Comment se préparer à la conformité avec la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif

11 minutes de lecture
01 avril 2015

S’alignant sur la tendance mondiale consistant à promouvoir la transparence des déclarations au sein du secteur extractif, le premier ministre du Canada a annoncé en juin 2013, l’intention du gouvernement de mettre en œuvre un régime de déclaration obligatoire visant les paiements versés par des entreprises canadiennes du secteur extractif au gouvernement canadien et à des gouvernements étrangers. L’objectif de cette initiative est d’harmoniser les exigences du Canada en matière de rapports avec celles des États-Unis (Dodd Fran Act) et de l’Union européenne (Directive sur la transparence et la responsabilité) en vue d’éliminer la duplication des rapports à produire dans différentes juridictions et de réduire le fardeau administratif des entreprises, et par la même occasion, de consolider encore davantage la réputation du Canada en tant que chef de file en matière de transparence, de responsabilité et de bonne gouvernance dans le secteur extractif1.

Afin de concrétiser son engagement à cet égard, le gouvernement canadien a présenté le 23 octobre 2014, la Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif (la « Loi ») pour la première lecture à la Chambre des communes2. La Loi a reçu la sanction royale le 16 décembre 2014. Bien que la date d’entrée en vigueur de la Loi n’ait pas encore été précisée, le gouvernement a exprimé son intention d’adopter cette dernière d’ici le mois d’avril 20153. Compte tenu de l’imminence de la date butoir, nous présenterons ci-après un résumé des dispositions clés de la Loi et suggérerons certaines mesures à prendre afin de se préparer à s’y conformer.

Dispositions clés

L’objet de la Loi est de lutter contre la corruption par la prise de mesures favorisant la transparence et imposant l’obligation de faire état des paiements versés par des entités s’adonnant à l’exploitation commerciale de pétrole, de gaz ou de minéraux au Canada ou à l’étranger4. Ces mesures visent à décourager et à détecter toute forme de corruption visée par la Loi, notamment les pots-de vin versés par des entités du secteur extractif à un gouvernement ou à une autorité gouvernementale quelconque.

La Loi s’applique à toute entité du secteur extractif dont les actions ou titres de participation sont inscrits à une bourse de valeurs canadienne. En outre, les entités ayant un établissement au Canada, y exerçant des activités ou y possédant des actifs sont également assujetties à la Loi, si ces entités remplissent au moins deux des conditions suivantes pour au moins l’un de leurs deux derniers exercices financiers: (i) posséder des actifs d’une valeur d’au moins 20 millions de dollars; (ii) générer des revenus d’au moins 40 millions de dollars; (iii) employer en moyenne au moins 250 employés5.

Aux termes de la Loi, dans les cent cinquante jours suivant la fin de ses exercices, l’entité est tenue de déclarer les paiements d’une même catégorie qu’elle a versés à un seul et même bénéficiaire au cours de cet exercice, et ce, que le bénéficiaire soit le gouvernement du Canada ou celui d’un autre pays, un conseil, une commission, une fiducie, une société ou un organisme établi en vue d’exercer des attributions publiques, ou tout autre bénéficiaire désigné par règlement, si le montant total de ladite catégorie de paiement excède 100 000 $ ou un autre montant prescrit par règlement6.

Afin de fournir plus de clarifications quant à l’obligation de déclaration, la Loi prévoit que constitue un « paiement » tout paiement en espèces ou en nature versé en lien avec des activités d’exploitation commerciale de pétrole, de gaz ou de minéraux. Les catégories de paiement se divisent comme suit : taxes (à l’exclusion des taxes à la consommation et des impôts sur le revenu des particuliers); redevances; frais, contrepartie relative à une licence, à un permis ou à une concession; droits découlant de la production; primes, notamment primes de signature et primes liées à la découverte de gisements ou à la production; dividendes (à l’exclusion des dividendes payés à titre d’actionnaire ordinaire d’une entité); paiements pour l’amélioration d’infrastructures; ou toute autre catégorie de paiement prévue par règlement7.

En plus du rapport, une attestation doit également être fournie, et ce par un dirigeant ou administrateur de l’entité ou par un vérificateur ou comptable indépendant afin de démontrer que les renseignements divulgés dans le rapport sont exacts et complets8. De plus, l’entité doit conserver pendant une période de sept ans les documents relatifs aux paiements qu’elle a faits, ou pour la durée de toute autre période prescrite par règlement9, et mettre à la disposition du public le rapport et les renseignements nécessaires de la manière prescrite par le gouvernement, et ce, pour une période de cinq ans, ou pour la durée de toute autre période prévue par règlement10.

Le fait d’omettre de se conformer aux obligations de déclaration, ou à une ordonnance du gouvernement prescrivant la prise de mesures correctives peut entraîner des pénalités considérables. En effet, l’entité, qui sciemment, fait une déclaration fausse ou trompeuse ou fournit un renseignement faux ou trompeur, ou structure ses paiements dans l’intention de se soustraire à l’obligation de faire rapport sera reconnue coupable d’une infraction sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et sera passible d’une amende maximale de 250 000 $11.

