Une protection contre les saisies : interprétation de l’article 89(1) de la Loi sur les Indiens

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21 décembre 2017

Corporation de développement économique montagnaise c. Édouard Robertson, 2017 QCCS 2736

Le 19 juin 2017, la Cour supérieure du Québec (« la Cour ») a rendu une décision relative à la protection contre les saisies prévue par la Loi sur les Indiens (« la Loi ») [1]. Le défendeur, M. Robertson, un Indien au sens de la Loi, s’oppose à trois jugements rendus contre lui par la Cour du Québec et la Cour supérieure ordonnant une saisie de ses revenus ainsi que de ses biens mobiliers situés sur la réserve de Mashteuiatsh, au Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les condamnations totalisent une somme de plus de 265 000$ avec les intérêts et les frais. Selon la Cour, la partie défenderesse, la Corporation de développement économique montagnaise (« CDEM »), ne peut être qualifiée d’Indien ni de bande indienne au sens de la Loi.

En mars 2015, un avis d’exécution forcée est déposé par la CDEM afin de saisir les biens de M. Robertson, laquelle saisie est effectuée en avril 2015. Parallèlement, la CDEM procède également à une saisie en main tierce auprès de l’employeur de M. Robertson, soit la Société de développement économique iInu.

M. Robertson s’oppose à ces deux saisies au motif qu’elles sont irrégulières, illégales et nulles en vertu de l’article 89(1) de la Loi qui prévoit l’insaisissabilité des biens situés sur les réserves. La CDEM, pour sa part, ne conteste pas l’opposition à la saisie en main tierce, mais prétend qu’en consentant une hypothèque mobilière sur l’universalité des biens de son commerce, celui-ci renonce au bénéfice des droits que lui confère l’article 89(1) de la Loi.

En l’espèce, il s’agit de savoir si un Indien inscrit peut renoncer à la protection contre les saisies conférée par l’article 89(1). En 1995, dans l’affaire Sioui [2], le juge Paul Vézina, sans toutefois fermer la porte à une renonciation expresse, précise qu’il est impossible d’y renoncer lorsque la renonciation est tacite. En 2006, dans l’arrêt McDiarmid Lumber Ltd c. God’s Lake First Nation [3], la Juge en chef McLachlin conclut que le législateur, par l’entremise de l’article 89(1), n’a pas voulu exempter les biens des Indiens en général, laissant ainsi sous-entendre que dans certains cas, notamment en matière de crédit, il pourrait y avoir exécution par un créancier contre les biens d’un Indien.

Dans le cas qui nous occupe, la Cour conclut qu’il n’y a aucune renonciation claire et non équivoque de la part de M. Robertson à la protection contre les saisies prévues par la Loi. Ceci étant, l’hypothèque mobilière sur l’universalité des biens consentie est insuffisante pour constituer une renonciation puisqu’elle ne contient aucune renonciation expresse. Les oppositions aux deux saisies sont donc accueillies par la Cour.


[1]              Loi sur les Indiens, L.R.C., 1985, ch-I-5.

[2]              Sioui (Syndic) (Re) 42 C.B.R. (3d) 181 (C.S. Québec).

[3]              McDiarmid Lumber Ltd. c. Première Nation de God’s Lake, [2006] 2 R.C.S. 846.


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