L’avenir des infrastructures aux États-Unis : le plan de Trump

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25 avril 2018

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Le lundi 12 février dernier, le président Trump a présenté son plan en matière d’infrastructures intitulé Legislative Outline for Rebuilding Infrastructure in America (le « Plan ») au Congrès.[1] Le Plan vise à combler l’insuffisance croissante en matière de dépenses en infrastructures, principalement en utilisant l’argent fédéral pour créer des incitatifs aux dépenses auprès des États et du secteur privé. Cependant, des doutes planent quant au succès du Plan tel qu’il est prévu par la Maison Blanche, et quant à son acceptation par le Congrès.

Les détails financiers

Les dépenses publiques consacrées aux infrastructures ont connu une baisse marquée depuis la crise financière mondiale de 2008. À l'époque, le gouvernement fédéral américain était intervenu pour venir en aide aux États et aux municipalités à court d'argent. Les dépenses publiques ont culminé à 2,2 % du PIB rajusté selon l'inflation en 2009; à la fin de l'année dernière, elles étaient en baisse et s'établissaient à environ 1,6 %[2]. Le président Trump a indiqué à plusieurs reprises pendant la campagne présidentielle qu'il renverserait cette tendance.

Le plan constitue la tentative du président Trump de remplir cette promesse, en reconnaissant l'état actuel des infrastructures américaines, qui nécessitent beaucoup d'attention, quelle que soit l'option politique[3]

Le plan, que le gouvernement a qualifié de point de départ des négociations avec le Congrès, appelle à investir 200 G$ en fonds fédéraux dans des projets d'infrastructures, ce qui devrait créer des investissements atteignant 1,5 T$ au cours de la prochaine décennie[4]. La moitié de cette somme prend la forme d'incitations pour que les États établissent leurs propres projets d'infrastructures. Toutefois, le gouvernement fédéral n'investirait que 20 % ou moins dans ces projets, en laissant aux États le soin de trouver d'autres sources de revenus, comme imposer des péages plus élevés sur les routes.

Le plan vise essentiellement à renverser le rapport de financement de 80:20 entre le gouvernement fédéral et les États au chapitre des grands projets d'infrastructures. Plutôt que d'augmenter les dépenses publiques promises, le plan pourrait bien ne pas répondre aux attentes (ou du moins, ne pas susciter les investissements attendus des États), étant donné que de nombreux États ne sont pas en mesure d'augmenter leurs dépenses en infrastructures, même s'ils y sont fortement invités, en particulier ceux qui doivent déjà faire face à des déficits budgétaires. En 2017, 22 États présentaient de tels déficits selon le centre de réflexion indépendant, le Center on Budget and Policy Priorities (centre pour les priorités budgétaires et politiques à Washington D.C.), dont au moins 10 ont porté Donald Trump au pouvoir à l'élection de 2016[5].

Le plan prévoit le financement suivant[6] :

1. Octrois incitatifs – Une somme de 100 G$ (la moitié du total) visant à « amener les États, les municipalités et les entreprises privées à investir dans les infrastructures en offrant des incitatifs aux promoteurs de projets pour que ceux-ci adoptent des méthodes novatrices susceptibles de générer de nouvelles sources de revenus, de prioriser l'entretien, de moderniser les façons de faire en matière d'approvisionnement et de générer des gains sociaux et économiques ». [Traduction]

Les incitatifs seraient offerts à l'issue de concours.

Comme les critiques le font remarquer, cet aspect important du plan repose dans une grande mesure sur les investissements de l'État et sur les partenariats privés[7].

2. Octrois pour les infrastructures rurales selon une formule donnée – une somme de 50 G$ est demandée pour ce programme, qui ferait augmenter les investissements dans les infrastructures rurales, y compris le service Internet à large bande. Le financement fédéral serait mis à la disposition des États selon une « formule de distribution » qui tiendrait compte de la population rurale et du nombre de kilomètres de route, avec une prime basé sur le rendement des États dans le cadre de concours.

3. Projets de transformation – Une somme de 20 G$ visant à soutenir les « projets d'infrastructures novateurs et de transformation ». Le financement serait offert à l'issue d'un concours aux projets viables sur le plan des affaires, susceptibles de générer des revenus et comportant des avantages nets pour le public.

4. Programmes de crédit actuels – 14 G$. Cette mesure est elle aussi censée attirer des investissements.

5. Fonds renouvelable de la capitale fédérale – 10 G$. Ce fonds permettrait essentiellement l'achat des propriétés qui sont actuellement louées.

6. Obligations des activités privées – 6 G$. Ces obligations exonérées d'impôt sont émises par la municipalité ou l'État, ou pour le compte de ces derniers, dans le but de fournir des avantages de financement spéciaux pour des projets d'infrastructures publiques de base admissibles. La proposition prévoit l'élargissement de la définition de « projet d'infrastructure publique de base »; ces projets ne seraient pas assujettis à des plafonds de volume.

