacturiers, ces entreprises, leur marge de manœuvre est quoi? Ce n’est pas les coûts de biens, ce n’est pas les coûts des travailleurs, du travail. C’est les coûts comme les impôts, ce que le gouvernement peut contrôler. Leurs impôts et les réglementations environnementales ou autres.
Alors, pour M. Trump, s’il fait ça, les entreprises américaines deviennent plus compétitives, qu’est-ce qui arrive au Canada, ici? Déjà on a un déficit de productivité vis-à-vis les Américains. Qu’est-ce qu’on va faire pour devenir compétitifs avec cette nouvelle réalité? Est-ce qu’on va abaisser nos impôts aussi? Est-ce que M. Trudeau va scrapper la taxe de carbone et le désir qu’il a de l’imposer partout? Qu’est-ce qu’on va faire en Ontario où les prix de l’électricité ont grimpé de presque 200 % depuis que le gouvernement de Dalton McGuinty est là en 2003. Les entreprises qui fuient, qui disent : on ne va pas s’implanter en Ontario parce qu’on ne peut pas payer l’hydro. C’est très néfaste pour le Canada. Je vois ça, même plus que le protectionnisme qui est là, comme une menace pour nos industries et notre capacité ici de maintenir notre économie qui déjà est en péril à cause des actions du gouvernement. Du côté déficit, M. Trudeau n’a pas beaucoup de marge de manœuvre ici pour faire des changements pour réagir à M. Trump. Je ne veux pas être trop pessimiste, mais c’est un gros défi pour ce gouvernement sur beaucoup de niveaux.
JOHN PARISELLA
J’ajouterais que le Globe and Mail a fait un éditorial samedi. Le titre était « Keep calm and carry on ».
TASHA KEIRIDDIN
C’est très Globe and Mail.
<rires de l’audience>
JOHN PARISELLA
Effectivement. Quand même, ce n’est pas bête comme tel, puis je pense que le gouvernement Trudeau à date a probablement posé les bons gestes. Plutôt que de faire une polémique publique et d’embarquer dans un « tweet war », il a décidé d’envoyer des proches collaborateurs. L’ambassadeur en place a établi des contacts. Je pense que c’était sage de recourir aux services de M. Mulroney qui connaît bien du monde. Donc, ils ont gardé vraiment une espèce de tête froide. Ils n’ont pas réagi, ils n’ont pas donné l’impression de paniquer. Il reste que peut-être on peut ajouter aussi que l’opposition a été quand même très raisonnable. Je pense que les Canadiens en général, au Québec aussi, on parle plus d’aller rencontrer des Congressmen, des Congresswomen, des gouverneurs et de faire un peu de pédagogie.
On sent que la pédagogie sort dans certaines déclarations. J’écoute des propos à la télévision depuis quelque temps à l’effet que la relation Canada-US est relativement plus équilibrée qu’elle l’est, par exemple, avec le Mexique. On dit souvent, même des gens de l’entourage un peu éloigné de Trump, que le Canada était rarement mentionné dans le cadre de la campagne. C’était surtout le Mexique qui était la cible. Il ne faut pas qu’on se réconforte avec ça, parce que le Mexique est devenu un partenaire bien important pour nous, puis il ne faut surtout pas prendre l’attitude : eh bien, eux, c’est leur trouble et nous, on ne s’en occupe pas. Il reste que si on fait nos devoirs, puis je pense qu’on est en train de les faire, il s’agit quand même d’aller à la table, d’être engagé et d’avoir des initiatives. Il ne faut jamais oublier que l’ALÉNA a été signé avant même que l’Internet ait été inventé par Al Gore. Une blague pour ceux qui s’en souviennent. So, the American joke.
Pour revenir à ce que je disais, c’est clair qu’il y a des changements qui peuvent être intéressants même pour nous. Donc, M. Trudeau et je pense que M. Peña Nieto n’ont pas dit : pas question qu’on ne négocie pas. Je pense que c’est bon qu’ils le disent. De toute façon, M. Trump pourrait donner un avis de six mois puis décider qu’il s’en sort. Donc, on est bien mieux de s’asseoir. Je pense que ce qui va être intéressant de suivre, ça va être la négociation sur le bois d’œuvre. On va voir quelle est l’attitude à la table.
