La Cour fédérale déclare injuste le rejet de demandes d’inscription à la Première nation Qalipu

7 minutes de lecture
01 septembre 2015

Gowlings a représenté les demandeurs qui, après que leur inscription à la Première nation Qalipu a été injustement refusée, ont obtenu gain de cause.

Hier, la Cour fédérale a rendu deux décisions importantes concernant le processus d’inscription à la Première nation Qalipu Mi'kmaq de Terre-Neuve. Ces décisions auront sans doute  de nombreuses conséquences concernant l’établissement de la liste des membres de la Première nation Qalipu Mi’kmaq, laquelle a été établie en 2011 après plusieurs décennies de litige et de négociation.

Cherchant apparemment à réduire le nombre de personnes admissibles à devenir membre de cette Première nation nouvellement formée, le gouvernement du Canada et la Fédération des Indiens de Terre-Neuve ont procédé à une modification rétroactive des critères d’admissibilité, et ont refusé des demandes en se fondant sur des motifs purement techniques, sans offrir aucun recours ni droit d’appel. Deux des demandes rejetées ont été contestées. Dans les deux cas, les personnes concernées remplissaient autrement tous les critères exigés. Dans l’un des cas, la demande avait été rejetée parce que le demandeur avait apposé sa signature dans seulement une des deux cases réservées aux signatures; dans l’autre cas, la demande avait été rejetée au motif que le demandeur aurait omis de fournir la version intégrale de son certificat de naissance.

La Cour a conclu que ces rejets étaient fondamentalement injustes et a ordonné l’annulation des décisions prises à cet égard par le Comité d'inscription à la Première nation Qalipu Mi'kmaq. Le Comité d'inscription a été ordonné d’évaluer les demandes d’inscription en fonction des critères de fond énoncés dans l’accord pour la reconnaissance de la Première nation.

Le contexte

Lorsque Terre-Neuve est entrée dans la confédération en 1949, les Conditions de l'Union ne comportaient aucune disposition visant la reconnaissance des peuples autochtones dans la province. La province a d’ailleurs longtemps affirmé qu’aucun peuple autochtone n’y vivait. En 1972, la Fédération des Indiens de Terre-Neuve (FITN) a été établie en vue d’obtenir une reconnaissance pour les peuples Mi’kmaq de Terre-Neuve et du Labrador. Après des décennies de négociation et de litige intermittents, une entente a été conclue entre le gouvernement canadien et la FITN, laquelle entente s’est plus tard traduite par l’établissement de la Première nation Qalipu. C’est donc en 2011 que la nation Qalipu a vu le jour.

Dans cette entente historique, on énonçait la procédure à suivre en vue d’établir l’appartenance à la Première nation et l’inscription à titre d’Indien au sens de la Loi sur les Indiens, et ce, en fonction de certains critères précis.

Après avoir reçu plus de 100 000 demandes d’inscription à la bande (ce qui dépassait largement le nombre anticipé), le Comité d'inscription à la nation Qalipu a refusé des demandes sur la base d’erreurs mineures d’ordre administratif. La demande d’inscription d’Alex Howse a été rejetée parce qu’au moment de remplir le formulaire, il avait apposé sa signature dans seulement l’une des deux cases réservées aux signatures, alors que la demande de Sterling Foster a été refusée parce qu’il aurait omis de fournir une copie de la version intégrale de son certificat de naissance.

Comme conséquence de ces décisions, les demandeurs concernés se sont vu refuser d’une part l’inscription à la Première nation Qalipu Mi'kmaq, et d’autre part le statut d’Indien au sens de la Loi sur les Indiens. À cet égard, aucun avis expliquant les erreurs techniques n’a été fourni aux demandeurs. Ces derniers n’ont pas non plus eu la possibilité de fournir des renseignements additionnels ni d’interjeter appel à l’égard de la décision.

La décision

Les demandeurs Howse et Foster, représentés par Gowlings, ont fait valoir que ces décisions étaient injustes et déraisonnables, particulièrement lorsque les lourdes conséquences qu’elles entraîneraient pour les demandeurs et de la nature des droits et des intérêts en cause étaient prises en compte.

La FITN a pour sa part avancé que les décisions rendues par le Comité d'inscription ne pouvaient faire l’objet de contrôle judiciaire, car l’autorité permettant au Comité d'inscription de statuer sur les demandes découlait d’une entente privée entre le gouvernement fédéral et la FITN. Les demandeurs ont fait valoir que l’autorité de trancher les questions portant sur l’appartenance à une bande et sur le statut d’Indien inscrit appartient uniquement au gouvernement fédéral, et que par conséquent, les décisions s’inscrivent dans le champ d'application de l’art. 18 de la Loi sur les Cours fédérales. La Cour a suivi cette interprétation.

Le procureur général du Canada et la FITN ont affirmé que le niveau d'équité procédurale qu’il fallait accorder aux demandeurs se trouve au bas de l’échelle. Les demandeurs ont répliqué que compte tenu des intérêts en cause et vu l’impossibilité de se pourvoir en appel, un degré élevé d'équité procédurale était requis. Encore une fois, la Cour était du même avis que les demandeurs.

La Cour a conclu que les décisions étaient à la fois déraisonnables et inéquitables sur le plan procédural. Tenant compte de l’importance des droits en cause, du fait que les demandeurs n’ont pas été avisés des erreurs constatées dans leurs demandes respectives et qu’on ne leur a pas fourni l’occasion d’y apporter des corrections, ainsi que de l’impossibilité de se pourvoir en appel, la Cour fédérale a affirmé que les décisions du Comité d’inscription ne satisfaisaient pas aux normes minimales de l’équité procédurale et qu’elles étaient déraisonnables. Les demandes ont donc été renvoyées au Comité d’inscription afin que ces dernières puissent être évaluées en fonction des critères de fond applicables.

Les répercussions

Même si en théorie les deux arrêts de la Cour s’appliquent strictement aux demandeurs Howse et Foster, il est estimé que quelque 4 000 autres demandes ont été refusées pour des raisons semblables. Par conséquent, il est attendu que ces décisions aient de profondes répercussions sur la façon d’établir l’appartenance à la Première nation la plus nouvellement reconnue au Canada.

Gowlings a eu l’honneur d’agir à titre de conseillère juridique pro bono pour les demandeurs Howse et Foster dans le cadre de cette affaire. Les causes ont été plaidées par Jaimie Lickers, avec le soutien de Brian CraneGraham Ragan et Guy Régimbald.

Pour plus d’information au sujet du groupe Droit autochtone de Gowlings, cliquez ici.


CECI NE CONSTITUE PAS UN AVIS JURIDIQUE. L'information qui est présentée dans le site Web sous quelque forme que ce soit est fournie à titre informatif uniquement. Elle ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprétée comme tel. Aucun utilisateur ne devrait prendre ou négliger de prendre des décisions en se fiant uniquement à ces renseignements, ni ignorer les conseils juridiques d'un professionnel ou tarder à consulter un professionnel sur la base de ce qu'il a lu dans ce site Web. Les professionnels de Gowling WLG seront heureux de discuter avec l'utilisateur des différentes options possibles concernant certaines questions juridiques précises.

Sujet(s) similaire(s)   Droit autochtone