Cinq principaux enjeux juridiques que tout entrepreneur en technologie doit connaître

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24 novembre 2020

Vous vous lancez en affaires? Avant de démarrer une entreprise, tout entrepreneur doit prendre en compte de multiples facteurs, sans oublier d'importantes questions juridiques. Dans cet article, nous traitons de cinq enjeux principaux auxquels il faut s'attarder avant de faire le grand saut.



1. Structurer votre entreprise

L'une des premières décisions que vous aurez à prendre avant de démarrer votre entreprise concerne la forme ou la structure juridique que celle-ci prendra. En règle générale, cette décision revient à choisir entre :

  1. créer une entreprise à propriétaire unique; ou
  2. constituer une société par actions.

Une entreprise à propriétaire unique est créée par vous-même, la personne physique qui exploite une entreprise. En vertu de la loi, vous et votre entreprise êtes considérés comme une seule et même entité. La seule démarche nécessaire pour démarrer votre entreprise est d'obtenir un permis d'exploitation.

Si l'exploitation d'une entreprise à propriétaire unique comporte des avantages (vous avez, par exemple, le contrôle unique de tous les aspects de l'entreprise, et des coûts moindres d'installation et de maintenance), elle présente un inconvénient de taille : celui de la « responsabilité illimitée ». Un propriétaire ayant une « responsabilité illimitée » accepte tous les risques liés à l'entreprise et est personnellement responsable de toutes les dettes de l'entreprise à hauteur de ses biens et actifs. Pour un propriétaire avec une telle responsabilité, il est également plus difficile de réunir des capitaux, car les investisseurs éventuels pourraient également être tenus personnellement responsables des dettes de l'entreprise.

La société par actions est une autre structure courante d'entreprise. La société par actions est considérée comme une entité juridique distincte de ses actionnaires et elle jouit d'une « responsabilité limitée », ce qui signifie généralement que la responsabilité personnelle de chaque actionnaire se limite au montant de sa contribution au capital social de l'entreprise.

En plus de limiter la responsabilité personnelle des associés – ce qui les aide à réunir des capitaux plus aisément – la constitution d'une société par actions permet aux actionnaires d'avoir accès à différents pourcentages de propriété, différentes catégories d'actions comportant différents droits et restrictions, d'effectuer des transferts de propriété, et de faire une meilleure planification fiscale. La gestion d'une société par actions peut cependant être plus coûteuse et plus lourde sur le plan administratif (une société par actions doit produire des états financiers et des déclarations d'impôt), puisqu'elle est fortement réglementée (en particulier les sociétés ouvertes).

Une société par actions peut être : i) de compétence fédérale (constituée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions) ; ou ii) de compétence provinciale ou territoriale (par exemple, en vertu de la Business Corporations Act de la Colombie-Britannique). Le principal avantage de la constitution d'une société fédérale est que sa dénomination sociale, lorsqu'approuvée, jouit d'une protection à l'échelle du Canada plutôt que seulement dans le territoire ou la province de sa constitution, lorsque celle-ci est constituée en vertu d'une loi provinciale. Toutefois, la constitution en société en vertu de la loi fédérale entraîne des frais administratifs et juridiques supplémentaires, car une telle société fédérale devra également s'enregistrer auprès du gouvernement de la province ou du territoire où elle exerce ses activités.

2. La liste des conditions

Une fois que vous avez structuré votre entreprise, vous mettrez votre idée à l'essai (espérons-le) et il vous faudra du financement. Une manière typique de trouver du financement consiste à rechercher des parties qui investiront dans des entreprises en démarrage (start-ups) en qualité d'investisseurs providentiels ou de sociétés de capital-risque (« SCR »). À ce stade, vous entendrez souvent l'expression « liste des conditions ».

Dans sa forme la plus simple, la liste des conditions est un document récapitulatif général des conditions clés convenues entre l'entrepreneur et la SCR en vue d'un financement et couvrira, au minimum, les « aspects économiques » (évaluation de l'entreprise, c'est-à-dire quel pourcentage de l'entreprise correspond à l'argent investi) et les « aspects relatifs au contrôle » (qui dirigera l'entreprise). La liste des conditions est un document important : elle indique que la SCR est sérieuse quant à son investissement. Cette liste servira de feuille de route qui régira la relation entre les parties.

Les dispositions incluses dans une liste des conditions sont généralement non contraignantes et au minimum soumises à une vérification diligente, mises à part les dispositions en matière de confidentialité et d'exclusivité qui lient généralement les parties et les obligent à assurer la confidentialité des informations divulguées entre la société et la SCR, et à ne négocier qu'entre elles pendant une période de temps convenue (généralement de 30 à 60 jours).

3. Conventions entre actionnaires

Après la signature d'une liste de conditions non contraignantes, la SCR travaillera généralement avec l'entrepreneur pour compléter sa vérification diligente et préparer des documents juridiques définitifs, lesquels comprennent habituellement une convention entre actionnaires.

Une convention entre actionnaires est un contrat entre tous les actionnaires d'une société et la société elle-même. Elle vise à : i) structurer la relation entre les actionnaires d'une société, ii) créer un climat de certitude et définir les attentes entre les parties, et iii) anticiper et envisager de nombreux litiges éventuels. Une convention entre actionnaires peut également être un moyen efficace d'énoncer les détails de la gestion d'une entreprise. Il est important de réfléchir aux activités de l'entreprise, ainsi qu'aux besoins spécifiques des actionnaires lors de la rédaction de ce document et d'anticiper les besoins de chaque partie. Ce document, bien qu'il contienne certaines dispositions types, peut être adapté aux besoins spécifiques de chaque groupe (il n'existe pas de « modèle type » de convention entre actionnaires).

