Est-ce que votre licence ou votre entente de distribution constitue vraiment une franchise?

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26 février 2018

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Beaucoup de gens associent le franchisage aux chaînes de restauration rapide et aux cafés-bars bien connus que l’on retrouve partout dans le monde. Mais vous seriez surpris d'apprendre que plusieurs des fournisseurs dont vous achetez souvent les produits et services sont des franchisés. En fait, le recours au franchisage en tant que moyen de distribution de produits et services est répandu dans tous les secteurs, tant dans le « commerce grand public » que dans le « commerce entre entreprises ».

Mais ce qui est peut-être plus surprenant, c’est qu'une simple licence ou entente de distribution peut constituer une franchise aux termes des lois provinciales sur les franchises, de sorte que le concédant ou distributeur est assujetti à l'obligation stricte de divulgation de l'information préalablement à la vente et peut être visé par des recours substantiels s’il manque à ces obligations.

Les provinces de l'Ontario, de l’Alberta, du Manitoba, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et de la Colombie-Britannique ont chacune promulgué une loi concernant expressément les franchises qui exige, entre autres, qu’un franchiseur fournisse de l’information préalable aux franchisés éventuels. L’objet de la législation est de s'assurer qu'un franchisé éventuel détient les renseignements nécessaires pour prendre une décision éclairée relativement à son investissement afin de protéger ses propres intérêts ainsi que ceux des entités qui sont déjà parties à une relation de franchisage.

La législation et, en particulier, l’obligation de divulgation imposée aux franchiseurs, ont été interprétées de façon large par les tribunaux afin d’établir des « règles de jeu équitables » et de gérer le rapport de pouvoir perçu comme étant déséquilibré dans la relation franchiseur-franchisé. La législation prescrit les renseignements que doit contenir un document d’information devant être fourni à un franchisé éventuel au moins 14 jours avant : (i) la signature par ledit franchisé éventuel du contrat de franchisage ou de toute autre entente relative à la franchise; et (ii) le versement d’une contrepartie, par le franchisé éventuel ou en son nom, au franchiseur ou à la personne qui a un lien avec lui relativement à la franchise.

QU'EST-CE QU’UNE « FRANCHISE »?

La définition de « franchise » est définie de manière large et il arrive qu’elle englobe par inadvertance des ententes de distribution ou relatives à une licence qui, aux yeux des parties, n’étaient pas destinées à constituer une franchise, peu importe en quoi consiste ce que lesdites parties considéraient au départ comme étant leur arrangement commercial. Cette notion est notamment définie comme suit dans la législation ontarienne concernant les franchises :

[Par « franchise », on entend le] droit de se livrer à une activité commerciale à l’égard de laquelle le franchisé est tenu, par contrat ou autrement, de verser ou de s’engager à verser, directement ou indirectement, un paiement ou des paiements périodiques au franchiseur ou à la personne qui a un lien avec lui, dans le cadre de l’exploitation de l’activité commerciale ou comme condition de l’acquisition de la franchise ou du commencement de son exploitation, selon lequel droit :

a) soit :

  1. (i) d’une part, le franchiseur concède au franchisé le droit de vendre, de fournir, de mettre en vente, d’offrir ou de distribuer des biens ou des services qui sont essentiellement associés à la marque de commerce, à l’appellation commerciale, au logo, à un symbole publicitaire ou autre symbole commercial (…),
  2. (ii) d’autre part, le franchiseur ou la personne qui a un lien avec lui a le droit d’exercer ou exerce un contrôle important sur le mode d’exploitation du franchisé, notamment la conception et l’ameublement du bâtiment, les emplacements, l’organisation de l’activité commerciale, les techniques de commercialisation ou la formation, ou a le droit de lui apporter ou lui apporte une aide importante à cet égard;

b) soit :

  1. (i) d’une part, le franchiseur ou la personne qui a un lien avec lui concède au franchisé des droits de représentation ou de distribution, que cela fasse ou non intervenir une marque de commerce, une appellation commerciale, un logo ou un symbole publicitaire ou autre symbole commercial, en vue de vendre, de fournir, de mettre en vente, d’offrir ou de distribuer les biens ou les services fournis par le franchiseur ou un fournisseur qu’il désigne,
  2. (ii) d’autre part, le franchiseur, la personne qui a un lien avec lui ou un tiers qu’il désigne apporte son aide relativement à l’emplacement, notamment pour obtenir des points de vente ou des clients de détail pour les biens ou les services à vendre, à fournir, à mettre en vente, à offrir ou à distribuer, ou pour obtenir des emplacements ou des lieux pour installer les distributeurs automatiques, îlots de vente ou autres présentoirs de vente des produits qu’utilise le franchisé.

