Une décision récente confirme que les demandes d’autorisation de recours collectifs en valeurs mobilières sur le marché secondaire seront soumises à un examen rigoureux

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01 août 2015

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Une décision récente d’une cour de l’Ontario renforce le message de la Cour suprême du Canada selon lequel les critères d’autorisation d’exercer un recours collectif en valeurs mobilières sur le marché secondaire sont bien plus qu’un « dos d’âne » pour les demandeurs éventuels de recours collectifs. En effet, la décision du 24 juillet 2015 du juge Belobaba sur une demande d’autorisation et de certification dans l’affaire Coffin c. Atlantic Power Corporation énonce clairement que les recours collectifs proposés en valeurs mobilières seront examinés rigoureusement et que les critères d’autorisation permettront de filtrer les demandes visant le marché secondaire qui sont sans mérite. 

L’affaire Atlantic Power comportait des allégations selon lesquelles les défendeurs avaient fait de fausses déclarations quant à la capacité d’Atlantic Power à maintenir son dividende, causant ainsi des pertes à certains actionnaires et détenteurs de débentures lorsque le dividende a été réduit et que le cours de l’action de l’entreprise a chuté. Des actions ont été intentées en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario et en vertu de la common law.

Les critères d’autorisation – Recours statutaire

L’article 138.8 de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario stipule qu’un tribunal doit être à même d’établir que l’action a été intentée de bonne foi et qu’il est « raisonnablement possible que l’action soit réglée au moment du procès en faveur du demandeur » avant que ne soit accordée l’autorisation d’exercer un recours statutaire relatif au marché secondaire. Comme le juge Belobaba n’a relevé aucune preuve que l’action n’avait pas été intentée de bonne foi, il a concentré son analyse sur la question à savoir s’il y avait une possibilité raisonnable que l’action soit accueillie en faveur des demandeurs au procès.

S’appuyant sur la décision de la Cour suprême dans l’affaire Theratechnologies c. 121851 Canada Inc., le juge Belobaba a noté que le processus d’autorisation doit être plus qu’un « dos d’âne » et sert en fait « à écarter les demandes sans fondement » [TRADUCTION]. Il s’est donc plutôt penché sur la question à savoir si après avoir examiné toute la preuve présentée par les parties, les demandeurs avaient une possibilité raisonnable ou réaliste d’obtenir en partie gain de cause au procès ou bien le dossier des demandeurs est si faible ou il a été si bien réfuté par les défendeurs qu’il n’existe aucune possibilité raisonnable de succès.

Après avoir soigneusement examiné la preuve présentée par les parties, y compris plus de 14 000 documents électroniques présentés par les défendeurs, le juge Belobaba a conclu « qu’il n’y avait pas de fausses déclarations ni par affirmation ou omission et qu’aucun changement important n’avait été dissimulé. Il n’y avait aucune possibilité raisonnable que les demandeurs puissent autrement le démontrer au procès » [TRADUCTION]. Il a tiré ces conclusions nonobstant les multiples courriels, lesquels avaient été rédigés bien avant l’annonce de la réduction du dividende, dans le cadre desquels les employés d’Atlantic Power discutaient de la probabilité et de l’imminence d’une réduction du dividende. Les demandeurs ont pour leur part fait valoir que ces courriels démontraient au contraire que l’entreprise savait ou aurait dû savoir que le dividende serait réduit bien avant que le public en soit avisé. Le juge Belobaba n’a pas été du même avis. Il a estimé que les employés avaient droit à leurs propres opinions, mais que la preuve était incontestable que le Conseil d’administration n’avait pas pris la décision de réduire le dividende jusqu’au jour où il en a effectivement fait l’annonce. Il a aussi conclu qu’il n’y avait eu aucun « changement important », car ni la réduction du dividende, ni les événements la précédant ne pouvaient proprement être considérés comme un changement dans les « activités commerciales, l’exploitation ou le capital » de l’entreprise.

Recours en vertu de la common law

Le juge Belobaba a également refusé d’autoriser les recours présentés par les demandeurs en vertu du régime de la common law pour fausses représentations. 

Son analyse, étayée par la déclaration de la Cour d’appel dans l’affaire Bayens c. Kinross voulant qu’« en règle générale, les recours pour représentations fausses ou négligentes en matière de valeurs mobilières en vertu de la common law ne sont pas appropriés pour certification » [TRADUCTION], était axée sur la nature individuelle de la cause d’action des recours. Il a conclu que la Cour d’appel avait bien fait, à son avis, de définitivement mettre fin à une utilisation ultérieure de la théorie fondée aux États-Unis de l’efficience des marchés/fraude sur les marchés pour établir la présumée cause d’action dans le cadre d’un recours pour représentations fausses ou négligentes. De plus, le juge Belobaba a fait valoir (citant encore une fois l’affaire Bayens) que « d’autoriser les recours en vertu de la common law alors que les mécanismes de protection des entreprises et des actionnaires prévus dans la disposition relative à l’autorisation de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario ne peuvent être utilisés rendrait la procédure de recours [statutaire] et la disposition relative à l’autorisation superflues » [TRADUCTION] .

Il a également conclu que le refus d’autoriser le recours statutaire était un facteur pertinent pour déterminer si les exigences de certification étaient satisfaites. En raison du fait que les recours en common law reposaient sur les mêmes éléments de preuve que ceux statutaires, il s’est avéré que ces recours n’avaient pas plus de possibilités raisonnables de succès. Pour ces motifs, le juge Belobaba a conclu qu’« imposer aux parties et aux tribunaux un recours collectif complexe voué à l’échec ne favorise ni l’économie des ressources judiciaires, ni l’accès à la justice. En conséquence, le recours collectif n’est pas la procédure à privilégier » [TRADUCTION].

Conclusion

La décision dans l’affaire Atlantic Power s’inscrit dans une importante tendance jurisprudentielle positive pour les émetteurs, les administrateurs et les dirigeants en ce qui a trait aux recours en matière de valeurs mobilières sur le marché secondaire. Ces décisions témoignent du sérieux avec lequel les tribunaux canadiens prennent leurs rôles de gardien dans le filtrage des recours sans mérite. L’affaire Atlantic Power met également en lumière l’utilité, dans les cas appropriés, de contester des demandes d’autorisation avec des preuves substantielles, permettant ainsi au tribunal de donner suite à la directive de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Theratechnologies selon laquelle les critères d’autorisation devraient servir de « mécanisme de filtrage dissuasif musclé ».


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