J’ai vu que M. Trump – je vais finir sur ce point-là –… Quand Carrier a décidé de ne pas envoyer certains emplois vers le Mexique et que Ford a pris une certaine décision, et GM a pris des décisions, et les gens de Boeing sont allés M. Trump quand il se plaignait du prix pour la nouvelle version de Air Force One, j’ai remarqué que dans un premier temps il y avait des concessions que M. Trump a déclarées comme des victoires. Quand on gratte un petit peu plus loin, on réalise que les décisions qui ont été annoncées avaient déjà été prises avant que M. Trump gagne l’élection. Il faut comprendre que négociation ne veut pas dire que c’est nécessairement à tous égards un « zero-sum game ». Il y a des concessions, mais il peut y en avoir de l’autre côté aussi. Je le vois de cette façon-là, mais le danger serait qu’on se retire puis qu’on n’engage pas. Je pense que sur ce point, on est, dans mon esprit, dans la bonne direction. Ça ne veut pas dire qu’il va y avoir un bon résultat, mais c’est mieux que l’inverse qui d’après moi nous aurait condamnés à un affrontement, puis possiblement des guerres au niveau des tarifs et au niveau de la frontière.
PIERRE PILOTE
John, je vais poursuivre sur les relations gouvernementales puisque tu l’as abordé. Le Premier ministre Trudeau a fait un remaniement ministériel il y a une dizaine de jours, a nommé Chrystia Freeland comme ministre des Affaires étrangères, a nommé François-Philippe Champagne au Commerce international.
Q. Dans ce contexte, évidemment pour se préparer à l’arrivée du nouveau gouvernement Trump, j’aimerais que tu nous parles un peu de ces deux nouveaux ministres et surtout de la manière dont le gouvernement doit aborder ses relations avec les États-Unis.
JOHN PARISELLA
Je vous avoue que ça m’aurait surpris que… On avait annoncé ça bien avant que l’assermentation se fasse. Habituellement, on fait un remaniement ministériel du moins en donnant l’impression que c’est pour nos besoins à nous, pas pour les besoins d’un gouvernement en prospection. Par contre, cela dit, ce sont des discours entre pundits comme on dit, ou des débats entre pundits. Je pense que Mme Freeland c’est un bon choix. Je l’ai connue un peu à New York. Elle était avec Reuters à l’époque. C’est une personne très bien branchée, une personne qui est respectée et compétente, je n’ai aucun doute. C’est un bon choix. Je ne connais pas M. Champagne. Ça m’a l’air d’une candidature, c’est-à-dire une personne qui est vue comme la garde montante. Vous n’avez pas mentionné Andrew Leslie et je pense que c’est important. Andrew Leslie, qui connaît le général Flynn, le général Kelly puis le général Mattis de ce monde. Ce n’est pas mauvais aussi.
Dans ce sens, je pense qu’ils ont posé des bons gestes. Les gestes d’envoyer Gerald Butts qui est un conseiller principal, Katie Telford qui est son chef de Cabinet, David MacNaughton qui semble être bien épaulé par le Premier ministre comme tel, et je reviens sur M. Mulroney qui est sûrement une personne bien branchée. Ne jamais oublier que c’était l’architecte de l’OLE qui est éventuellement devenu l’ALÉNA. Je pense que sur ce niveau-là ce sont des bons gestes. Le fait que M. Schwartzman serait allé voir le Cabinet du… Je ne connaissais pas ce monsieur, je n’en avais jamais entendu parler, mais on le décrit comme une personne dans l’entourage de M. Trump sur le plan économique. Ça envoie peut-être un bon signal. Les propos de cette personne a tenu à CTV, complètement différents des propos que j’ai vu dans les journaux écrits ce matin, semblaient indiquer une certaine sensibilité. …
Mulroney a déjà fait un commentaire, un discours au Wilson Centre, à Montréal. Je n’oublierai jamais. Il a dit l’importance des relations interpersonnelles au niveau des gouvernements. Il faut faire attention des fois d’embarquer dans l’idéologie. On a vu des relations Canada-US qui n’ont pas bien été. Ça n’a pas bien fini entre Pearson et Johnson. Ce n’était pas bon entre Nixon et Reagan, c’est-à-dire Richard Nixon et Trudeau, Raegan et Trudeau. On a eu des tiraillements un petit peu sur l’Irak entre M. Chrétien et M. Bush. Mais fondamentalement, on est mieux avisés d’établir des relations et le plus possible pas en faisant du « postering » devant les médias. Je pense que c’est le conseil que je donnerais.
