R. Nelson Godfrey
Partner
Patent Agent, Trademark Agent; National Practice Group Leader - Trademarks
Article
Le présent article traite des cinq enjeux juridiques clés propres au domaine de la propriété intellectuelle (PI) que les entreprises en technologie doivent connaître et fait écho à l'article récent de ma collègue Tara Amiri sur les cinq principaux enjeux juridiques importants pour les entrepreneurs en technologie.
Enregistrés ou non, les droits de propriété intellectuelle reconnus par les lois canadiennes se présentent sous de nombreuses formes différentes. Certaines, comme les brevets, doivent être enregistrées pour être protégées. D'autres, telles que les marques de commerce et les droits d'auteur, n'ont pas besoin d'être enregistrées pour bénéficier de protection, mais l'enregistrement offre certains avantages qui peuvent faciliter cette protection.
Les informations confidentielles et les secrets commerciaux, considérés comme une forme de propriété intellectuelle, ne peuvent être enregistrés, car il n'existe pas de législation fédérale leur conférant une protection. Ils sont plutôt protégés par une combinaison de droits de common law et de droits contractuels applicables par les tribunaux et par un ensemble de lois provinciales telles que la Privacy Act de la Colombie-Britannique offrant une protection limitée pour certains types d'informations confidentielles.
Par exemple, le code source d'un logiciel est généralement considéré comme étant couvert à la fois par les lois de droit d'auteur et de protection de la vie privée, dans les cas où il est gardé confidentiel par le propriétaire. Une bonne stratégie de gestion de la PI tient compte des différents types de protection disponibles, selon les circonstances particulières des affaires d'un entrepreneur, et de la meilleure façon d'exploiter les droits de PI pour créer et en maintenir la valeur.
Dans le domaine de la PI, ce n'est pas parce qu'on détient un produit qu'on en est nécessairement propriétaire. Les entrepreneurs croient à tort que s'ils concluent un contrat avec un prestataire et le paient pour développer un produit, ils sont également titulaires des droits de PI incorporés dans ce dernier. Ce n'est pas forcément le cas. En règle générale, le prestataire conservera les droits de propriété intellectuelle contenus dans le produit de son travail, sauf disposition contraire écrite.
Ainsi, la Loi sur le droit d'auteur du Canada prévoit que le premier titulaire du droit d'auteur est l'auteur de l'œuvre, et la loi canadienne sur les brevets prévoit que le premier titulaire d'une invention est l'inventeur de celle-ci. Même si le prestataire a été rémunéré pour son travail, à moins qu'il n'existe une cession écrite des droits d'auteur et du brevet du prestataire à l'entrepreneur, le prestataire peut conserver la propriété des droits d'auteur et de brevet sur le produit de son travail et peut être libre d'utiliser les droits de PI s'y rattachant pour fournir des services à d'autres clients. Cela pourrait poser des problèmes des années plus tard dans le contexte de l'application de droits, de l'octroi de licences ou encore de transactions comprenant des actifs de PI clés, si l'entrepreneur suppose à tort qu'il détient tous les droits de PI pertinents sur ses produits.
Pour éviter tout doute, les entrepreneurs devraient obtenir des mandats écrits de tous les prestataires, et ce, à un stade précoce.
Trouver le bon nom n'est pas facile. Il doit être mémorable, adapté à votre entreprise, et vous distinguer. Les entrepreneurs croient souvent à tort que si leur nom commercial ou dénomination sociale préféré est approuvé pour l'enregistrement dans la base de données provinciale ou fédérale des entreprises, ils doivent être libres de l'utiliser comme marque de commerce. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas.
L'enregistrement d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale signifie uniquement que le nom choisi répond aux exigences minimales sur le plan fédéral ou dans la province concernée, selon le cas. Alors que les registres des sociétés au niveau fédéral et provincial prennent en considération les marques enregistrées au nom d'autrui (c'est-à-dire que dans certains cas, une dénomination sociale ou commerciale proposée sera refusée si elle est identique à une marque de commerce enregistrée), ils ne procèdent cependant pas à une analyse complète pour déterminer si la dénomination sociale ou commerciale proposée est similaire à une marque enregistrée. Les registres des sociétés ne tiennent pas compte non plus des droits des marques en common law, de sorte qu'une dénomination sociale ou un nom commercial peut être approuvé par un registre des sociétés même si la marque utilisée est similaire ou même identique au point de prêter à confusion à une marque non enregistrée utilisée par un concurrent.
