COVID-19 – Les réponses aux questions que vous vous posez en tant qu'employeur québécois

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18 mars 2020

A. Santé et sécurité au travail

1. Comment protéger la santé et la sécurité de vos travailleurs?

En tant qu'employeur, vous avez l'obligation légale de protéger la santé et sécurité de vos travailleurs et de prendre tous les moyens en ce sens. L'employeur doit, notamment, identifier, contrôler et éliminer les dangers pour ses travailleurs. Ceci étant dit, les travailleurs doivent également prendre les mesures nécessaires afin de protéger leur propre santé et sécurité ainsi que celle de leurs collègues de travail.

Les employeurs devraient rappeler aux employés les précautions à prendre afin de réduire les risques de contagion :

  • Se laver les mains avec de l'eau et du savon pendant au moins 20 secondes;
  • Désinfecter les surfaces courantes (équipements, comptoirs, poignées de porte, etc.);
  • Éviter de se toucher les yeux, le nez ou la bouche avec les mains;
  • Se couvrir le nez et la bouche en éternuant et toussant à l'aide d'un mouchoir ou le coude;
  • Éviter tout contact avec des personnes malades;
  • Se faire vacciner contre la grippe.

À l'heure actuelle, les autorités de santé publique du gouvernement du Québec incitent les employeurs à favoriser le télétravail afin de favoriser l'éloignement social et de réduire les risques de contagion.

Nous recommandons également aux employeurs de considérer d'autres mesures spécifiques à leur lieu de travail, telles que la réduction ou l'annulation des réunions de groupe et l'annulation des voyages d'affaires jugés non essentiels. Les employés qui présentent des symptômes propres à la COVID-19 devraient être sommés à quitter/rester à l'écart de leur lieu de travail.



2. L'employeur peut-il mettre en place des restrictions de voyage?

Nous recommandons aux employeurs de restreindre autant que possible tous les voyages à des fins professionnelles. Par ailleurs, compte tenu du droit à la vie privée dont bénéficient les salariés, l'employeur doit faire preuve de prudence avant de restreindre les voyages personnels de ses employés.

Toutefois, considérant que le gouvernement du Québec recommande un isolement volontaire d'une durée de 14 jours au retour de tout voyage et que l'Agence de la santé publique du Canada demande aux voyageurs d'éviter les voyages non essentiels à l'extérieur du Canada, les employeurs devraient minimalement exiger que les employés divulguent leurs projets de voyage personnels afin de pouvoir appliquer les mesures nécessaires à leur retour. Toute divulgation exigée par les employeurs devrait être administrée de manière à respecter le droit à la vie privée des employés.

Idéalement, une politique ou une communication devrait être transmise à tous les salariés afin d'indiquer les attentes de l'employeur à ce sujet, à savoir : l'obligation de divulguer tout voyage à l'extérieur du pays ainsi que l'isolement (quarantaine) applicable en cas de voyage à l'extérieur.

3. L'employeur peut-il obliger les employés à rester chez eux et à s'isoler?

Un employeur peut obliger un employé à rester chez lui afin de suivre les recommandations des autorités gouvernementales. À l'heure actuelle, les autorités publiques recommandent les mesures suivantes :

  • Il est recommandé à toutes les personnes qui reviennent de l'étranger, et ce, à compter du 12 mars 2020 de se placer en isolement volontaire pour 14 jours, et ce, quelle que soit leur provenance;
  • Tous les employés de la fonction publique, tout le personnel de la santé, de l'éducation et des services de garde, privés et publics, qui reviennent de l'étranger doivent obligatoirement se placer en isolement obligatoire pour une période de 14 jours, et ce, quelle que soit leur provenance;
  • Toutes les personnes qui ont reçu un diagnostic de COVID-19 ou qui ont été identifiées comme ayant un contact étroit avec une personne atteinte de la COVID-19 doivent se placer en isolement.

Ceci étant dit, si un employeur requiert que ses employés demeurent chez eux au-delà des recommandations gouvernementales alors en vigueur, nous recommandons que celui-ci permette le travail à distance ou accorde un congé payé pour la durée de l'isolement forcé.