PIERRE PILOTE
Merci, John. Tasha, il y a évidemment plusieurs nouveaux joueurs dans le gouvernement Trump.
TASHA KEIRIDDIN
Oui. <rire>
PIERRE PILOTE
On peut parler du Cabinet Trump.
TASHA KEIRIDDIN
J’ai ma liste ici. C’est pour ça que j’ai … <rire>
PIERRE PILOTE
Q. Selon toi, qui sont les joueurs clés?
TASHA KEIRIDDIN
OK, pour ça j’ai une liste, parce que tous les noms c’est difficile parfois de les garder en tête. C’est clair que M. Trump et son Cabinet reflètent les priorités, et les individus reflètent les priorités de M. Trump. Les priorités électorales à certains groupes, notamment les industries du charbon, des ressources naturelles, des ressources fossiles, qui vont, je pense, revenir sur M. Trump.
Ceux qui l’entourent dans ses proches, dans ses conseillers, il y a Jared Kushner, effectivement, qui est son gendre. C’est du jamais vu, qu’il est dans la Maison-Blanche comme conseiller. Certains disent que c’est peut-être… ça enfreint les lois, du népotisme, mais il est là. Il était supposé venir, d’ailleurs, au retrait du Cabinet, Jared Kushner. Il n’est pas venu à cause, dit-on, qu’il n’avait pas le temps dans tout ce qui se passait de se déplacer au Canada. C’est un des gens les plus proches de M. Trump. Il va s’occuper, dit-on, des relations avec le Moyen-Orient. Intéressant. Ce n’est pas un diplomate. On ne sait pas vraiment à quoi s’attendre de ça.
Kellyanne Conway. On a déjà vu sa performance en fin de semaine. C’est quelque chose. C’était la directrice des Communications pour la campagne. Maintenant, elle est conseillère senior à M. Trump. Si c’est ça les faits alternatifs ou les relations avec les médias qu’on va développer, ça va être très confrontationnels, comme j’avais dit auparavant. On avait vu un Sean Spicer très différent lundi qu’on avait vu vendredi. Sean Spicer, directeur… le secrétaire de presse de M. Trump, qui avait fait des déclarations très, très, très fâchées vendredi envers les médias, et lundi était un peu moins agressif on pourrait dire.
En plus de ça, Reince Priebus et Steve Bannon… Steve Bannon était le propriétaire, l’architecte de Breitbart News, qui est un service de nouvelles aux États-Unis. Nouvelles, on dit, mais c’est vraiment une plateforme activiste très conservatrice, très de droite. Son style de médias, de relations des médias, est très confrontationnel et très, je dirais, monolithique dans sa pensée. Les communications, l’équipe de M. Trump, si on regarde ça, je pense que c’est clair que le style va continuer, qu’il avait pendant la campagne. Sur le côté politique, d’ailleurs, et les priorités politiques, là on va beaucoup de gens du milieu des affaires. Deux individus, particulièrement, qui viennent de Goldman Sachs : Steve Cohen, secrétaire de l’Économie, ainsi que Steven Mnuchin qui est le secrétaire du Trésor. Ces deux individus sont très bien connus et connectés dans le monde des affaires, mais apportent une perspective, certainement, clairement de Wall Street. Priorité des investisseurs. On peut penser que c’est en ligne avec la pensée de M. Trump lui-même. Pas une énorme surprise qu’il choisisse des gens comme ça.