Pour parer à ce risque, il est conseillé d'effectuer des recherches de disponibilité complètes afin de s'assurer qu'aucune marque déposée ou marque de commerce en common law n'est susceptible d'entrer en conflit avec leur nom commercial ou dénomination sociale.
Le terme « logiciel libre » désigne un logiciel dont le code source peut être inspecté, modifié et bonifié par quiconque. En général, les licences de logiciels libres donnent aux utilisateurs et aux développeurs la permission de les utiliser à de nombreuses fins différentes, et certaines licences permettent à ces derniers de les utiliser pour faire tout ce qu'ils veulent. Les licences de logiciels libres sont populaires auprès d'entrepreneurs de nombreux secteurs, car elles sont rapides et faciles à utiliser, encouragent la collaboration et, surtout, elles sont gratuites.
Mais les conditions des différentes licences de logiciels libres varient considérablement et imposent des obligations différentes en matière d'octroi de licences et de protection de la PI. Certaines licences de logiciels libres (y compris les licences dites « copyleft ») stipulent que toute personne qui publie un programme de logiciel libre modifié doit également publier le code source de ce dernier. De plus, certaines licences de logiciel libre stipulent que toute personne qui modifie et partage un programme doit également partager le code source de ce programme sans demander de frais de licence. Et dans le cas de certaines licences de logiciel libre, y compris la licence Apache 2.0, il existe une concession expresse d'une licence de brevet dans le logiciel sous licence si le développeur est qualifié de « contributeur » au logiciel sous licence.
Avant d'utiliser des logiciels libres, les entrepreneurs doivent examiner attentivement les conditions associées à ces derniers, et la manière dont elles peuvent affecter leurs plans d'affaires et leurs stratégies de PI à l'avenir.
À bien des égards, les lois canadiennes en matière de PI sont bien établies. Le cadre de base de ces dernières est resté généralement cohérent pendant de nombreuses années. Mais, à d'autres égards, beaucoup de choses peuvent changer en relativement peu de temps.
En juin 2019, la Loi sur les marques de commerce canadienne a subi d'importantes modifications, notamment la suppression de l'obligation de déclarer l'utilisation d'une marque de commerce pour obtenir un enregistrement, l'adoption du Protocole de Madrid au Canada, et l'ajout de nouveaux motifs d'objection, d'opposition et de radiation. Ces changements ont eu un impact significatif sur la pratique en matière de marques de commerce au Canada. Au début de cette année (2020), les règles canadiennes sur les brevets ont été modifiées afin d'apporter des changements importants à la manière dont les demandes y afférentes s'effectuent au Canada. Et il y a quelques mois à peine, la Cour fédérale du Canada a rendu sa décision dans l'affaire Choueifaty c. Canada, laquelle a fondamentalement modifié la pratique du Bureau canadien des brevets en ce qui concerne les brevets de logiciels et les inventions mises en œuvre par ordinateur.
Plus tôt cette année (2020), la signature de l'ACEUM par le Canada, les États-Unis et le Mexique a ouvert la voie à des changements plus importants aux lois canadiennes sur la PI, notamment la prolongation de la durée des droits d'auteur, des pouvoirs supplémentaires de saisie et de destruction des marchandises contrefaites pour les douaniers, et de nouveaux recours civils et pénaux pour l'appropriation frauduleuse de secrets commerciaux. La législation visant à mettre en œuvre ces nouvelles obligations conventionnelles est toujours en cours d'élaboration.
À ce titre, les stratégies de PI des entrepreneurs canadiens se doivent d'être souples et réactives, afin de répondre aux changements des lois canadiennes en matière de PI ainsi qu'à leur application à leur situation particulière.
Cliquez ici pour lire l'article « Cinq principaux enjeux juridiques que tout entrepreneur en technologie doit connaître » de Tara Amiri
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