Offre d’achat/promesse de vente : quels sont vos recours à l’encontre d’un cocontractant récalcitrant?

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19 septembre 2018

Une offre d’achat d’une propriété immobilière représente tant du côté du vendeur que du côté de l’acheteur, une étape cruciale dans le processus d’achat. Ainsi, d’un côté comme de l’autre, la signature d’une offre d’achat signifie, en principe, la volonté de concrétiser la vente.



Or, bien qu’ayant signé l’offre, et donc consenti aux conditions prévues, il peut arriver que l’une des parties, le vendeur ou l’acheteur, soit prise de doutes et d’hésitations et ne souhaite finalement plus acheter ou vendre le bien immobilier faisant l’objet de l’offre. Cependant, il est important de prendre conscience du fait que la signature d’une offre d’achat n’est pas un acte sans conséquence. En effet, le droit contractuel québécois est soumis au principe du respect de la parole donnée et de l’exécution de bonne foi des engagements[1]. Il est donc possible pour la partie lésée par ce changement d’avis d’instituer certains recours qu’il convient de présenter.

Au Québec, il existe deux recours principalement utilisés face à ce type de situation. Premièrement, la partie récalcitrante peut être forcée à vendre ou acheter, et ce, lorsque certaines conditions énoncées plus en détail ci-dessous sont remplies. Il s’agit du recours appelé action en passation de titre (I).

Deuxièmement, il est également possible de demander une compensation monétaire pour les inconvénients et préjudices subis suite au refus d’une des parties à l’offre de procéder à la vente ou l’achat de l’immeuble. Il s’agit alors de demander des dommages et intérêts compensatoires (II).

L’action en passation de titre : l’exécution forcée de la vente ou de l’achat

Le fondement de l’action en passation de titre se trouve dans la notion même de l’offre de contracter, telle que définie à l’article 1396 du Code civil du Québec. Ce dernier prévoit qu’une telle offre, lorsque acceptée, oblige son bénéficiaire à conclure le contrat.

Le corollaire de cette obligation se retrouve à l’article 1712 du Code civil du Québec, lequel prévoit que « le défaut par le promettant vendeur ou le promettant acheteur de passer titre confère au bénéficiaire de la promesse le droit d’obtenir un jugement qui en tienne lieu ». Ainsi, dans le cas particulier du refus de finaliser la vente ou l’achat d’une propriété par l’un des cocontractants, l’autre peut obtenir un jugement qui ordonnera « la passation de titre » soit le fait de transférer la propriété du vendeur vers l’acheteur. Cette exécution forcée est également appelée exécution « en nature » puisqu’il s’agit finalement de contraindre le cocontractant récalcitrant à s’exécuter selon les termes convenus dans l’offre, et ce, malgré tout changement d’avis de sa part.

Cependant, pour obtenir un tel jugement, il faut avant tout établir l’existence d’une promesse de vente valide et exécutoire : la personne qui cherche à forcer la vente doit démontrer qu’une offre a été conclue et que les conditions dont elle est assortie ont été remplies.

Une fois que cette condition préliminaire est remplie, la jurisprudence est venue établir quatre conditions à respecter pour espérer obtenir la vente forcée[2]. Il s’agit :

  • de transmettre une mise en demeure formelle à la partie récalcitrante de finaliser la vente;
  • de présenter un acte de vente conforme à la promesse;
  • d’offrir et de consigner le prix de vente indiqué à la promesse;
  • d’intenter l’action en passation de titre dans un délai raisonnable.

Ces conditions ont reçu une interprétation large et libérale, le formalisme rigoureux autrefois appliqué ayant laissé place à la créativité et la souplesse[3].

Ainsi, la mise en demeure n’est pas toujours requise, l’institution de l’action en passation de titre pouvant elle-même constituer une mise en demeure suffisante[4]. Le fait de devoir présenter un projet d’acte de vente conforme à la promesse a également été assoupli. Le tribunal, faisant preuve de flexibilité, pourra par exemple ordonner la correction d’erreurs minimes, dans la mesure où elles ne remettent pas en cause le consentement des parties[5].

