Nicolas Dubé
Associé
Article
Le 7 avril 2016, le gouvernement du Québec rendait publique la Politique énergétique 2030, L’énergie des Québécois – Source de croissance1. Cette politique suggère plus de souplesse et de proactivité dans la fixation des tarifs d’électricité et de gaz naturel prévus, et ce, afin de mieux répondre aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux des consommateurs, des producteurs et des distributeurs d’énergie.
Pour que cette politique se déploie et se traduise rapidement par des actions concrètes de manière à améliorer la situation des consommateurs d’électricité et de gaz naturel, le ministre Pierre Arcand, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles et ministre responsable du Plan Nord, a transmis le 10 juin 2016 à la Régie de l’énergie (Régie) une demande d’avis sur les mesures susceptibles d’améliorer les pratiques tarifaires dans le domaine de l’électricité et du gaz naturel (l’Avis).
Le 7 juin dernier, après plus d’un an de travaux, la Régie a transmis son Avis2 au ministre. Le mandat de la Régie était notamment de prendre en compte la détérioration de la capacité des ménages à faible revenu à payer à temps leurs factures d’électricité. Elle devait également considérer l’effritement de la compétitivité des tarifs d’électricité de certains secteurs industriels québécois. En outre, la Régie devait proposer au ministre des solutions pour les industries ayant des besoins particuliers, notamment les entreprises serricoles et les stations de ski.
Dans le cadre de cet Avis, en ce qui a trait à l’électricité, la Régie analyse les options tarifaires offertes aux catégories de consommateurs et examine la compétitivité des tarifs applicables à la grande industrie et à certaines industries aux besoins particuliers. La Régie propose à cet égard différentes pistes de solutions. L’interfinancement entre les catégories de consommateurs et le soutien aux ménages à faible revenu font également l’objet de recommandations.
Pour le gaz naturel, la Régie étudie les enjeux liés aux tarifs et à la structure tarifaire ainsi que ceux associés au traitement des biogaz et leur valorisation en gaz naturel renouvelable.
Plusieurs pistes de solutions susceptibles de favoriser la transition vers un environnement énergétique caractérisé par l’arrivée de nouvelles technologies sont portées à l’attention du ministre. Bon nombre de ces pistes offrent un rôle actif aux consommateurs d’énergie. L’Avis aborde finalement la question des choix énergétiques au Québec. Voici en quelques lignes certains des faits saillants de l’Avis dans le domaine de l’électricité et plus particulièrement la tarification dynamique, l’interfinancement ainsi que les enjeux des nouvelles technologies et des choix énergétiques au Québec.
Présentement, l’offre tarifaire d’Hydro-Québec se caractérise par des tarifs fixes toute l’année et par une structure qui inclut un certain nombre d’options tarifaires et de programmes spécifiques en gestion de la demande et en efficacité énergétique.
La tarification dynamique impliquerait une variation des prix de l’énergie en fonction de différentes périodes (saison, mois, jour, heure ou en pointe et hors pointe). Les prix refléteraient alors la variabilité des coûts d’approvisionnement et, dans certains cas, se déclineraient en fonction des périodes de pointe et hors pointe. La tarification dynamique peut inclure la tarification différenciée dans le temps, la tarification en temps réel et la tarification en période critique.
Selon Hydro-Québec, les déplacements de charge des consommateurs ne lui sont véritablement utiles que pour un nombre limité d’heures au cours de l’hiver, soit moins de 100 heures. Toutefois, une tarification dynamique de type « heures critiques » s’appuyant sur de nouvelles technologies en matière de domotique et d’applications informatives pourrait s’avérer bénéfique pour le Québec. Elle permettrait une réduction de la demande à la pointe pour Hydro‑Québec en échange d’une réduction de la facture des consommateurs ayant la volonté et la capacité de réduire leur consommation durant les heures critiques pour le réseau.
Selon la Régie, la mise en place d’une telle option permettrait de gérer de manière optimale les ressources disponibles et enverrait aux consommateurs un signal de prix clair tenant compte de la réalité des coûts pour Hydro-Québec. La Régie rappelle à cet égard que le principe de respect de la vérité des coûts est au cœur du rôle que doit jouer le régulateur lorsqu’il fixe les tarifs. Cela pourrait également avoir comme effet de stimuler l’innovation technologique au Québec ainsi que le développement de solutions et d’entreprises offrant des services ou des produits permettant une gestion dynamique et optimale de la consommation d’électricité. La Régie considère que la tarification dynamique aux périodes de pointe permettrait aux consommateurs résidentiels et aux entreprises ayant la capacité de déplacer une partie de leur consommation en dehors des heures critiques, de réduire leurs factures énergétiques et ainsi, dans le cas des entreprises, d’améliorer leur compétitivité.
Par conséquent, la Régie demande à Hydro-Québec de lui présenter des propositions d’options volontaires de tarification dynamique aux heures critiques accessibles à toutes les catégories de consommateurs en vue d’une mise en application débutant à l’hiver 2018-2019. Il faut donc s’attendre à ce que le prochain dossier tarifaire du Distributeur porte notamment sur ces enjeux.
La Régie rappelle qu’un des principes sous-jacents à toute structure tarifaire est d’être équitable et non discriminatoire. Cela implique que généralement le revenu généré par les tarifs applicables à une catégorie de consommateurs devrait normalement refléter le coût attribuable à sa desserte.
