Le gouvernement fédéral publie la liste des plastiques à usage unique
« toxiques »

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08 octobre 2020

Le 7 octobre 2020, le ministre de l'Environnement et du Changement climatique du Canada, Jonathan Wilkinson, a présenté une liste d'articles qui seront interdits dans le cadre de l'interdiction des plastiques nocifs à usage unique que mettra en œuvre le gouvernement fédéral[1],[2] ». Comme nous l'avons mentionné le 19 mars 2020 (voir ici – en anglais seulement), le gouvernement prévoit procéder en suivant la même approche qu'il avait appliquée pour l'interdiction des « microbilles de plastique de taille ≤ 5 mm », c'est-à-dire, en désignant les plastiques à usage unique comme « toxiques » et en les ajoutant à l'Annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) (« LCPE »). 

Conjointement à la liste des articles qui seront prochainement interdits, le gouvernement a également publié un document de consultation (le « document de consultation ») portant sur son approche quant à la gestion des produits de plastique.[3] 



Liste des articles en plastique à usage unique interdits 

Voici les articles à usage unique visés par l'interdiction de portée nationale :

  • les sacs d'épicerie;
  • les pailles;
  • les bâtonnets à mélanger;
  • les porte-canettes;
  • les ustensiles en plastique; et
  • les récipients alimentaires fabriqués à partir de plastiques difficiles à recycler.

Point à souligner, d'autres articles à usage unique, comme les bouteilles de plastique, les emballages de collations et les gobelets à café jetables, ne sont pas assujettis à l'interdiction.

Dans le document de consultation, le gouvernement explique la méthodologie employée pour déterminer le choix des articles à interdire. Pour qu'un produit soit considéré comme « nocif » et pour qu'une interdiction ou une restriction soit considérée comme justifiée, des preuves scientifiques doivent démontrer que l'article est « problématique sur le plan environnemental » et « problématique sur le plan de la récupération de la valeur ». « Problématique sur le plan environnemental » signifie que l'article est très répandu dans les environnements naturels et/ou urbains et a des effets nocifs connus ou soupçonnés sur l'environnement. « Problématique sur le plan de la récupération de la valeur » signifie que l'article nuit aux systèmes de recyclage ou au traitement des eaux usées, a un taux de recyclage faible ou très faible ou qu'il existe des obstacles à l'augmentation de son taux de recyclage[4]. Des exemptions s'appliqueront possiblement dans le cas d'articles qui remplissent une fonction essentielle ou pour lesquels il n'existe aucune solution de remplacement viable. Par exemple, les ustensiles de plastique feront l'objet d'une exemption s'ils sont considérés comme essentiels pour des raisons de sécurité, et les pailles pourraient être exemptées dans certains cas, pour des raisons d'accessibilité[5].

Les six articles interdits sont les seuls à être considérés à la fois « problématiques sur le plan environnemental » et « problématiques sur le plan de la récupération de la valeur » en fonction des critères applicables. Pour savoir comment ces critères s'appliquent à d'autres articles à usage unique, voir le Tableau 2 du document de consultation.

Impact de l'interdiction

Le projet d'interdiction soulève de nombreuses questions. Nous nous penchons sur quelques-unes d'entre elles, ci-dessous. 

Les plastiques à usage unique sont-ils réellement « toxiques »?

Les substances désignées comme « toxiques » sont énumérées à l'Annexe 1 de la LCPE. L'ajout d'articles à usage unique comme les sacs d'épicerie et les ustensiles de plastique constitue tout un écart lorsqu'on considère les autres substances qui figurent actuellement à l'Annexe 1, comme le plomb, le mercure et l'ozone[6]. On ignore quel impact cette nouvelle interdiction d'articles « toxiques » aura sur les régimes provinciaux de gestion et de réacheminement des déchets, ceux-ci étant complets et déjà destinés à la gestion des articles de plastique à usage unique.  

L'interdiction est-elle constitutionnelle?