Comment se préparer à la conformité avec la Loi12

Le gouvernement a annoncé son intention d’adopter la Loi d’ici avril 2015 et d’établir des normes de déclaration obligatoire d’ici juin 201513. La Loi prévoit une période transitoire; plus précisément, la Loi ne s’applique pas à l’exercice en cours à la date d’entrée en vigueur de l’obligation de déclaration, ni à tout exercice antérieur14. En outre, en ce qui a trait aux paiements versés à des groupes autochtones, la Loi prévoit un délai de deux ans suivant l’entrée en vigueur de l’obligation de déclaration15. Malgré cette période de transition, les entités assujetties à la Loi devraient tenir compte des pratiques suivantes afin de se préparer à l’entrée en vigueur de celle‑ci :

  • Tenir un registre des paiements pertinents versés à un gouvernement du Canada ou d’un autre pays, ainsi qu’à un conseil, une commission, une fiducie, une société ou un organisme établi en vue d’exercer des attributions publiques, ou à tout autre bénéficiaire désigné par règlement;
  • Procéder à la vérification des registres de paiements afin de s’assurer que les renseignements qui y figurent sont exacts et complets; même s’il n’est pas obligatoire de faire vérifier le rapport par un vérificateur indépendant, ce qui peut en soi réduire les coûts liés aux mesures de conformité. Il est néanmoins suggéré de respecter les normes de comptabilité afin de diminuer le risque de pénalités;
  • Procéder à la mise à jour des politiques et procédures afin que celles-ci reflètent le seuil fixé quant à l’obligation de déclaration (soit 100 000 $). Par exemple, il pourrait être nécessaire de réviser les dispositions d’une convention d’actionnaires ou les règlements administratifs portant sur le pouvoir des dirigeants d’effectuer des paiements sans le consentement des actionnaires;
  • Respecter les obligations de déclaration imposées par d’autres autorités compétentes; la Loi autorise la substitution des exigences imposées par le gouvernement canadien quant aux rapports sur les paiements en question à celles d’une autre autorité compétente ayant adopté des normes semblables, pourvu que les autres conditions imposées par le gouvernement canadien soient également respectées16
  • Demeurer à l’affut des règlements adoptés par le gouvernement canadien en lien avec la Loi, car ce dernier disposera de nombreux moyens de clarifier les obligations de déclaration, notamment par le truchement de règlements17;
  • Suivre les nouvelles publiées par les organismes de réglementation en valeurs mobilières provinciaux, car le gouvernement estime que le scénario idéal serait de mettre en œuvre les normes de déclaration obligatoire par l’entremise de ces organismes18;
  • Exercer toutes les mesures raisonnablement prudentes afin qu’une entité visée par la Loi qui serait poursuivie pour une infraction en vertu de celle-ci, puisse invoquer la défense de diligence raisonnable prévue aux termes de la Loi.19

1 Document de consultation du gouvernement fédéral, en ligne (date de la dernière consultation, le 27 mars 2015) (le « document de consultation »)

2 L.C. 2014, c. 39, art. 376 (la « Loi »)

3 Le document de consultation, précité.

4 La Loi, préc., art. 6.

5 Ibid, art. 8(1).

6 Ibid, art. 9(2).

7 Ibid, art. 2.

8 Ibid, art. 9(5).

9 Ibid, art. 13.

10 Ibid, art. 12.

11 Ibid, art. 24.

12 Ce qui suit ne constitue pas une opinion juridique.

13 Le document de consultation, précité.

14 La Loi, précitée, art. 30.

15 Ibid, art. 29.

16 Ibid, art. 10. 

17 Ibid, art. 23.

18 Ressources naturelles Canada, Déclaration obligatoire dans le secteur canadien de l’extraction, en ligne (date de la dernière visite, le 1er avril 2015)

19 La Loi, préc., art. 26(b).


CECI NE CONSTITUE PAS UN AVIS JURIDIQUE. L'information qui est présentée dans le site Web sous quelque forme que ce soit est fournie à titre informatif uniquement. Elle ne constitue pas un avis juridique et ne devrait pas être interprétée comme tel. Aucun utilisateur ne devrait prendre ou négliger de prendre des décisions en se fiant uniquement à ces renseignements, ni ignorer les conseils juridiques d'un professionnel ou tarder à consulter un professionnel sur la base de ce qu'il a lu dans ce site Web. Les professionnels de Gowling WLG seront heureux de discuter avec l'utilisateur des différentes options possibles concernant certaines questions juridiques précises.

Sujet(s) similaire(s)   Droit minier

Articles et ressources similaires

Mandats représentatifs
26 avril 2024 Kinross Gold makes strategic investment in AbraSilver
Mandats représentatifs
17 avril 2024 Rio2 closes $23 million offering