Marquage des dessins industriels canadiens : 3 erreurs fréquentes

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19 mai 2021

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Malgré les conseils de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC), force est de constater que très peu de propriétaires de dessins industriels canadiens enregistrés procèdent au marquage de leurs produits en y apposant un symbole pour démontrer qu'ils sont bel et bien enregistrés. Si vous êtes étonnés d'apprendre l'existence de tels symboles, sachez que vous êtes loin d'être les seuls à ne pas vous prévaloir des avantages qu'ils procurent.



Bien qu'il s'agisse d'une erreur courante, ne pas marquer ses dessins enregistrés peut entraîner son lot d'embûches juridiques venu le moment de faire respecter ses droits. Le présent article traite de trois erreurs parmi les plus fréquentes en ce qui concerne le marquage de dessins au Canada.

Vous ne marquez probablement aucun de vos dessins

Si vous vous demandez quelle est la nécessité de marquer vos dessins, la Loi sur les dessins industriels (L.R.C. (1985), ch. I-9) (la « Loi ») est une référence incontournable. Au Canada, la loi qui régit le marquage des dessins industriels diffère de celle qui régit le marquage des brevets. En ce qui concerne les brevets, le marquage joue un rôle très limité, voire aucun, pour déterminer les recours en cas de violation, tandis que dans le cas des dessins, le marquage peut jouer un rôle déterminant dans la possibilité de recouvrer des dommages-intérêts.

Le paragraphe 17(1) de la Loi prévoit une défense pour les personnes reconnues coupables de violation. En cas de violation d'un droit exclusif, si un défendeur est en mesure de démontrer qu'il ignorait que le dessin était enregistré, le tribunal ne peut procéder que par voie d'injonction. Même si la violation est évidente, le demandeur ne peut recouvrer aucun dommage-intérêt!

Le paragraphe 17(2) élimine la possibilité d'invoquer cette défense si le demandeur démontre que les objets ou leurs emballages avaient fait l'objet d'un marquage pour indiquer que le dessin industriel était enregistré.

Ces avantages sont bien illustrés dans Produits Pylex inc. c. CTM international Hardware inc. (2017 QCCS 996). Dans cette affaire, en application du paragraphe 17(1), le demandeur s'est vu refuser le recouvrement de dommages punitifs parce que l'inscription de dessin industriel enregistré ne figurait pas sur ses pieux en métal. Si l'enregistrement du dessin industriel du demandeur avait été indiqué, cette défense n'aurait pas pu être invoquée. Ce jugement a été confirmé en 2019 (2019 QCCA 147).

Vous n'utilisez pas le marquage approprié

Si vous marquez vos objets, il est important de le faire en bonne et due forme, car la loi canadienne est très précise. Or, on constate souvent que les propriétaires de dessin ont tendance à se conformer aux exigences américaines ou à utiliser un marquage trop général.

Aux États-Unis, les dessins sont enregistrés en tant que design patent ou « brevets de dessin » et les exigences de marquage sont conformes aux règles relatives aux brevets d'utilité. Toujours aux États-Unis, la loi encadrant le marquage des brevets permet au demandeur de démontrer que le défendeur aurait dû être au courant de l'existence des brevets pouvant être pertinents. Afin de satisfaire à ces exigences, le numéro d'enregistrement du brevet ou le site Web du produit où ce renseignement peut être obtenu doit être indiqué sur les produits brevetés, accompagné de la mention « PAT » ou « PATENT » (« DES. PAT. » s'il s'agit d'un brevet de dessin). 

Au Canada, la lettre « D » majuscule, entourée d'un cercle, et le nom du propriétaire du dessin, ou son abréviation usuelle, doivent figurer sur les dessins. Le « D » majuscule entouré d'un cercle peut être obtenu au moyen du code de caractère 24B9 dans la police MS Gothic; on le trouve également dans d'autres polices de caractères étendues.

La loi n'exige pas d'indiquer le pays, le numéro de série ni la date d'enregistrement, mais la marche à suivre est d'inclure ces renseignements, comme dans le cas des avis de droit d'auteur ou de marque de commerce, et de le faire comme suit :

Marque acceptable

Ⓓ 2021, Dessin industr.enr.CA no 222222, Propriétaire XYZ ltée

À éviter

Propriétaire XYZ ltée est propriétaire du brevet de dessin no XXXXXX des États-Unis et des enregistrements connexes au Canada...

Vous ignorez où apposer le marquage

Aux termes du paragraphe 17(2) de la Loi, lors de la survenance des faits reprochés, la mention d'enregistrement d'un dessin industriel doit figurer :

(a) soit sur la totalité ou la quasi-totalité des objets qui étaient distribués au Canada par le propriétaire ou avec son consentement;

(b) soit sur les étiquettes ou les emballages de ces objets.

Cette consigne est simple à suivre dans le cas des biens matériels, mais le libellé de la disposition ne précise pas comment marquer les dessins de nature immatérielle. Bien que la Loi sur les dessins industriels ait été modernisée en 2018, la disposition sur le marquage est demeurée inchangée.

Aux États-Unis, le marquage virtuel est une pratique juridiquement acceptée, tant pour les biens matériels qu'immatériels (ou virtuels). Pour procéder au marquage virtuel d'un bien matériel, il suffit que son emballage ou sa représentation physique soit marquée à l'aide d'un lien sous forme d'adresse URL menant à une page Web où figure la liste complète des numéros de brevets ou de brevets de dessins applicables. Dans le cas des biens virtuels, le lien en question peut provenir de l'écran où figure le dessin et mener vers la page de marquage virtuel.

Au Canada, le marquage virtuel demeure une pratique floue. Bien qu'une telle pratique soit préférable à une absence de marquage, il n'existe malheureusement aucune jurisprudence offrant de solution concrète pour le moment. Or, il y a fort à parier qu'à mesure que la jurisprudence évoluera, on en arrivera à interpréter plus librement le libellé « soit sur les étiquettes ou les emballages de ces objets ».  Entre-temps, les titulaires de dessins auraient intérêt à indiquer clairement que leurs dessins sont enregistrés au Canada en établissant un lien direct avec le produit visé (ou avec le dessin, si le produit est virtuel). Et en ce qui concerne les biens virtuels (p. ex., les interfaces d'applications enregistrées au Canada comme les écrans d'affichage), l'idéal est que le marquage figure directement sur la page de l'application représentant le dessin.

En conclusion, les titulaires de dessins industriels devraient tout mettre en œuvre pour se conformer à la pratique du marquage et, s'ils ont quelque doute que ce soit en lien avec les dessins, ils ne doivent jamais hésiter à demander un avis juridique.


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