4. Les employés ont-ils le droit de refuser de travailler?

En vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, un travailleur peut exercer un droit de refus s'il a des motifs raisonnables de croire que l'exécution de son travail l'expose à un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique. À noter que la loi réfère à la notion de « danger » et non à celle de « risque » et que par conséquent, elle nécessite normalement plus qu'une simple éventualité dont la survenance serait incertaine. Cet élément demeure à notre avis pertinent tant et aussi longtemps que l'Organisation mondiale de la santé considère que le risque de contracter la maladie au Canada est faible. Ainsi, le travailleur qui se prévaut de son droit de refus devra être convaincu que la situation vécue au travail présente un danger réel pour son intégrité et que toute personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, en arriverait au même constat.

Si l'employeur et le représentant du travailleur ne s'entendent pas sur le danger ou la solution, ils peuvent demander l'intervention d'un inspecteur de la CNESST. Si le travailleur croit que le danger est toujours présent, il peut maintenir son refus et attendre l'intervention de l'inspecteur.

5. La CNESST peut-elle fermer un milieu de travail?

Dans l'éventualité où un milieu de travail ne s'avèrerait pas sécuritaire en raison des risques reliés à la COVID-19, un inspecteur de la CNESST pourrait exiger sa fermeture jusqu'à ce que des correctifs soient apportés par l'employeur.

6. Est-ce qu'un employé atteint de la COVID-19 est éligible aux prestations de la CNESST?

Si le travailleur a contracté la COVID-19 par le fait ou à l'occasion du travail, il pourrait avoir droit aux prestations et services habituels prévus par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP).

Ceci étant dit, dans une situation de pandémie, il risque d'être difficile de démontrer qu'un employé a été infecté dans son milieu de travail plutôt qu'à l'extérieur de celui-ci.

B. Normes du travail

7. Est-ce que les employés atteints de la COVID-19 bénéficient d'un congé statutaire?

Plusieurs employés bénéficient de congés pour cause de maladie en vertu des politiques de l'employeur, d'une convention collective ou d'un plan d'assurance invalidité court terme.

Pour les personnes qui ne sont pas assurées, la Loi sur les normes du travail prévoit la possibilité de s'absenter pendant une période d'au plus 26 semaines par période de 12 mois pour cause de maladie.

Si le salarié justifie trois (3) mois de service continu, les deux premières journées de ce congé peuvent être rémunérées (sous réserve que l'employé n'ait pas déjà bénéficié de ces journées rémunérées suite à la prise de congés liés à ses obligations familiales). Le salarié pourrait également être éligible aux prestations de maladie de l'assurance-emploi ou aux allocations de soins d'urgences (veuillez vous référer à la section C).

8. Est-ce que les employés qui doivent prendre soin d'un proche atteint de la COVID-19 bénéficient d'un congé statutaire?

La Loi sur les normes du travail prévoit qu'un salarié peut s'absenter du travail pour une période de dix (10) jours par année afin de remplir des obligations reliées à l'état de santé d'un parent ou d'une personne pour laquelle le salarié agit comme proche aidant.  Le terme « parent » inclut l'enfant, le père, la mère, le frère, la soeur et les grands-parents du salarié ou de son conjoint, ainsi que les conjoints de ces personnes, leurs enfants et les conjoints de leurs enfants.

Si le salarié justifie trois (3) mois de service continu, les deux premières journées de ce congé peuvent être rémunérées (sous réserve que l'employé n'ait pas déjà bénéficié de ces journées rémunérées suite à la prise d'un congé de maladie).

Ceci étant dit, le salarié doit aviser l'employeur de son absence le plus tôt possible et prendre les moyens raisonnables à sa disposition pour limiter la prise de congé et sa durée. Le salarié pourrait également être éligible aux allocations de soins d'urgences (veuillez vous référer à la section C).

En plus de ce qui précède, la loi permet également à un employé de s'absenter jusqu'à 16 semaines sur une période de 12 mois lorsque sa présence est nécessaire, en raison d'un grave accident ou d'une maladie grave, auprès d'un parent de la personne salariée ou d'une personne pour laquelle elle agit à titre de proche aidant. Cette période peut aller jusqu'à 27 semaines d'absence sur 12 mois si la personne gravement malade souffre d'une maladie potentiellement mortelle, attestée par un certificat médical. Selon les circonstances propres à chaque situation, nous sommes d'avis qu'un salarié pourrait se prévaloir de ces congés statutaires dans l'éventualité où l'un de ses proches était atteint de la COVID‑19.