Dans le secteur de l’énergie, comme j’ai dit, Rick Perry, qui est secrétaire de l’Énergie, vient du Texas. On sait que le pétrole est une industrie clé pour cet État. M. Perry est très en faveur du développement accru de cette ressource domestique. Et Rex Tillerson, Secrétaire d’État, qui était l’ancien CEO de ExxonMobil. La priorité, M. Trump a déjà dit : on va relancer la production du charbon du gaz de schiste. On va mettre l’emphase là-dessus. Les deux mots qui étaient absents du discours de M. Trump, vendredi, est-ce que vous êtes impressionnés de ça? Quelqu’un d’autre que moi? Changements climatiques. Il n’y en a pas. Ou Environnement. Les trois mots n’étaient pas là. La priorité de M. Trump qui est reflétée dans son Cabinet, ce n’est certainement pas l’environnement. Il y a autrement Scott Pruitt, qui est justement le nouveau chef de l’Environmental Protection Association. Il était un partisan très fort de poursuites contre les réglementations sur les entreprises pour faire réduire les émissions de charbon. De carbone. C’est son historique. Alors, clairement, M. Trump a mis quelqu’un là qui ne nie pas nécessairement que le changement a lieu, mais qui est contre la réglementation accrue des entreprises pour faire diminuer les émissions de carbone.
En plus de ça, il y a Wilbur Ross, qui est secrétaire du Commerce. C’est un milliardaire, même ligne de pensée que M. Trump. Andrew Puzder, qui est secrétaire du Travail, qui s’oppose à l’augmentation du salaire minimum. Alors, la campagne 15 $ l’heure, oubliez ça. Elaine Chao, qui est aux Transports, a travaillé sous le Président Bush antérieurement. Elle est en charge de l’infrastructure. Elle a déjà dit que, oui, il va y avoir une emphase sur le public-privé, mais aussi que le gouvernement va débloquer dans l’immédiat des fonds publics pour des projets d’infrastructure. L’infrastructure, on va en parler, mais ça va être une très, très grande partie de ce que M. Trump veut faire pour relancer l’économie parce que, justement, ça va consommer des biens américains, tout le Buy American, pour faire relancer l’industrie ainsi que créer des emplois pour les ouvriers dans le domaine de la construction. Comme j’ai dit, il a déjà accueilli des chefs de syndicats de la construction chez lui, à la Maison-Blanche.
PIERRE PILOTE
Q. Là-dessus, Tasha, si je peux poursuivre. Est-ce que c’est… Les investissements massifs en infrastructure–
TASHA KEIRIDDIN
Oui.
PIERRE PILOTE
Oui, vraiment?
TASHA KEIRIDDIN
Oui.
PIERRE PILOTE
est-ce que c’est une opportunité que les entreprises canadiennes devraient tenter de saisir?
Oui, sauf qu’il y a le Buy American qui est là. M. Trump a dit que oui… Il a dit qu’entre 550 milliards et un trillion de dollars vont être dépensés en infrastructures. Est-ce que c’est des nouveaux projets ou la reconstruction? Ça, ce n’est pas clair. Il a dit qu’il va donner des crédits aussi aux entreprises environ 137 milliards de dollars pour les inciter à faire des partenariats publics-privés. Mais dans les partenariats publics-privés, ça prend toujours plus long pour approuver. C’est pour ça, je pense, que Chao a déjà fait l’annonce qu’il va y avoir des fonds publics tout court dépensés, débloqués pour certains projets. C’est plus rapide. Le problème, c’est le Buy American. Si le but de tout cet exercice est d’utiliser des biens et services qui sont produits aux États-Unis, comment est-ce que le Canada va entrer dans ce jeu? C’est quelque chose pour détourner ça? C’est des négociations politiques, justement, qui sont faites soit au niveau de l’ALÉNA, soit au niveau entre États et provinces. C’est toutes ces relations qui vont être établies, parce que c’est les acteurs du Congrès américain qui vont avoir le dernier mot là-dessus. Il y en a qui sont plus protectionnistes que d’autres. Seulement Rick Perry a dit… Non, ce n’est pas Rick Perry. C’était… Attendez.