4. Droits recherchés par les SCR ou les investisseurs d'envergure quand ils investissent dans une entreprise

Quels sont les droits négociés dans une liste de conditions et qui se retrouvent dans une convention entre actionnaires?

Outre les termes relatifs aux aspects économiques (évaluation de l'entreprise) et au contrôle (qui prendra les décisions et dirigera l'entreprise), voici quelques-uns des droits recherchés par les SCR et les principaux investisseurs lorsqu'ils investissent dans une nouvelle entreprise :

  1. Préférence de liquidation – la préférence d'être payé en premier, advenant la liquidation de l'entreprise;
  2. Droits de participation – le droit de participer à des financements futurs afin de conserver un pourcentage de participation;
  3. Droits de veto – le droit d'interdire certains changements importants ou significatifs pour l'entreprise;
  4. Droits anti-dilution – la protection contre l'émission par la société de titres à un prix inférieur à la valeur de l'investissement de la SCR;
  5. Acquisition de droits – une SCR voudra s'assurer que les fondateurs sont motivés à rester à l'emploi de la société et à en assurer la croissance et, par conséquent, elle exigera probablement que les actions détenues par les fondateurs puissent être acquises en fonction du maintien à l'emploi (et deviennent ensuite des actions « accréditives ») pendant une certaine période. L'acquisition typique d'actions pour les fondateurs est l'acquisition mensuelle sur une période de 36 à 48 mois, les 12 premiers mois d'acquisition étant retardés jusqu'à ce qu'une période de 12 mois de service soit terminée. Une forme d'acquisition de droits qui est généralement acceptable pour les SCR est l'acquisition de droits accélérée dite « à double déclenchement », où l'acquisition s'accélère et les actions sont considérées comme « accréditives » si la société est acquise et si l'acheteur met fin à l'emploi du fondateur sans motif après cette acquisition;
  6. Obligation de suite et droit de suite – la clause d'obligation de suite est une clause qui permet aux détenteurs de la majorité des actions de forcer les actionnaires minoritaires à se joindre à une vente de leurs actions. Cela empêche les actionnaires minoritaires d'entraver une acquisition en s'opposant ou en exerçant des droits d'évaluation ou de dissidence en vertu de la loi applicable. La clause de droit de suite, quant à elle, permet aux actionnaires minoritaires de se départir de leur participation dans une entreprise si un actionnaire majoritaire souhaite vendre sa participation dans cette entreprise. Une telle clause est généralement avantageuse pour les actionnaires minoritaires, car elle leur permet de tirer profit d'un accord qu'un autre actionnaire est en mesure de conclure. Ces clauses (obligation de suite et droit de suite) s'équilibrent et demeurent indissociables l'une de l'autre lorsqu'elles sont toutes deux incluses dans une convention entre actionnaires, ou qu'elles en sont exclues; et
  7. Droits d'information – le droit d'obtenir certaines informations comme des informations financières.

5.  Ententes de confidentialité

Une entente de confidentialité, également appelée « entente de non-divulgation » est une entente qui s'applique aux renseignements confidentiels divulgués, et qui contrôle et limite leur divulgation et leur utilisation. Une telle entente vise à empêcher qu'une idée ou une technologie ne soit volée ou copiée. Les ententes de confidentialité sont généralement conclues au cours de la phase de négociation des fusions, des financements, des rachats d'entreprises et des coentreprises afin de permettre aux parties de réduire le risque que des renseignements confidentiels soient divulgués.

Lorsque vous démarrez une entreprise et que vous souhaitez partager vos idées avec une autre partie, vous devez vous demander s'il est avisé de conclure une entente de confidentialité afin que la partie en question soit au courant des renseignements confidentiels divulgués (par exemple, les technologies brevetées, les listes de clients, les recettes secrètes), des limites (partage exclusif avec les employés « qui ont besoin de connaître » les renseignements et certains conseillers clés), et des normes (précautions raisonnables) auxquelles la partie en question est assujettie concernant l'utilisation et la divulgation des renseignements confidentiels.

Cinq éléments à retenir :

  1. Bien structurer l'entreprise dès le début permet de jeter de bonnes bases pour l'avenir et évite de revenir à la case départ pour corriger des erreurs, ce qui peut coûter cher et entraîner des retards.
  2. Il est logique de procéder à la constitution d'une société à son démarrage, surtout avant de chercher des investisseurs providentiels ou des SCR pour investir dans votre entreprise.
  3. Lorsque vous négociez avec une SCR, pensez à vos principaux droits essentiels en tant que fondateur de l'entreprise, et concentrez-vous uniquement sur ceux-ci.
  4. Une convention entre actionnaires bien rédigée et qui a fait l'objet d'une bonne réflexion vous permettra d'anticiper tout différend pouvant survenir et d'être en mesure de le régler. Elle en vaut la peine et le coût.
  5. Au moment de rédiger une entente de confidentialité, prenez bien le temps de définir ce que vous entendez par « renseignements confidentiels » et comment ils s'appliquent à votre entreprise en particulier. Ainsi, toutes les parties concernées sauront ce qui doit être protégé précisément et quelles mesures mettre en œuvre pour s'en assurer.

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