9. Est-ce que les employés qui doivent s'occuper de leur enfant en raison de la fermeture des écoles et des garderies bénéficient d'un congé statutaire?

Comme mentionné précédemment, la Loi sur les normes du travail prévoit qu'un salarié peut s'absenter du travail pour une période de dix (10) jours par année afin de remplir des obligations reliées à la garde, à la santé ou à l'éducation de son enfant ou de l'enfant de son conjoint.

Si le salarié justifie trois (3) mois de service continu, les deux premières journées de ce congé peuvent être rémunérées (sous réserve que l'employé n'ait pas déjà bénéficié de ces journées rémunérées suite à la prise d'un congé de maladie).

Ceci étant dit, le salarié doit aviser l'employeur de son absence le plus tôt possible et prendre les moyens raisonnables à sa disposition pour limiter la prise de congé et sa durée. Le salarié pourrait également être éligible aux allocations de soins d'urgences (veuillez vous référer à la section C).

10. Est-ce que les employés bénéficient d'un service de garderie malgré la fermeture des écoles et milieux de garde annoncée par le gouvernement?

Le gouvernement du Québec a annoncé la fermeture de l'ensemble des services de garde – CPE, services de garde subventionnés, non subventionnés et en milieu familial, et ce, pour une durée de deux (2) semaines, soit du lundi 16 mars au vendredi 27 mars 2020, inclusivement.

Ceci étant dit, le gouvernement Legault a annoncé que les Centres de la petite enfance (CPE), les garderies et les services de garde en milieu familial resteront ouverts pour accueillir les enfants des travailleurs de la santé et des services essentiels.

Ainsi, les services de garde pourront recevoir uniquement les enfants des parents désignés pour offrir des services essentiels tel que déclaré par décret gouvernemental. Les services essentiels ciblés sont ceux qui ont un impact direct et immédiat sur la sécurité et la santé de la population. Il est possible de consulter la liste de ces services essentiels sur le site web du gouvernement du Québec.

11. Un employeur doit-il rémunérer un employé en isolement volontaire ou atteint de la COVID‑19?

Si un employé ne peut pas fournir sa prestation de travail, l'employeur n'a pas l'obligation de le rémunérer, puisque le versement du salaire est normalement la contrepartie de la prestation de travail fournie par un salarié.

Toutefois, nous considérons qu'un employeur qui exigerait l'isolement d'un salarié sans que cet isolement ne soit recommandé par les autorités gouvernementales ou par un professionnel de la santé devrait permettre au salarié de travailler à distance ou devrait lui accorder un congé rémunéré pour la durée de l'isolement.

C. Assurance-emploi

12. Est-ce qu'un employé atteint de la COVID-19 est éligible aux prestations de l'assurance‑emploi?

Les prestations de maladie de l'assurance-emploi offrent jusqu'à 15 semaines de remplacement du revenu aux prestataires admissibles qui sont incapables de travailler en raison d'une maladie ou d'une mise en quarantaine.

Dans le cas d'une mise en quarantaine, le relevé d'emploi devrait indiquer « mise en quarantaine » à la case 18.

Afin d'aider les Canadiens atteints de la COVID-19 ou mis en quarantaine, le gouvernement canadien a annoncé la suppression du délai de carence d'une semaine pour les prestations de maladie de l'assurance-emploi.

À l'heure actuelle, un travailleur est admissible à l'assurance emploi s'il respecte les conditions suivantes :

  • Ne pas pouvoir travailler pour des raisons médicales;
  • Avoir subi une diminution de la rémunération hebdomadaire de plus de 40 %;
  • Avoir accumulé 600 heures d'emploi assurable au cours des 52 semaines précédant le début de la demande ou depuis le début de la dernière demande, selon la plus courte de ces deux périodes.