La définition figurant à l’alinéa a) ci-dessus correspond à la forme d'entreprise franchisée la plus connue et la plus commune, soit celle de la « franchise de reproduction », alors que la définition énoncée à l’alinéa b) s'applique à ces arrangements qui sont communs dans le cas des distributrices.  

La franchise de reproduction comporte trois éléments clés qui, lorsqu’ils sont prévus dans un arrangement commercial, ont pour effet de constituer cet arrangement en franchise en vertu de la loi correspondante :

  • un élément de paiement, qu’il soit direct ou indirect, initial ou continu*;
  • une association à une autre marque de commerce ou symbole commercial; et
  • l’exercice d’un contrôle important sur le mode d’exploitation du franchisé ou la fourniture d’une aide importante à cet égard.

*Il est à noter que toutes les lois provinciales concernant les franchises, à part celle de l’Ontario, prévoient que l’élément de paiement n’englobe pas le « paiement par le franchisé d'une quantité raisonnable de produits ou services à un prix de gros raisonnable » [traduction]. Une exemption comparable prévue par la loi ontarienne s’appliquant aux franchises devrait entrer en vigueur sous peu.

Par conséquent, tant qu’il y aura un paiement d’une certaine contrepartie et un élément de contrôle ou d’aide, tout arrangement commercial faisant intervenir la vente ou la distribution de produits ou services associés à une autre marque de commerce ou marque peut constituer une « franchise ». La législation ne contient aucune indication quant à ce qui pourrait être considéré comme une aide ou un contrôle « important ». Quoi qu'il en soit, cela comprendrait toute obligation imposée à un titulaire de licence ou un distributeur relativement à l’exploitation de l’entreprise autorisée ou en vertu de l'entente de distribution et qui s’ajouterait à celles liées à l’utilisation et la protection de marques de commerce ou à la formation exigée relativement à l’utilisation de l’équipement ou d'autres produits distribués.

Si l’on détermine que la licence ou l’entente de distribution constitue une franchise, cet accord sera assujetti à la législation concernant les franchises et le concédant ou franchiseur aura l’obligation de divulguer de l'information préalablement à la vente en conformité avec cette législation.

Certains recours extraordinaires s’offrent à un franchisé si cette obligation n’est pas remplie. Si l’information préalable n’est pas fournie ou que cette information est pour l’essentiel inadéquate au regard des exigences législatives, un franchisé peut résilier l’accord de franchise pendant deux ans après l'avoir signé, ce qui obligera le franchiseur à rembourser tous les frais payés par le franchisé, à lui racheter les fournitures, l’équipement et les stocks au prix qu’il les a payés et à l’indemniser de toute perte qu’il aurait subie en acquérant, en mettant sur pied et en exploitant son entreprise.  La loi habilite aussi les franchisés à déposer une demande de règlement contre le franchiseur et d'autres entités ayant participé à l’octroi de la franchise à titre personnel, et ce, pour cause de fausse présentation des faits ou de non-respect des exigences en matière de divulgation. 

Les tribunaux ont interprété l’obligation de divulgation de manière stricte, en faveur des franchisés, afin de se conformer à l’objet de la législation. De plus, tous les franchisés éventuels ont droit à la même information, peu importe leur statut ou leur niveau de connaissance de l’entreprise, et il n'est pas possible de « se soustraire » à l’application de la législation.

Au Canada, les concédants et distributeurs devraient consulter leurs conseillers professionnels afin de déterminer si les arrangements qu’ils proposent sont visés par la définition de « franchise » ou pour apprendre comment structurer ces arrangements de manière à ce qu’ils ne soient pas considérés comme des franchises.


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