Les limites du pouvoir d’inspection en cas de litige

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26 juillet 2019

Comment concilier l’égalité des parties devant un tribunal, ainsi que le principe directeur du débat loyal, avec l’avantage que possède l’une des parties en vertu de la loi d’obtenir des informations et des éléments de preuve de son adversaire?

Telle est la question portée devant les tribunaux dans l’affaire Ville de Montréal c. Sanimax Lom inc.[1], dans le cadre de laquelle la Cour supérieure devait déterminer si une ville peut utiliser ses pouvoirs d’inspection afin d’obtenir des informations et des éléments de preuve d’une personne qui fait déjà l’objet d’une poursuite de sa part, et ce, afin de mettre à jour la preuve dont elle entend se servir au procès.



Les faits de cette affaire peuvent se résumer ainsi : le 22 octobre 2017, la Ville de Montréal entreprend une poursuite en injonction permanente contre Sanimax visant à contraindre cette dernière à respecter le zonage prescrit ainsi que les normes sur les rejets à l’atmosphère et aux ouvrages d’assainissement de la Ville. Dès la semaine qui suit l’introduction de son action, la Ville demande de procéder à une inspection visant à établir le processus de production de l’usine de Sanimax et l’utilisation du terrain en rapport avec le règlement de zonage.

La demande d’une telle inspection étant une première depuis le début de l’exploitation de son usine à Montréal en 1958, Sanimax s’insurge contre la volonté de la Ville de procéder à l’inspection au motif qu’une action portant sur les mêmes sujets vient tout juste d’être introduite. De l’avis de Sanimax, cette manière de procéder est incompatible avec la notion de « débat loyal » et les règles de procédure. Sanimax refuse donc de collaborer et s’oppose à l’inspection.

En introduisant une procédure en justice, le juge Granosik écrit que la Ville se place dans une logique de procès et perd son droit d’inspecter afin de parfaire sa preuve comme si le processus judiciaire n’existait pas. C’est notamment en établissant un parallèle avec le droit pénal relativement à l’obligation d’avoir un mandat de perquisition que le juge en vient à cette conclusion. Réitérant qu’il est interdit à l’État de « juger » par voie législative une affaire à laquelle il est partie, le juge Granosik écrit qu’une telle démarche reliée si fondamentalement au litige doit être encadrée par la Cour. Jugeant la position de la Ville contraire aux principes de « débat loyal » et de l’ « équilibre » des parties devant un tribunal, lesquels exigent le respect de l’« égalité des armes », dans la mesure où ces notions sont désormais codifiées dans les règles de procédure, le juge Granosik conclut qu’en de telles circonstances, il y a lieu de moduler et d’encadrer le droit à l’inspection.

Au final, la Ville n’a pas été autorisée à procéder à son inspection. Toute inspection ou visite de la Ville en lien avec les procédures qu’elle a intentées contre Sanimax devra donc se faire en suivant les prescriptions du Code de procédure civile et être autorisée.

Cet article a été co-rédigé par Patrick Cajvan, étudiant du programme d’été du bureau de Montréal.

 

[1] Sanimax était représentée par Mes Francine Martel et Serge Amar de chez Gowling WLG (Canada) S.E.N.C.R.L., s.r.l.


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