Mentionnons par ailleurs que le gouvernement du Québec a annoncé la mise sur pieds Programme d'aide temporaire aux travailleurs touchés par le nouveau coronavirus (PATT) en date du 16 mars 2020, afin de permettre aux travailleurs autonomes ou salariés qui n'ont pas accès à l'assurance-emploi pourront recevoir jusqu'à 573 $ par semaine pour une période de 14 jours d'isolement. L'aide financière pourrait d'ailleurs s'étirer jusqu'à un maximum de quatre semaines pour les personnes infectées dont la période de quarantaine doit se prolonger.

13. Quels travailleurs peuvent bénéficier de l'allocation pour soins d'urgence?

Le 18 mars 2020, le gouvernement du Canada a annoncé la mise en place d'une allocation pour soins d'urgence afin de soutenir certains travailleurs. Cette mesure exceptionnelle permet à certains salariés incapables de travailler de recevoir une prestation pouvant atteindre 900$ aux deux semaines, et ce, pour un maximum de 15 semaines. Cette mesure bénéficie aux personnes suivantes :

  • Les travailleurs, y compris les travailleurs autonomes, qui sont malades, en quarantaine ou qui ont reçu la directive de s'isoler, mais qui ne sont pas admissibles aux prestations de maladie de l'assurance-emploi;
  • Les travailleurs, y compris les travailleurs autonomes, qui s'occupent d'un membre de leur famille atteint de la COVID-19, comme un parent âgé ou une autre personne à charge malade, mais qui ne sont pas admissibles aux prestations de maladie de l'assurance-emploi;
  • Les parents qui travaillent, qu'ils soient ou non admissibles à l'assurance-emploi, et qui doivent rester à la maison sans salaire parce que leurs enfants sont malades ou ont besoin de services supplémentaires en raison de la fermeture des écoles.

D. Continuité des affaires

14. Comment favoriser la présence des employés qui ont un poste critique pour votre entreprise?

Étant donné les circonstances actuelles, plusieurs employeurs ont pris la décision de rémunérer l'ensemble de leurs employés indépendamment de leur présence au travail.

Afin d'assurer la continuité des opérations, un employeur pourrait mettre en place diverses mesures pour inciter ses employés à maintenir leur prestation de travail à domicile ou encore à se déplacer sur leur lieu de travail, si leur présence est jugée nécessaire. Ainsi, les employeurs pourraient envisager l'instauration une prime d'assiduité pour les employés qui se présentent au travail ou encore se sont engagés à rembourser les frais de taxi, de stationnement ou encore les frais de garde d'urgence assumés par leur salariés afin de permettre à ces derniers de se déplacer au travail et leur éviter l'utilisation du transport en commun.   

15. Un employeur peut-il réduire son nombre d'employés temporairement?

Oui, en situation de manque de travail, l'employeur peut procéder à des mises à pied.

La mise à pied suspend de façon temporaire le contrat de travail entre l'employeur et le salarié. Le salarié mis à pied peut donc être rappelé au travail. Il conserve son lien d'emploi pendant la durée de sa mise à pied et sa relation contractuelle est maintenue.

La Loi sur les normes du travail ne prévoit aucun avis écrit officiel et aucune somme due en cas de mise à pied de moins de six (6) mois ou si l'employeur est incapable d'en prévoir la durée.

16. Un employeur peut-il réduire les heures de travail de ses employés?

Afin d'éviter les mises à pied, le gouvernement du Canada prévoit un programme de travail-partagé qui met en œuvre des mesures temporaires pour soutenir les employeurs et les employés touchés par le ralentissement des activités causé par la COVID-19. Le programme fournit des prestations d'assurance‑emploi aux employés admissibles qui acceptent de réduire leurs heures normales de travail et de partager le travail disponible pendant la période de relance de l'entreprise.

Le gouvernement canadien a notamment instauré les mesures spéciales suivantes afin de répondre aux ralentissements économiques découlant de la COVID-19 :

  • Prolongation des ententes de travail-partagé de 38 semaines supplémentaires;
  • Annulation de la période d'attente obligatoire entre les ententes;
  • Assouplissement des exigences du plan de redressement.

Nous vous invitons à communiquer avec notre équipe de droit du travail et de l'emploi si vous avez des questions concernant l'impact de la pandémie de la COVID-19 sur vos obligations comme employeur.


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