COVID-19 : Les prêts garantis par l'État

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07 mai 2020


L'article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020 prévoit que la garantie de l'État peut être accordée aux prêts consentis par les établissements de crédit, les sociétés de financement ainsi que les prêteurs mis en relation par un intermédiaire en financement participatif, à compter du 16 mars 2020 et jusqu'au 31 décembre 2020 inclus, à des entreprises non financières immatriculées en France, dans la limite d'un encours total garanti de 300 milliards d'euros (ci-après les "PGE"). Ce dispositif fait l'objet d'un arrêté du 23 mars 2020 qui a été modifié successivement le 17 avril 2020 et le 6 mai 2020. Le Ministère de l’Économie a par ailleurs publié un document intitulé « Foire Aux Questions – Prêt Garanti par l’État » en date du 23 avril 2020 (ci-après la "FAQ").

Ces aides d'État ont pour justification de « remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre » conformément à l’article 107 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. La Commission européenne a pu vérifier dans une décision SA 56709 du 21 mars 2020 que les conditions d’octroi de la garantie par l’État français dans le cadre de ce dispositif étaient conformes à l’encadrement temporaire adopté par la Commission européenne le 19 mars 2020, lequel a été ultérieurement modifié le 3 avril 2020.

Un prêt peut ainsi être garanti par l'État à hauteur de 90% du montant principal, des intérêts et des accessoires si l'entreprise compte au dernier exercice clos (ou au 16 mars 2019 s'il s'agit de son premier exercice) moins de 5.000 salariés et réalise moins de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires.

Pour les entreprises qui emploient au moins cinq mille salariés ou qui ont un chiffre d'affaires supérieur à 1,5 milliard d'euros, ce pourcentage est réduit à 80 % voire 70% sauf dérogation et certaines des règles visées ci-après peuvent aussi faire l'objet d'autres dérogations.

Dans le présent article, nous examinerons les modalités des prêts pouvant être garantis par l'État (1) et les conditions d'éligibilité des entreprises à qui ces prêts peuvent être octroyés (2).

1. Modalités des PGE

1.1 Montant maximum des PGE

Le montant du prêt pourra représenter jusqu'à 25% du chiffre d'affaires hors taxe constaté en 2019 ou du dernier exercice clos de l'entreprise. En cas d'indisponibilité de comptes certifiés, il est possible d'avoir recours à une attestation d'expert-comptable.

Il existe un cas spécifique concernant les entreprises innovantes ou répondant à au moins un des critères visés par l'article D. 313-45-1, II du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour lesquelles le plafond du prêt va jusqu'à deux fois la masse salariale France 2019, hors cotisations patronales, si ce montant est supérieur à 25% du chiffre d'affaires hors taxe constaté en 2019.

Pour les entreprises créées à compter du 1er janvier 2019, le montant maximum du PGE correspondant à la masse salariale France estimée sur les deux premières années d'activité.

1.2 Objet du PGE

Il n'est pas nécessaire que les fonds provenant du PGE soient affectés à un objet déterminé.

En revanche, il n'est pas possible de refinancer des crédits antérieurs par des PGE dans la mesure où "l'établissement prêteur, ou l’intermédiaire en financement participatif pour le compte des prêteurs, doit en outre démontrer, en cas de demande de mise en jeu de la garantie visée à l'article 1er, qu'après l'octroi du prêt couvert par cette garantie, le niveau des concours qu'il détenait vis-à-vis de l'emprunteur était supérieur au niveau des concours qu'il apportait à ce dernier à la date du 16 mars 2020, corrigé des réductions intervenues entre ces deux dates et résultant de l'échéancier contractuel antérieur au 16 mars 2020 ou d'une décision de l'emprunteur". C'est pourquoi on dit de manière générale que les PGE sont des prêts de "new money".

1.3 Durée et profil d'amortissement

Le prêt garanti par l'État comprend de droit un différé d'amortissement d'un an, c'est-à-dire que l'emprunteur n'a rien à rembourser pendant les douze premiers mois. A l'issu de cette année, l'emprunteur a la faculté de décider de la durée de l'amortissement du prêt, dans la limite de cinq années supplémentaires (un, deux, trois, quatre, ou cinq ans). L'emprunteur peut également choisir de rembourser partiellement le prêt à l'issu de la première année et d'amortir le reste.

