Melissa Tehrani
Associée
Chef, Groupe national Publicité et réglementation des produits
Article
Le spectre d’une guerre tarifaire entre les États-Unis et le Canada sur une multitude de biens, dont de nombreux produits de consommation, motive de plus en plus les consommateurs canadiens à se tourner vers des produits du pays. Cet intérêt grandissant pour les produits locaux pousse les annonceurs à mettre de l’avant les produits faits ici.
Mais attention! Avant de coller une étiquette « Fait au Canada » sur votre produit ou d’y apposer la célèbre feuille d’érable rouge, assurez-vous de bien comprendre les exigences réglementaires qui régissent ces indications. Les commerçants doivent tenir compte d’un ensemble de règles lorsqu’ils souhaitent présenter un produit comme étant « canadien ». Ces règles s’appliquent aux fabricants des produits, mais aussi aux détaillants qui souhaitent utiliser des messages en magasin concernant ces produits.
Voici les principales règles juridiques à retenir si vous annoncez que vos produits sont faits de ce côté-ci de la frontière et que vous voulez attirer l’attention des consommateurs et non celle des autorités.
Toutes les indications affirmant qu’un produit est fabriqué au Canada ne sont pas égales. Les chaînes d’approvisionnement traversent souvent les frontières et il n’est pas rare que les différentes étapes de fabrication d’un produit soient réalisées dans plus d’un pays, que les matières premières proviennent d’un peu partout dans le monde et que les produits soient expédiés par transport international à différents stades du processus de fabrication.
On voit bien, donc, que déterminer si un produit est « Fait au Canada » n’est pas un jeu d’enfant. Le Bureau de la concurrence a établi des lignes directrices strictes et détaillées qui expliquent les éléments sur lesquels les organisations doivent se fonder pour donner des indications concernant un produit provenant du Canada.
Selon les Lignes directrices publiées par le Bureau de la concurrence, une indication « Fait au Canada » est justifiée lorsque les trois conditions suivantes sont réunies :
En revanche, les indications « Produit du Canada » sont assujetties à des règles plus strictes. Le Bureau précise que cette indication peut être utilisée si :
Ainsi, lorsqu’elles souhaitent utiliser une indication « Fait au Canada » ou « Produit du Canada », les entreprises doivent en premier lieu déterminer où a eu lieu la dernière « transformation substantielle » du produit. On parle de « transformation substantielle » lorsque des biens subissent une « modification fondamentale de leur forme, de leur apparence ou de leur nature » qui fait en sorte que le produit de la transformation est un article nouveau et différent de celui qu’il était avant la transformation. Il ne suffit pas d’emballer ici un produit fabriqué à l’étranger pour en faire un produit canadien! (Néanmoins, il est toujours possible d’utiliser des indications plus ciblées comme on peut le voir un peu plus loin.)
Il est également important de tenir des registres pour être en mesure de prouver où ont été engagés les coûts de fabrication et de production, y compris les coûts de main-d’œuvre raisonnablement imputables à la fabrication.
D’autres exigences particulières s’appliquent aux indications relatives à l’origine des aliments et boissons, qui sont réglementées par Santé Canada. Ne manquez pas notre prochain bulletin qui vous éclairera sur ces indications!
S’il est impossible d’utiliser l’indication « Fait au Canada » ou « Produit du Canada » parce que le produit n’y est pas admissible, il y a toujours moyen de montrer qu’il a des liens canadiens plus ténus, pourvu que l’entreprise fasse bien attention de ne pas donner une impression générale « trompeuse » en ce qui concerne son lien avec le Canada.
Si des produits ne répondent pas aux exigences ci-dessus, mais possèdent des liens plus ténus avec le Canada, le Bureau recommande aux annonceurs d’utiliser des énoncés descriptifs qui précisent la portée exacte de la participation canadienne.
À titre d’exemple, le Bureau propose les indications « Assemblé au Canada — composants importés » ou « Cousu au Canada — tissu importé ».
Ces indications doivent être précises et exemptes de toute ambiguïté. Elles ne doivent pas induire les consommateurs en erreur ni mettre exagérément l’accent sur l’origine canadienne du produit. Les indications utilisant des termes généraux tels que « produit » ou « fabriqué » au Canada doivent être évitées, car elles peuvent être trompeuses. Selon le Bureau, « les consommateurs risquent de comprendre des indications utilisant des termes généraux tels que "produit" ou "fabriqué" au Canada comme synonymes d’indications "Fait au Canada". De telles indications devraient donc satisfaire aux mêmes exigences que les indications "Fait au Canada" ».