« Simplification » des études environnementales

Il est indiqué dans le plan que les études environnementales doivent avoir lieu dans un délai qui ne peut dépasser 21 mois. Le plan prévoit une modification de la manière dont le gouvernement mène des études environnementales, y compris la simplification de l'exigence énoncée dans la National Environmental Policy Act, et une réforme éventuelle de la Clean Water Act et de la Clean Air Act. La National Environmental Policy Act (la « NEPA ») stipule que les décisions des agences susceptibles d'avoir un impact sur l'air, l'eau ou les habitats naturels du pays soient prises après qu'une analyse scientifique de l'impact environnemental éventuel ait été effectuée. Le plan exigerait que le Conseil de la Maison Blanche sur la qualité environnementale adopte un règlement « simplifiant » le processus prévu dans la NEPA. Par exemple, l'EPA (la Environment Protection Agency, ou l’agence américaine de protection de l’environnement) pourrait ne plus être tenue de passer en revue les études des autres agences sur l'impact environnemental.

Le plan permettrait un usage plus fréquent des « exclusions catégoriques » (categorical exclusions), qui sont utilisées lorsque les représentants officiels sont d'avis que les activités proposées n'auront aucun impact sur l'environnement. En d'autres termes, ces activités ne seront soumises à aucune étude fédérale. Le plan atteindrait cet objectif en permettant aux agences d'emprunter les « exclusions catégoriques » des autres agences sans qu'une nouvelle règle soit établie.

Les autres modifications proposées comprennent l'exigence pour les agences fédérales de mener des études environnementales simultanément plutôt que des examens consécutifs afin d'accélérer le processus et de permettre qu'une partie des revenus tirés du développement énergétique ayant lieu sur les terres publiques serve à payer les immobilisations et l'entretien des infrastructures fédérales. En outre, le plan prévoit l'assouplissement des méthodes existantes afin de confier aux États les études environnementales et les décisions d'autorisation.

Le plan survivra-t-il?

Les analystes se sont empressés de dire que l'avenir du plan était incertain, même si le Congrès se trouve actuellement sous contrôle républicain[8]. Essentiellement, les Républicains les plus conservateurs ont peu d'appétit pour ce genre d'augmentation des dépenses tandis que les Démocrates refusent de soutenir un plan qu'ils assimilent à un « cadeau » aux entreprises privées et à un démantèlement des mécanismes de contrôle environnemental.

On dit que Trump lui-même ne considère pas le plan comme étant très prioritaire, vraisemblablement parce qu'il prévoit que ce dernier n'obtiendra pas les appuis suffisants[9]. L'augmentation substantielle du déficit budgétaire, reconnue avec franchise dans le budget qui vient d'être présenté, a durci le sentiment républicain conservateur contre le plan d'augmenter les dépenses en infrastructures[10].

Conclusion

Malgré les problèmes relevés dans le plan, qui est loin de comporter les investissements massifs annoncés à l'origine, le besoin d'accroître les investissements dans les infrastructures reste énorme aux États-Unis. Comme il est indiqué ci-dessus, l'American Society of Civil Engineers (l'« ASCE ») attire l'attention sur ce besoin en accordant la note D+ aux infrastructures américaines. L'ASCE a publié une réaction au plan en le qualifiant de « ... première étape valable d'un vrai débat sur les solutions à apporter au vieillissement des infrastructures du pays... » [Traduction][11]. On sous-entend ainsi que le plan constitue un moyen d'engager la conversation sans toutefois remédier au déficit d'infrastructure, même en supposant que les États et les investisseurs privés investissent comme le plan le prévoit. 


[1] https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2018/02/INFRASTRUCTURE-211.pdf

[2] http://www.latimes.com/business/hiltzik/la-fi-hiltzik-trump-infrastructure-20180212-story.html

[3] L'American Society of Civil Engineers a accordé la note D+ aux États-Unis au chapitre des infrastructures dans son Infrastructure Report Card, que l'on peut consulter auhttps://www.infrastructurereportcard.org/.

[4] Le plan d'infrastructure requiert 1,5 T$ (voir l'introduction); toutefois, le budget prévoit 1 T$ (voir la page 17 : « L'initiative en matière d’infrastructures que le gouvernement a mise de l'avant redresserait le déséquilibre entre les investissements, la propriété et la responsabilité à l'égard des infrastructures et générerait des investissements totalisant 1 T$ par une combinaison de financement fédéral direct et de financement incitatif non fédéral »).

[5] https://www.cbpp.org/research/state-budget-and-tax/states-faced-revenue-shortfalls-in-2017-despite-growing-economy

[6] Voir https://www.whitehouse.gov/wp-content/uploads/2018/02/budget-fy2019.pdf, pages 18 et 19.

[7] https://www.nytimes.com/2018/02/12/business/trump-infrastructure-proposal.html

[8] https://www.axios.com/a-trump-fairy-tale-1518385839-5b0839b8-1073-472b-af7b-d8f073e8ca1d.html

[9] http://abcnews.go.com/Politics/wireStory/trump-unveil-15-trillion-infrastructure-plan-53011331

[10]https://www.washingtonpost.com/business/economy/trump-rewrites-gop-playbook-in-his-own-image/2018/02/11/8505873c-0dec-11e8-8890-372e2047c935_story.html?utm_term=.177fc07c342c

[11]Déclaration de Kristina Swallow, présidente de l'ASCE, le 11 février 2018 :  https://www.infrastructurereportcard.org/civil-engineers-react-to-president-trumps-infrastructure-plan/

 

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