Malgré ce principe, l’interfinancement existe entre les différents tarifs applicables au Québec. En effet, les tarifs applicables à la catégorie domestique (tarif D) permettent actuellement de recouvrer 84 % des coûts attribuables à cette catégorie, tandis que les grands clients industriels (tarif L) génèrent davantage de revenus (113 %) que les coûts dont ils sont responsables. Autrement dit, les grandes industries du Québec subventionnent en quelque sorte le secteur résidentiel. Ceci est également vrai pour les clients de petite, de moyenne et de grande puissance, pour lesquels les indices d’interfinancement sont de 119,4 %, 131 % et 108,5 %, respectivement.
Parmi les juridictions canadiennes étudiées par la Régie au cours de ses travaux, cette dernière a constaté, d’une part, que l’interfinancement n’est pas toujours en faveur des tarifs résidentiels et, d’autre part, que l’écart entre les catégories de consommateurs n’est pas aussi élevé qu’il l’est au Québec.
La Régie ne considère pas que l’abolition complète de l’interfinancement soit souhaitable ou envisageable dans un horizon prévisible. Elle suggère néanmoins au ministre de modifier la Loi afin de lui donner plus de souplesse à l’égard de l’interfinancement. Afin d’éviter un choc tarifaire, la Régie considère que tout ajustement visant à réduire le degré d’interfinancement, même partiel, devrait être considéré sur un horizon de long terme.
Malgré que l’écart observé entre le tarif L et les autres tarifs industriels se soit rétréci au cours des 15 dernières années, la Régie constate que le tarif L d’Hydro-Québec est toujours compétitif par rapport aux tarifs équivalents dans d’autres juridictions. De l’avis de la Régie, le léger effritement de la compétitivité du tarif L observé est compensé par le fait que ce dernier affiche une croissance modérée et une plus grande prévisibilité d’une année à l’autre, deux caractéristiques recherchées par les industries à très forte consommation d’énergie. Le faible taux d’émission de gaz à effet de serre associé à la production hydroélectrique procurent également un avantage concurrentiel aux industriels québécois.
Toutefois et afin de pallier cet effritement, la Régie propose à Hydro-Québec d’assouplir l’admissibilité au tarif L. Elle est aussi d’opinion qu’un tarif de développement industriel offert pour un terme fixe, d’une durée plus longue et non liée aux surplus énergétiques pourrait attirer d’autres types d’investissements au Québec. À cet égard, elle suggère d’introduire un tarif de développement industriel basé sur un bloc d’énergie dédié afin qu’une telle offre ne soit pas financée par les autres catégories de consommateurs.
La Régie émet aussi des recommandations quant aux nouvelles technologies et aux choix énergétiques que la société québécoise est appelée à faire. Elle adresse tour à tour l’autoproduction d’électricité, l’énergie solaire, le stockage d’énergie, le mesurage net et la mobilité électrique. La Régie note que l’autoproduction d’électricité demeure pour l’instant très marginale au Québec, surtout avec des panneaux solaires. Elle invite le gouvernement à demeurer à l’affût des nouvelles technologies et suggère que Transition énergétique Québec puisse soutenir des projets pilotes de production d’énergie renouvelable combinés à du stockage d’électricité. La Régie recommande la tenue d’une consultation publique sur l’autoproduction afin de revoir les paramètres de l’option de mesurage net et d’en évaluer l’impact sur l’ensemble des coûts.
Relativement à l’énergie solaire, nous rappelons qu’Hydro-Québec a annoncé tout récemment avoir la ferme intention de construire et d’opérer un parc solaire de 100 mégawatts au Québec au cours des prochaines années. Les investissements pourraient atteindre les 200 M$. Selon Hydro-Québec, le virage vers (ou l’adoption de)l’énergie solaire serait devenu incontournable en raison des faibles coûts de production et du développement technologique3.
Quant à la mobilité électrique, la Régie recommande d’offrir aux propriétaires de véhicules électriques une option de tarification dynamique de type « heures critiques » pour amoindrir l’impact potentiel de la recharge des véhicules électriques sur la demande de pointe du réseau.
Pour conclure, compte tenu de l’interrelation entre les différentes formes d’énergie, la Régie souligne que le meilleur choix économique repose sur l’examen de toutes les solutions possibles. Il faut prendre conscience que les besoins des consommateurs québécois peuvent être comblés par plus d’une forme d’énergie. À titre d’exemple, un projet d’investissement en électricité ou gaz naturel pourrait être jugé non rentable en vertu des principes économiques traditionnels, c’est-à-dire que la valeur actualisée des revenus générés par le projet ne permettrait pas de recouvrer les coûts d’investissement du projet. Par contre, le prix payé par les consommateurs qui comblent leurs besoins avec une autre forme d’énergie pourrait être nettement supérieur à celui du gaz naturel ou de l’électricité. Selon la Régie, si ce surcoût était socialisé, il pourrait justifier la rentabilité d’un projet qualifié de non rentable. Ce faisant, la Régie propose que les projets d’investissement en croissance des distributeurs d’énergie soient examinés en considérant les coûts des différentes avenues énergétiques.
Il reste à voir quelles recommandations ou pistes de solutions seront mises de l’avant…
[3] http://www.tvanouvelles.ca/2017/06/28/hydro-quebec-veut-construire-un-parc-solaire; voir aussi http://www.journaldemontreal.com/2017/06/28/hydro-veut-construire-et-operer-un-parc-solaire-de-100-mw; http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201706/25/01-5110672-quebec-met-le-cap-sur-le-transport-vert-et-le-solaire.php
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