Le 22 janvier 2021, le ministère des Finances de l'Ontario, au Canada, a publié le rapport final du Groupe de travail sur la modernisation relative aux marchés financiers (le « Groupe de travail »). Mis sur pied en février 2020 par le gouvernement de l'Ontario, le Groupe de travail s'est vu confier le projet de mener un examen exhaustif du cadre réglementaire des marchés financiers de l'Ontario afin de conseiller le ministère des Finances et d'émettre des recommandations qui guideront ses prochaines actions.

Le Groupe de travail a présenté des recommandations particulièrement importantes au sujet de la réglementation entourant la communication d'informations financières de la part des émetteurs au sujet des changements climatiques. Emboîtant le pas aux autorités en valeurs mobilières, aux commentateurs de la réglementation des marchés et aux administrateurs importants de fonds d'investissement de partout dans le monde, le Groupe de travail a reconnu la nécessité de créer, pour les sociétés ouvertes, une approche uniforme de la façon de communiquer les risques associés aux changements climatiques. Actuellement, les sociétés ouvertes ontariennes ont la responsabilité d'exercer leur propre jugement pour déterminer la nature et l'ampleur des données sur les changements climatiques devant être communiquées dans leurs documents d'information. Les changements climatiques et les politiques publiques mises en place en réponse à ces changements perturbent les stratégies commerciales et entraînent des dépréciations importantes dans les secteurs industriels connus pour leur forte production de carbone. Ainsi, la nécessité de réglementer de façon claire et cohérente les obligations d'information de l'émetteur n'a cessé de s'imposer davantage comme une composante essentielle de tout système moderne de réglementation des valeurs mobilières.

Le rapport final du Groupe de travail a été dévoilé peu après la publication, par le Bureau du surintendant des institutions financières (« BSIF »), un organisme fédéral canadien, d'un document de travail intitulé Incertitude et changements climatiques : Déjouer le risque lié aux changements climatiques par la préparation et la résilience. Tout comme le rapport du Groupe de travail, le document de travail du BSIF est un signe clair que les sociétés canadiennes cotées en bourse doivent s'attendre à voir émerger des obligations réglementaires en matière d'information quant aux risques associés aux changements climatiques. Si ce n'est déjà fait, ces sociétés ont tout intérêt à s'intéresser à ces obligations et à réfléchir à ce qu'elles devront peut-être changer pour s'adapter au cadre réglementaire en mutation.

À quoi ressemble l'information relative aux changements climatiques?

Les politiques passées, comme le « Plan environnemental conçu en Ontario », ont reconnu la nécessité d'établir une réglementation cohérente des obligations d'information sur les changements climatiques, mais n'ont pas précisé en quoi devraient consister ces informations. Or, le rapport du Groupe de travail recommande maintenant d'adopter les indicateurs reconnus internationalement qui sont l'œuvre d'un autre groupe de travail comptant 31 membres issus du G20 parmi lesquels figurent des professionnels de la comptabilité et acteurs du domaine des valeurs mobilières : le Groupe de travail sur l'information financière relative aux changements climatiques (GIFCC). Les indicateurs mis de l'avant par le GIFCC, loin de tout couvrir, sont néanmoins beaucoup plus détaillés que ce que l'on a pu observer dans les propositions précédentes de l'Ontario. Ils comportent les éléments suivants, qui, selon nous, donnent un bon aperçu de ce à quoi l'on peut s'attendre :

Exemples de questions sur l'information à communiquer : [1]

Décrivez la surveillance des risques et des occasions liés aux changements climatiques effectuée par le conseil d'administration.

Décrivez la manière dont la direction évalue et gère les risques et les occasions liés aux changements climatiques.

Décrivez les risques et les occasions que votre organisation anticipe à court, à moyen et à long terme liés aux changements climatiques.

Décrivez les effets des risques et des occasions liés aux changements climatiques sur les activités, la stratégie et la planification financière de l'organisation.

Présentez les données sur vos émissions de gaz à effet de serre (GES) et les risques connexes.

Quand votre entreprise devra-t-elle tenir compte de cette nouvelle réglementation?

Actuellement, les recommandations du Groupe de travail ne sont que cela : des recommandations. Tant que cette proposition n'aura pas été adoptée et qu'elle ne sera pas une loi, les sociétés ouvertes de l'Ontario ne seront assujetties à aucune nouvelle exigence légale en matière d'obligations d'information. Les sociétés ontariennes cotées en bourse ont déjà le devoir de fournir des informations sur les principaux risques pour leur entreprise, ce qui inclut les principaux risques associés aux changements climatiques. Ce qui manque toujours à notre cadre réglementaire, ce sont les critères et les normes régissant ces communications d'information. Dans nombre de sociétés ouvertes, des conseils d'administration et des équipes de direction jonglent déjà avec ces enjeux et tentent de déterminer ce que signifiera pour eux ce nouvel aspect du processus de communication de l'information en constante évolution.

Si les recommandations du Groupe de travail étaient mises en œuvre telles qu'elles figurent dans le rapport, la phase de transition pour les sociétés ouvertes de l'Ontario pourrait durer entre deux et cinq ans, et le respect des obligations serait implanté progressivement, en fonction de la capitalisation boursière de chaque société.

Au croisement des entreprises, des changements climatiques et des marchés financiers

Ces recommandations très récentes de la part du Groupe de travail en faveur d'un processus étoffé et uniformisé de communication d'informations financières sur les changements climatiques sont de toute évidence plus complètes et plus détaillées que les recommandations antérieures; la proposition du Groupe de travail semble donc en bonne voie de devenir une loi. En effet, il est primordial pour le gouvernement ontarien d'adopter des exigences cohérentes d'information liée aux changements climatiques si ce dernier aspire à demeurer à jour, pertinent, compétitif sur le plan international et arrimé à la réglementation sur les valeurs mobilières d'autres marchés importants du monde.

Bref, il serait prudent pour les émetteurs de commencer à réfléchir à la façon dont ils intégreront à leur stratégie d'entreprise la question évolutive des obligations de production de rapports sur les changements climatiques en ce qui a trait aux valeurs mobilières.


[1] Rapport final de recommandations du Groupe de travail sur l'information financière relative aux changements climatiques (en anglais), juin 2017, page 19.