Le projet d'interdiction soulève bon nombre des mêmes questions que celles traitées par la Cour suprême du Canada dans le cadre d'arrêts à venir portant sur la tarification du carbone[7]. Dans ces affaires, le plus haut tribunal du Canada est appelé à déterminer si la législation fédérale (la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre) qui réglemente les émissions de gaz à effet de serre des provinces est constitutionnelle, en tout ou en partie. La décision de la Cour suprême sera déterminante, car elle traitera de bon nombre des mêmes questions de compétence qui entourent les plastiques à usage unique, y compris certains arguments constitutionnels relatifs à la répartition des compétences.

Comment l'interdiction fédérale interagira-t-elle avec la gestion provinciale et municipale des plastiques?

Des restrictions ou interdictions visant les plastiques à usage unique sont déjà en vigueur, ou alors le seront bientôt, dans différentes villes et provinces du Canada[8]. On ignore quelle incidence cette nouvelle interdiction aura sur les règlements municipaux et la législation provinciale interdisant ou limitant l'utilisation de certains plastiques.

Quelle incidence l'interdiction fédérale aura-t-elle sur les investissements au Canada?

Une interdiction du genre entraîne des répercussions pour diverses industries impliquées dans la fabrication et la vente de plastiques à usage uniques. À titre d'exemple, mentionnons que l'annonce du projet d'interdiction s'est faite seulement un jour après que le gouvernement de l'Alberta ait annoncé sa stratégie en matière de gaz naturel[9], laquelle prévoit la prise de mesures en vue d'obtenir des investissements pour l'industrie des produits pétrochimiques, qui sont utilisés dans la fabrication du plastique.

Qu'en est-il de la COVID-19?

Reconnaissant le besoin continu d'équipements de protection individuelle (EPI) en plastique à usage unique pendant la pandémie de COVID-19, le gouvernement a confirmé que le plan n'aura pas d'incidence sur l'accès aux EPI ou autres plastiques médicaux. Le ministre Wilkinson a affirmé que le gouvernement travaille à remédier aux conséquences de l'utilisation accrue des plastiques jetables durant la pandémie et qu'il étudie la possibilité d'utiliser des EPI recyclables ou biodégradables. En réponse aux préoccupations concernant l'impact de l'interdiction sur les restaurants qui comptent beaucoup sur les commandes à emporter pendant la pandémie, le ministre Wilkinson a déclaré que la liste des articles interdits avait été choisie en raison de la disponibilité de solutions de rechange abordables.

La suite?

Le nouveau règlement permettant la mise en œuvre de l'interdiction ne devrait pas entrer en vigueur avant la fin de 2021[10]. L'industrie dispose donc d'un peu de temps, mais très peu, pour s'adapter.   

D'ici là, le gouvernement fédéral prévoit rassembler des renseignements supplémentaires sur la gestion des plastiques à usage unique et déterminera si d'autres restrictions sur ces plastiques doivent être mises en œuvre à mesure que de nouvelles données seront disponibles[11].

Environnement et Changement climatique Canada invite le public à fournir ses commentaires au sujet du document de consultation, et ce, jusqu'au 9 décembre 2020.


[2] Cette interdiction concerne uniquement les macroplastiques, qui causent des dommages physiques à l'environnement. Les preuves démontrant les potentiels effets des microplastiques sur l'environnement sont moins claires et nécessitent davantage de recherche.

[3] Une approche proposée de gestion intégrée des produits de plastique – document de consultation :  https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/registre-environnemental-loi-canadienne-protection/plastiques-approche-proposee-gestion-integree.html [document de consultation].

[4] Document de consultation, Tableau 1.

[5] Document de consultation, Tableau 2.

[6] LCPE, Annexe 1.

[7] Procureur général de la Saskatchewan c. Procureur général du Canada; Procureur général de l'Ontario c. Procureur général du Canada; Procureur général de la Colombie-Britannique c. Procureur général de l'Alberta (appels entendus le 22 septembre 2020).

[8] Règlements visant les plastiques à usage unique au Canada :https://www.commercedetail.org/reglementation-des-sacs-a-provisions-au-canada/.

[11] Document de consultation, « Étape 3 : Choix d'instrument ».


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