1.4 Taux d'intérêt et marge

Aucune disposition légale, ni dans la loi ni dans l'arrêté, n'encadre le prix des prêts mais la FAQ indique que "les banques, par la voix du président de la Fédération Bancaire Française, se sont engagées à octroyer [ces prêts] à "prix coûtant"."

La FAQ précise également que "concrètement, cela veut dire que le taux pour l’emprunteur est le taux dit de la ressource de la banque prêteuse, actuellement proche de 0 % pour la première année, augmenté de la prime de garantie, appliquée au principal du prêt et dont le barème est public et dépend de la taille de l’entreprise ainsi que de la maturité du prêt garanti. Le coût de la ressource variant d’une banque à l’autre, il se peut qu’il y ait de petites différences de taux sur les prêts garantis par l’État d’une banque à l’autre."

Ainsi, le coût du prêt est le résultat de l'addition du taux d'intérêt propre à chaque banque et de la commission de la garantie de l'État ci-dessous détaillée (1.5).

1.5 Commission de garantie payée à l'État

La commission de garantie payée à l'État est supportée par l'emprunteur. Pour les entreprises (i) qui emploient 250 salariés ou moins et (ii) dont le chiffre d'affaires est inférieur ou égal à 50 millions d'euros et/ou dont le total de bilan est inférieur ou égal à 43 millions d'euros, le taux de cette commission s'élève à :

  • 0,25% la première année ;
  • 0,5% la première année supplémentaire, le cas échéant ;
  • 0,5% la deuxième année supplémentaire, le cas échéant ;
  • 1% la troisième année supplémentaire, le cas échéant ;
  • 1% la quatrième année supplémentaire, le cas échéant ;
  • 1% la cinquième année supplémentaire, le cas échéant.

Pour les entreprises qui emploient plus de 250 salariés ou qui ont à la fois un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros et un total de bilan qui excède 43 millions d'euros, le taux est le double de celui sus-indiqué.

S'agissant de leur assiette, l'arrêté du 23 mars 2020 précise qu'elles "sont perçues pour la quotité garantie par Bpifrance Financement SA auprès de l'établissement prêteur, au nom, pour le compte et sous le contrôle de l'État", étant précisé que 90% de l'encours en principal et des intérêts et accessoires du PGE est garanti par l'État si l'entreprise compte moins de 5.000 salariés et réalise moins de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires.

S'agissant de leur date d'exigibilité, elles sont perçues en une première fois à l'octroi de la garantie, et en une seconde fois, le cas échéant, lors de l'exercice par l'emprunteur de la clause permettant d'amortir le prêt sur une période additionnelle calculée en nombre d'années. Cependant, Selon la FAQ, "conformément à la demande de l’État visant à ce que l’emprunteur n’ait rien à décaisser la première année, il ne sera pas demandé au professionnel ou à l’entreprise de s’en acquitter sur les 12 premiers mois à compter de la signature : la banque assurera le portage du coût de la garantie sur les 12 premiers mois."

1.6 Sûretés garantissant la quote-part non garantie par l'État

Si le prêt est consenti à une entreprise qui compte moins de 5.000 salariés et qui réalise moins de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, la quote-part de 10% qui n'est pas garantie par l'État ne peut pas faire l'objet d'une autre "garantie ou sureté".

Selon la FAQ, il est toutefois possible pour une banque d'exiger une assurance décès et un PGE qui serait consenti dans le cadre d'un protocole de conciliation bénéficierait du privilège de conciliation.