Il y avait un projet d’infrastructure qui était supposé d’avoir une approbation Buy American. C’est Paul Ryan, c’était ça, qui a dit : non, je ne veux pas que ce soit Buy American parce que certains producteurs d’acier seraient favorisés et d’autres défavorisés par une préférence domestique… une préférence gouvernementale pour une production domestique aux États-Unis. C’était un projet d’infrastructure d’aqueducs et de transport maritime, et il a dit : non, je ne veux pas que ce soit un Buy American. Une clause là-dedans. Il l’a enlevée parce que, justement, il y avait certaines entreprises qui disaient : c’est Buy American de qui? Ça va favoriser une entreprise et pas une autre.
Alors, il y a des conflits, sur même le Buy American aux États-Unis dans les projets à l’heure actuelle. Comment ça va se jouer avec le nouveau… tout cet argent-là que Trump veut dépenser? On ne sait pas. Ça va être des négociations, finalement.
JOHN PARISELLA
Si le passé est garant de l’avenir, c’est clair qu’il faut qu’on soit un peu inquiets parce que quand je suis rentré à New York en 2009, il y avait la clause Buy America que le gouvernement Obama avait permis d’être introduite par le Congrès démocrate qui est était majoritaire à l’époque. Il y a eu des négociations, finalement, vers la fin de la journée, une entente qui semblait plaire au Canada sauf que la plupart des argents étaient déjà alloués dans le Buy America. Donc, il faut faire attention à ça. C’est clair que le Buy America va créer une certaine tension. Le parti Républicain s’est vraiment opposé à un grand plan d’infrastructures durant le temps de M. Obama. Et il y en a des gens qui sont encore sur cette lignée-là à cause du déficit, puis à cause de tout ce que ça veut dire au niveau des finances. Il reste que peut-être c’est… un drôle d’allié qu’il risque d’y avoir pour l’infrastructure, ça risque d’être M. Sanders. Bernie Sanders. Il risque d’y avoir des votes des Démocrates pour faire un projet d’infrastructure. Donc, ça, c’est à surveiller.
Je voulais juste faire un petit commentaire sur l’entourage Trump. Je suis d’accord avec ce que Tasha a dit. J’ajouterais peut-êre deux personnes qui m’ont un peu encouragé dans leurs témoignages. Le secrétaire de la Défense, M. Mattis, m’a vraiment assuré. Même Tillerson, sur la Russie m’a assuré, nonobstant la polémique à l’effet qu’il a reçu l’ordre de la Russie et tout ça. Je dirais que Pompeo aussi m’avait aussi… Dans le sens qu’ils voient la Russie comme étant un adversaire et non pas un éventuel colistier dans le développement de l’univers géopolitique. Donc, dans ce sens-là c’est positif. Je pense que quand vous regardez des biographies… Je vous inviterais à trouver le temps dans les prochaines semaines si vous avez vraiment de l’intérêt dans ce qui se passe avec Trump au-delà de nos rencontres, à aller chercher une couple de biographies et comprendre un petit peu l’homme.
Il y a une affaire qui m’a frappé à date. Je ne l’ai pas lue au complet, j’ai lu des extraits. C’est qu’il ne semble pas avoir un maître à penser. Souvent, il va référer à son père. Il y avait Roy Cohn, qui est un avocat, qui était dans le temps des McCarthy et Rings des années 1950 mais qui l’a connu tard dans sa vie. Mais en général, il n’a pas de maître à penser, à l’exception peut-être de Jared Kushner, et peut-être sa fille, Ivanka. La personne qui m’a toujours préoccupé, c’est Steve Bannon, parce que Steve Bannon est une personne excessivement intelligente et je peux imaginer dans une pièce et Reince Priebus, le chef de Cabinet, ne sera pas de taille. Est-ce que ça va être la dernière personne qui va lui parler? Est-ce que c’est lui qui va utiliser son fameux « You’re Fired » puis va prendre toutes les décisions lui-même? Ce qui m’inquiète beaucoup sur M. Trump, on dit qu’il est imprévisible. Ce qui m’inquiète beaucoup, c’est que je ne pense pas que c’est un homme de réflexion. C’est un homme qui est un « gut manager ». Ce n’est pas une personne qui va se donner un peu de temps, qui va réfléchir. C’est ça qui est un peu préoccupant avec l’entourage le plus immédiat autour de lui. Le seul petit niveau de confort, les gens disent que le beau-fils ou le gendre pourrait avoir une espèce d’effet de frein. Basé sur la campagne, il semble être la personne qui a été constant. Parce qu’il y a quand même eu trois directeurs de campagne, mais Jared Kushner a survécu les trois.