Quant à l’offre et la consignation du prix de vente par le demandeur qui cherche à obtenir la passation de titre, elles peuvent être faites en monnaie ayant cours légal au Québec, au moyen d’un chèque établi à l’ordre du créancier et certifié par un établissement financier exerçant son activité au Québec, ou encore par la présentation d’un engagement irrévocable, inconditionnel et à durée indéterminée, pris par un établissement financier ayant son activité au Québec, de verser au créancier la somme faisant l’objet des offres[6].

Enfin, la condition relative au délai raisonnable dans lequel l’action doit être instituée a été établie pour permettre au cocontractant qui refuse de s’exécuter de savoir rapidement s’il sera contraint devant les tribunaux d’acheter ou de vendre l’immeuble.

Lorsque toutes les conditions sont remplies, le jugement qui accueille l’action en passation de titre fait en sorte de transférer le titre de propriété de l’immeuble en cause du vendeur vers l’acheteur, et ce, selon les modalités qui étaient prévues à l’offre d’achat puis à l’acte de vente présenté au soutien de la demande en passation de titre. Ce recours est donc très efficace et assure la stabilité des contrats conclus entre deux parties. Il s’agit d’un recours pour lequel chaque cas représente un cas d’espèce et le tribunal prend soin d’analyser toutes les circonstances ayant entouré à la fois la signature de l’offre et l’institution du recours en passation de titre.

Mais que l’action en passation de titre soit accueillie ou non, il est toujours possible de demander soit subsidiairement, soit concurremment, des dommages et intérêts.

La demande en dommages et intérêts : exécution par équivalent

Le fait de ne pas finaliser la vente crée de nombreux inconvénients et dommages pour le cocontractant lésé. C’est pourquoi celui qui refuse de s’exécuter engage sa responsabilité pour le préjudice moral ou matériel qu’il cause ainsi à son cocontractant[7].

En effet, de nombreux préjudices peuvent découler du fait de refuser impunément de concrétiser l’offre d’achat. Il peut s’agir notamment : du paiement des honoraires du notaire, de frais bancaires, du temps passé à obtenir une garantie bancaire, des pertes de profit, des inconvénients liés au déménagement ou encore des frais engagés pour conserver l’immeuble en attendant que la vente se concrétise.

Les dommages et intérêts ont une fonction compensatoire, visant à réparer le préjudice subi, et ne peuvent donc pas permettre à celui qui les demande de s’enrichir. Ainsi, ils compensent uniquement la perte subie et le gain dont la personne a été privée[8] et en matière contractuelle seuls ceux qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir au moment où l’obligation a été contractée sont dus. De plus, il ne faut pas que ces dommages résultent de la faute intentionnelle ou lourde de celui qui les demande.

Enfin, il convient d’instituer le recours en dommages et intérêts dans un délai maximal de trois ans, démarrant à compter du jour où le préjudice moral ou matériel se manifeste pour la première fois[9], et ce, sous peine de prescription.

Conclusion

Le fait de signer une offre d’achat ou une promesse de vente n’est pas un acte dénué de sens et sans conséquence. En effet, il s’agit d’un engagement formel de la part tant du vendeur que de l’acheteur de finaliser la transaction dont les termes ont été convenus et consentis dans l’offre. Le défaut d’un des cocontractants de s’exécuter engage donc la responsabilité de ce dernier qui pourrait se voir forcer de finaliser la vente par l’institution d’une action en passation de titre. Il pourrait également être tenu à verser des dommages et intérêts au cocontractant lésé pour couvrir les préjudices subis par ce dernier du fait de son comportement récalcitrant.

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[1] Houlachi c. Bray, 1997 CanLII 10151 (QCCA).

[2] Théberge c. Duquette, 2007 QCCA 42 (CanLII).

[3] Houlachi c. Bray, 1997 QCCA10151 (CanLII).

[4] Habitations Germat inc. c. Giove, 2010 QCCA 611 (CanLII).

[5] Ferme Pierre Laflamme et Fils c. Laflamme, 2014 QCCS 2941 (CanLII).

[6] Article 1574 du Code civil du Québec.

[7] Article 1458 du Code civil du Québec.

[8] Article 1611 du Code civil du Québec.

[9] Article 2925 et 2926 du Code civil du Québec.


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