Conditions d'éligibilité des entreprises

2.1 Secteurs d'activités éligibles

Sont concernées les entreprises personnes morales ou physiques en ce compris les artisans, commerçants, exploitants agricoles, professions libérales et micro-entrepreneurs, ainsi que les associations et fondations ayant une activité économique inscrites au répertoire national des entreprises, hormis :

  • les établissements de crédit et les sociétés de financement ainsi que
  • les sociétés civiles immobilières à l’exception des sociétés civiles immobilières de construction-vente, des sociétés civiles immobilières dont le patrimoine est majoritairement constitué de monuments historiques classés ou inscrits au sens de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques et qui collectent des recettes liées à l’accueil du public (pour celles-ci, le chiffre d'affaires à prendre en compte est limité aux recettes liées à l’accueil du public), et des sociétés civiles immobilières dont le capital est intégralement détenu par des organismes de placement collectif immobilier, des sociétés civiles de placement immobilier ou des organismes professionnels de placement collectif immobilier.

La FAQ précise que les SEM, les EPL et les EPIC sont éligibles, de même que les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique et les sociétés de gestion de portefeuille.

2.2 Exclusion des sociétés en difficulté

L'arrêté du 23 mars 2020 tel que modifié le 6 mai 2020 exclut les entreprises qui, au 31 décembre 2019, faisaient l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ou de rétablissement professionnel s'agissant de personnes physiques ou, s'agissant de personnes physiques ou de personnes morales, qui étaient en période d'observation d'une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ; étant précisé que les entreprises pour lesquelles un plan de sauvegarde ou de redressement a été arrêté par un tribunal avant la date d'octroi du prêt restent en principe éligibles au PGE selon l'Arrêté.

Selon la décision SA 56709 du 21 mars 2020, le dispositif ne peut être accordé non plus à des entreprises en difficulté ou qui l’étaient à la date du 31 décembre 2019 (mais il peut être accordé à celles qui sont entrées en difficulté à la suite de l’apparition de la pandémie de COVID-19), ce qui est confirmé par la FAQ.

La décision SA 56709 et la FAQ renvoient à la définition d'entreprise en difficulté de l’article 2(18) du règlement européen 651/2014 du 17 juin 2014, qui vise également :

  • toute société à responsabilité limitée au sens de la de la directive 2013/34/UE (telle une société à responsabilité limitée, une société par actions simplifiée, une société anonyme ou une société en commandite par actions) ayant perdu la moitié de son capital social ou toute société dite à responsabilité illimitée au sens de la de la directive 2013/34/UE (telle une société en nom collectif ou une société en commandite simple) dont plus de la moitié des fonds propres, tels qu'ils sont inscrits dans les comptes de la société, aurait disparu en raison des pertes accumulées, sauf (dans chaque cas) s'il s'agit d'une petite et moyenne entreprise au sens de ce règlement européen (une entreprise qui occupe moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions euros) qui est en existence depuis moins de 3 ans ;
  • toute entreprise qui "remplit, selon le droit national qui lui est applicable, les conditions de soumission à une procédure collective d'insolvabilité à la demande de ses créanciers", à savoir toute entreprise en état de cessation de paiements même si elle ne fait pas encore l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ;
  • toute entreprise qui "a bénéficié d'une aide au sauvetage et n'a pas encore remboursé le prêt ou mis fin à la garantie, ou a bénéficié d'une aide à la restructuration et est toujours soumise à un plan de restructuration", étant précisé que cela pourrait englober une entreprise faisant l'objet d'un plan de sauvegarde ou de redressement dès lors qu'elle aurait bénéficié d'une "aide à la restructuration" ;
  • toute entreprise, autre qu'une petite et moyenne entreprise au sens de ce règlement européen, dont :
    1. le ratio emprunts/capitaux propres de l'entreprise serait supérieur à 7,5; et
    2. le ratio de couverture des intérêts de l'entreprise, calculé sur la base de l'EBITDA, serait inférieur à 1,0,

et ce, depuis les deux exercices précédents.

Conclusion

Les critères d'éligibilité sont largement entendus par les textes et les banques semblent jouer le jeu en les accordant assez largement, de sorte que le taux de refus serait inférieur à 5% selon la Fédération Bancaire Française.

Si vous souhaitez que votre entreprise bénéficie de ce dispositif, il convient de vous rapprocher d'un établissement bancaire pour faire une demande de prêt. Après un examen de la situation de votre entreprise et des critères d'éligibilité ci-dessus énoncés, la banque donnera un pré-accord. Les formalités seront ensuite à réaliser sur le site de Bpifrance.


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