Signatures électroniques : Pas de panique, elles sont bel et bien là!

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24 avril 2018

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L’ampleur et le rythme des changements au sein de notre monde de plus en plus numérique et électronique sont tels que même un domaine très traditionnel comme le droit n’a pu y demeurer indifférent. En effet, on note une tendance marquée dans le secteur juridique à reconnaître les transactions électroniques conclues et signées par des moyens autres que la bonne vieille méthode du stylo et papier. Par exemple, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a tranché que la négociation d’une entente par voie d’échange de courriels était bel et bien juridiquement contraignante, malgré le fait qu’aucun contrat n’avait été signé1. De plus, il existe maintenant des réglementations habilitant les transactions électroniques en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario (les « Lois sur le commerce électronique »)2, ainsi que dans d’autres provinces, qui facilitent la conclusion de transactions par des moyens non traditionnels.

Il n’est pas toujours nécessaire d’obtenir une signature pour conclure une entente juridiquement contraignante. Mais que faire si la loi établit une exigence particulière selon laquelle une entente ou une obligation conclue créée électroniquement doit être signée pour être exécutoire? Au sens large, l’expression « signature électronique » telle que définie dans les lois sur le commerce électronique s’avère utile ici3. Cette définition comprendrait une signature « traditionnelle » numérisée quant à la plupart des ententes envoyées par courrier électronique ou autres moyens similaires, mais dans son acception plus vaste (d’aucuns diraient vague ou ambiguë), elle s’est avérée inclure d’autres formes qui ne ressemblent en rien à une signature traditionnelle. Par exemple, dans chacun des cas présentés ci-dessous qui nécessitaient une signature sur le plan juridique, la cour a estimé qu’un courriel comportant le nom de l’expéditeur suffisait à titre de signature :

  • Une reconnaissance de dette suffisante pour prolonger un délai de prescription a été jugée comme comportant la signature électronique requise du simple fait de courriels affichant le nom du débiteur, le nom de l’entreprise, le titre et les coordonnées envoyés par le débiteur à l’un des deux créanciers4.
  • Dans le cadre de la séparation d’un couple non marié ayant accepté de transférer l’intérêt de l’un d’eux dans la résidence principale à l’autre, un échange de courriels entre eux contenant le prénom de la personne effectuant le transfert a suffi pour satisfaire l’exigence réglementaire voulant que l’entente écrite visant le transfert d’un bien soit signée par l’auteur du transfert5
  • Un courriel envoyé et contenant le nom de l’un des deux débiteurs aux termes d’un billet à ordre a suffi pour être reconnu comme une reconnaissance de dette signée, de même qu’à prolonger le délai de prescription aux termes du billet6.

Cependant, malgré la facilité avec laquelle il semble possible de créer des ententes et des signatures par voie électronique ne signifie pas pour autant que les prêteurs devraient modifier leurs pratiques et procédures de conclusions d’ententes expresses attestées au moyen de signatures traditionnelles, qu’elles soient à l’encre fraîche ou (le cas échéant) numérisées. Par ailleurs, les lois sur le commerce électronique stipulent qu’elles ne s’appliquent pas à certains types de transactions ou de conventions, comme des instruments négociables (lesquels comporteraient plusieurs billets à ordre) et certaines procurations. De plus, prouver, dans le cadre de toute affaire, qu’une entente ou toute autre obligation a été conclue ou signée au moyen d’un échange de courriels ou autres moyens similaires est de nature factuelle, et peut exiger de prouver que l’autre partie avait bel et bien l’intention de signer un document exécutoire. Et pour ce faire, il faudra presque inévitablement engager une procédure judiciaire, mesure qui pourrait s’avérer chronovore et onéreuse et dont l’issue pourrait être imprévisible. La possibilité de faire valoir qu’une entente ou autre obligation contraignante avait été conclue et signée au moyen d’un échange de courriels ou autres moyens similaires s’avère un outil utile pour les prêteurs dans des circonstances particulières lorsqu’une signature est exigée, mais qu’aucune entente expresse signée ou autre document n’a été obtenu. Dans ces cas-là, il ne faut pas désespérer, il se peut bien qu’il y ait une signature même si vous n’avez rien devant les yeux qui s’y apparente. Mais en attendant que ce type de circonstances survienne, il reste que la procédure idéale à suivre consiste encore à obtenir une copie papier dûment signée d’une entente ou autre document au dossier, ou une entente signée numérisée ou un document accessible par voie électronique. Parfois, il vaut toujours mieux s’en remettre aux bonnes méthodes traditionnelles.

 

1 Vancouver Canucks Limited Partnership v. Canon Canada Inc., 2015 BCCA 144.
2 La Electronic Transactions Act (C.-B.), la Electronic Transactions Act (Alberta) et la loi de 2000 sur le commerce électronique (Ontario).
3 Par exemple, la Electronic Transactions Act (C.-B.) stipule : « une “signature électronique” est une information sous forme électronique qu’une personne a créée ou adoptée en vue de conclure une entente, qui est contenue ou jointe ou associée à l’entente » [TRADUCTION].
4 Johal v. Nordio, 2017 BCSC 1129
5 Leoppky v. Meston, 2008 ABQB 45
6 Lev v. Serebrennikov, 2016 ONSC 2093


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