PIERRE PILOTE
Écoutez. Avant de passer aux questions de la salle, peut-être une dernière question sur la politique internationale. Il y a quelques jours, l’ancien Premier ministre Steven Harper disait : Trump va renverser les fondements de sept décennies de politique étrangère américaine. On se rappelle qu’en avril 2016, il avait fait son discours sur la politique étrangère. Il avait surtout parlé du Moyen-Orient et de l’État islamique.
Q. Bref, j’aimerais vous entendre un petit peu sur ce qu’on peut attendre de la politique internationale du Président Trump.
TASHA KEIRIDDIN
Je pense qu’on peut s’attendre à un isolationnisme, un repli sur soi de l’Amérique. En ce qui a trait à la Russie, je trouve ça très inquiétant en dépit du fait que oui, ces gens-là ont des visions plus modérées, mais reste qu’il y avait plusieurs – pendant la campagne, on le sait tous – allégations des liens entre M. Manafort et autres gens qui étaient proches de M. Trump à un moment donné, qui s’étaient rapprochés du gouvernement russe, on sait tous que M. Trump et ses positions sur l’Ukraine sont complètement à l’inverse de ce qu’était justement la politique antérieure des États-Unis et du parti Républicain en particulier. C’était l’une des seules choses qu’il a changées, effectivement, dans le document de réflexion des Républicains qui étaient en jeu, quand il a été nommé le candidat républicain à leur Congrès pendant l’été. M. Trump, je pense, va instituer un certain repli sur soi. C’est presque – et je crains ça un peu – diviser le monde dans des secteurs, comme on fait dans le monde des affaires. Vous avez votre territoire, nous avons le nôtre. Vous faites vos affaires là-bas, on fait les nôtres ici. Vous ne dérangez pas.
Déjà, la Russie vient juste de signer un accord avec Bachar al-Assad en Syrie pour un bail pour un aéroport ainsi qu’un espace pour mettre des navires dans le port de – je ne me rappelle plus, c’est une des villes les plus importantes de la Syrie. Ce bail est pour 45 ans. Un bail pour quoi? Pourquoi est-ce qu’ils font ça? On ne fait pas attention, parce que tout le monde regarde M. Trump ici. Mais ça s’est fait dans les derniers jours … En même temps que la Russie dit qu’elle va se désengager de la Syrie, pourquoi elle crée une présence quasi permanente, 45 ans? Puis il y a un renouvellement après ça de 25 ans pour ce bail-là, potentiellement, en Syrie. Pourquoi? Je pense que c’est un signe que M. Poutine et M. Trump se comprennent. Malheureusement. Parce que M. Poutine, on le sait tous, c’est un oligarque, c’est la façon dont la Russie est gérée. M. Trump aussi, on pourrait le dire, a des tendances dans ce genre-là. C’est un homme d’affaires, il est habitué à voir sa vision des choses, ne pas faire de compromis. Sauf qu’il opère dans un monde différent. C’est un monde démocratique, les États-Unis. Un pays démocratique, avec des valeurs de liberté fondamentales qui sont respectées. Est-ce qu’il va respecter ces valeurs? Est-ce qu’il va les promouvoir à l’international? Non. Il a déjà dit qu’on ne va pas essayer de changer le mode de vie. Il a dit ça dans son discours inaugural des autres. On va être un exemple au monde. C’est complètement différent des politiques de M. Obama, de M. Bush et de l’intervention américaine pour protéger les libertés des autres pays du monde.
