Dale C. Hill
Partner
Tax Services, National Leader - Transfer Pricing & Competent Authority Group
Article
La pandémie de la COVID-19 a plongé des centaines de millions de personnes dans l'incertitude à l'échelle de la planète en bouleversant tous les aspects de notre vie quotidienne. Les gouvernements et les autorités fiscales se demandent non seulement comment maintenir la viabilité de la macroéconomie au sens large à court terme, mais aussi comment ramener l'économie à l'équilibre budgétaire à moyen et à long terme. Dans un article publié par le groupe Prix de transfert et autorités compétentes de Gowling WLG intitulé : « Activités de vérification de l'ARC : le calme avant la tempête? », les auteurs ont émis l'hypothèse que l'Agence du revenu du Canada (« ARC ») intensifierait probablement ses activités de vérification, une fois l'épisode de la COVID-19 enfin derrière nous, en vue de contrôler les déficits publics.
L'incertitude supplémentaire causée par la COVID-19 aura sans doute un impact sur le monde des prix de transfert, en particulier en ce qui a trait à la sélection de comparables tiers fiables pour les comparaisons des transactions entre parties liées pendant cette période de perturbation économique. Ceux qui travaillent avec des comparables, qu'ils soient praticiens ou contribuables, savent que trouver des comparables même dans les meilleures circonstances est difficile. En raison des problèmes économiques créés par la COVID-19, la sélection des comparables deviendra encore plus difficile pour deux raisons principales. Tout d'abord, la COVID-19 rendra plus difficile la détermination de bénéfices fiables et de pleine concurrence pour un membre d'un groupe de sociétés multinationales sur la base de données provenant des résultats de l'année précédente d'un ensemble de comparables. Deuxièmement, en raison de la COVID-19, il sera plus difficile de veiller à ce que les coûts engagés par la partie testée (qui ont un impact direct sur les bénéfices) soient suffisamment similaires à ceux des comparables envisagés. Ces questions sont importantes, étant donné la nécessité d'assurer la cohérence des données entre la transaction testée et celles des comparables, afin de tirer des conclusions fiables sur les bénéfices.
L'établissement des prix, et donc l'attribution des bénéfices, pour les transactions entre parties liées implique généralement de comparer les rendements d'une partie (dans certains cas les deux) pour une année donnée avec les rendements d'un ensemble de comparables. Étant donné que les données financières déclarées par des sociétés comparables sont publiées après les transactions de l'année en cours, c'est-à-dire que, par exemple, les marges de la période en cours (ou de la période « t ») seront comparées à celles d'un ensemble de comparables en utilisant des données historiques (par exemple, t-1 à t-5). Si nous procédons à la détermination des bénéfices d'une partie liée pour l'année d'imposition 2020 (l'année où la COVID-19 aura eu un impact significatif sur les bénéfices), nous devrions normalement évaluer le caractère raisonnable des marges de l'année d'imposition 2020 en les comparant aux marges déclarées par un ensemble de comparables au moyen de données des années précédentes. Il est clair que cette situation est problématique, car les marges déclarées par la partie testée seront probablement grandement affectées par la COVID-19 et les données des comparables n'intégreront pas les aspects économiques de la pandémie. Ce décalage des circonstances économiques continuera pendant de nombreuses années jusqu'à ce que la COVID-19 soit loin derrière nous, et lorsque les circonstances économiques de la partie testée seront comparables aux données pluriannuelles fournies par les comparables envisagés.
La manière dont les contribuables et les autorités fiscales traiteront cette question s'annonce difficile, étant donné que la COVID-19 aura probablement une incidence sur l'économie pendant de nombreuses années, et introduira plus d'incertitude dans ce qui sera sans doute un environnement de vérification plus controversé. Les négociations menées lors d'une vérification fiscale sur la manière de déduire des données significatives à partir de données comparables ne feront qu'ajouter de l'ambiguïté à un climat déjà incertain en matière de prix de transfert.
Une autre question qui rendra plus difficile la recherche d'informations comparables fiables a trait aux importantes subventions offertes par les organismes gouvernementaux (fédéraux, provinciaux/étatiques, locaux), et la manière dont ces dernières sont déclarées. Dans certains cas, elles sont déclarées en tant que revenus et dans d'autres, en tant que réduction des coûts. La recherche de comparables nécessite souvent de repérer des entreprises qui ont la même structure de coûts que celle de la partie testée. La pandémie de la COVID-19 a conduit les gouvernements du monde à offrir des subventions et autres incitatifs nécessaires pour assurer la viabilité économique des entreprises. Étant donné que ces subventions et la détermination de ceux qui les reçoivent sont spécifiques à chaque cas, cela pourrait conduire à une controverse sur la manière dont nous modifions ou examinons la base de coûts des comparables pour les rendre plus comparables à ceux de la partie testée. La note de service sur le prix de transfert PTM-17 de l'ARC (« PTM ») traite de l'incidence de l'aide gouvernementale sur les prix de transfert. En substance, la PTM stipule qu'aux fins du calcul des prix de transfert, la base de coûts de l'entité canadienne qui reçoit l'aide gouvernementale ne doit pas être réduite du montant de l'aide gouvernementale reçue. La manière dont les autres gouvernements dans le monde traiteront cette question n'est pas tout à fait claire, et ne sera très probablement résolue que dans le cadre de négociations avec les autorités compétentes après que des redressements d'audit auront été soulevés.
Dans le meilleur des cas, trouver des comparables pour les prix de transfert est un défi. La pandémie actuelle de COVID-19 rendra cette tâche encore plus difficile, en particulier pour l'année fiscale 2020. Dans le cadre de l'établissement des prix de transfert, les bénéfices d'une société multinationale pour une année donnée sont comparés aux bénéfices déclarés par certains comparables sélectionnés au cours des années précédentes.
Les entreprises de nombreux secteurs verront sans doute leurs bénéfices de 2020 réduits de manière significative par la COVID-19, tandis que les données communiquées par des comparables (qui ont utilisé des données au plus tôt un an auparavant, c'est-à-dire en 2019) n'indiqueront pas d'importantes réductions. Par conséquent, il y aura beaucoup plus de controverse sur la question de savoir où les bénéfices de pleine concurrence devraient se situer dans la fourchette. Les contribuables peuvent s'attendre à plus de controverses liées aux vérifications, surtout si par le passé, ils ont déclaré des bénéfices et s'attendent maintenant à subir des pertes.
Compte tenu de cet environnement économique inédit, les contribuables devront défendre leurs prix de transfert, non seulement par une analyse économique comparable plus solide, mais aussi par une analyse qualitative plus poussée (telle qu'une analyse sectorielle) pour démontrer que tous les prix interentreprises sélectionnés, et donc les bénéfices déclarés, respectent la norme de pleine concurrence.
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