JOHN PARISELLA
Personnellement, c’est ça qui m’inquiète le plus. L’OTAN, en particulier. Ses propos sur l’OTAN m’inquiètent beaucoup. Quand on regarde ce qu’on appelle le Pax Americana, qui existe depuis la Deuxième Guerre mondiale, les pourparlers de Bretton Woods et l’OTAN en 1949, nous a apporté quand même un monde où les adversaires en Deuxième Guerre mondiale du monde libre, les Japonais et l’Allemagne, sont devenus des démocraties exemplaires et des économies parmi les plus fortes sur la Terre. C’est ça que Bretton Woods et l’OTAN ont apporté et c’est ce qu’on appelle souvent dans les textes ou dans les livres le Pax Americana.
Donc, les propos de Trump m’inquiètent là, parce que quand il a dit dans son discours inaugural : la priorité c’est de se débarrasser ISIS ou de l’État islamique. On est tous d’accord, on veut que ça disparaisse, mais les faits c’est qu’ils ont perdu beaucoup de territoire depuis quelque temps. Ils sont sur la défensive et les actes terroristes sur le sol américain majeur ont été faits depuis le 11 septembre par des locaux. Des locaux dans certains cas influencés par Al-Qaïda et, dans d’autres cas, influencés par l’État islamique. Mais quand tu dis que ta priorité est de se défaire de l’État islamique, puis on n’a pas mentionné une fois le mot Al-Qaïda, comme si Al-Qaïda maintenant était rendu comme un club fermé ou un sénat du monde de la terreur, ça m’inquiète beaucoup, cette absence de réflexion, et ça crée de l’incertitude. J’imagine les gens qui sont dans l’OTAN, qui sont près de la frontière russe, qui ont vu ce qu’il a fait en Crimée, qui ont vu ce qu’il fait en Ukraine. Il faut se dire les vraies choses. Si le Président des États-Unis croit que cet homme-là est un plus grand leader que son prédécesseur qu’est M. Obama, ça m’inquiète.
Dans tous les termes, dans toutes les façons de voir, je suis d’accord avec John McCain et Lindsey Graham, qui ne sont pas des Démocrates, que c’est un criminel de guerre. C’est un homme qui n’a aucun scrupule à frapper des zones de civils. S’il y a eu un problème… je sais qu’Obama a fait une grave erreur de vocabulaire quand il a dit : ne traversez pas la ligne rouge. Mais regardez ce qui se passe en Syrie. L’ONU ne peut rien faire en Syrie, parce qu’il y a un véto et ce véto est toujours appliqué par la Russie. Quand il y a eu des temps pour faire une coalition ensemble, pour aller contre ISIS, non ils n’étaient pas contre ISIS, eux autres ont tout fait pour accommoder Asad et reprendre Aleppo. Alep.
Donc, moi, c’est ce qui m’inquiète beaucoup. Plus que n’importe quoi, L’ALÉNA, c’est bien beau tout ça, mais je pense que les faits ultimement vont remporter. Nous, on fait bien de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier, le panier américain, même si c’est notre plus grand partenaire. Ce qui m’inquiète beaucoup, c’est ce qu’il envoie comme signal au point international. Ce n’est pas une transaction immobilière. L’international, c’est grand. Je suis un de ceux qui ont vécu, comme un jeune, la tension. J’étais un étudiant au secondaire quand on a failli avoir l’affrontement d’une guerre nucléaire en 1962. Au bout de la ligne, il y a eu de la rationalité à triompher. On n’est jamais certains dans ce monde d’aujourd’hui si les gens vont être rationnels. C’est ce qui m’inquiète de M. Trump. Un Président des États-Unis ne doit pas juste faire des discours pour garder sa base, il doit être une personne qui apporte un certain confort. Les États-Unis, on sait que quand il y a une crise, quand il y a une agressivité, quand il y a une crise au niveau connectique, les Américains sont toujours les premiers en ligne pour aider. Ce que j’ai entendu vendredi passé, je suis obligé de vous dire que j’ai un doute, aujourd’hui.
PIERRE PILOTE
Je vous remercie bien sincèrement pour vos commentaires.
<fin de la transcription – 55:25>