Le Bureau ajoute qu’un annonceur peut indiquer qu’un aspect de la fabrication ou autre procédé a été effectué au Canada, par exemple « Conçu au Canada ». De même, il peut signaler que le moteur d’une tondeuse à gazon a été « Fabriqué au Canada avec des pièces canadiennes et importées ». Mais prudence... l’indication est acceptable, pourvu qu’elle précise sans équivoque qu’elle concerne un procédé ou composant en particulier et non la fabrication du produit dans son ensemble.
Les symboles comme le drapeau canadien et la feuille d’érable à 11 pointes sont des outils redoutablement efficaces qui permettent aux annonceurs de toucher la corde sensible de la fierté nationale et de revendiquer l’authenticité de leurs produits. Cependant, ces symboles sont protégés par la loi et doivent être utilisés de manière respectueuse par les annonceurs.
Le drapeau canadien et d’autres symboles gouvernementaux sont également protégés par des lois telles que la Loi sur les marques de commerce et la Loi sur le droit d’auteur, qui en interdisent toute utilisation abusive à des fins commerciales. Tout annonceur souhaitant utiliser ces symboles pour faire la promotion de ses produits doit obtenir le consentement du gouvernement canadien.
De plus, sachez qu’une représentation du drapeau canadien ou de symboles comme la feuille d’érable (la feuille d’érable à 11 pointes ou toute autre représentation plus fidèle à la nature) peut être considérée comme une indication de l’origine du produit, signifiant que c’est un produit canadien. Si le produit a été fabriqué en partie seulement au Canada, vous devrez joindre à ces images un énoncé descriptif. Si le produit n’a que peu de lien, voire aucun lien avec le Canada et qu’il a été principalement produit ou fabriqué hors du pays, la présence d’un drapeau ou d’une feuille d’érable sur l’emballage sera facilement considérée comme une indication trompeuse.
La fierté nationale, c’est bien, mais n’oublions pas la fierté régionale!
Les annonceurs qui utilisent des indications comme « Fait en Ontario » ou « Produit en Colombie-Britannique » doivent s’assurer de leur véracité. Même si les Lignes directrices du Bureau mentionnées précédemment régissent les indications sur l’origine nationale des produits, les règles générales relatives à la véracité des indications dans la publicité s’appliquent également aux indications sur l’origine provinciale ou régionale. De plus, les Lignes directrices peuvent donner quelques éclaircissements sur les éléments à prendre en compte pour étayer ces indications.
De plus, certaines provinces ont adopté leurs propres règles. Par exemple, le Québec exige que les entreprises obtiennent la permission de la province pour utiliser à des fins promotionnelles son drapeau ou ses symboles, notamment une fleur de lys qui pourrait porter à confusion en s’apparentant à celle utilisée par le gouvernement provincial.
Les certifications de tiers peuvent ajouter un poids aux indications « Fait au Canada ». On trouve par exemple le logo « Buy BC » pour les aliments et les boissons de la Colombie-Britannique, ou encore la certification « Produit du Québec » pour les produits québécois. Ces accréditations renforcent la confiance des consommateurs et leur permettent de reconnaître plus facilement les produits locaux.
Elles sont toutefois assorties de règles bien précises, chacune ayant des critères d’admissibilité qui comprennent souvent des normes de production ou de fabrication de base. Ces règles peuvent différer des Lignes directrices fédérales. Pour obtenir la certification, le produit devra respecter les critères applicables de l’émetteur et souvent, l’annonceur ou le fabricant devra obtenir une approbation officielle avant de pouvoir utiliser le nom et le logo de la certification.
Les annonceurs doivent également se montrer prudents lorsqu’ils utilisent des symboles qui pourraient donner faussement l’impression qu’il s’agit d’une certification de tiers. Les logos, les écussons et autres éléments graphiques qui semblent provenir de tiers, mais qui sont en réalité une création originale pourraient s’avérer trompeurs et mettre l’annonceur dans l’embarras.
Voici quelques renseignements supplémentaires qui seront très utiles aux annonceurs qui souhaitent afficher leurs produits aux couleurs nationales. Par exemple :
Sujet plus délicat : les annonceurs doivent y aller avec doigté lorsqu’ils formulent des énoncés qui pourraient avoir une connotation politique. Même si vous avez l’intention de restez neutre, il se pourrait que les consommateurs interprètent votre campagne publicitaire sous l’éclairage du climat politique ambiant. Avec l’annonce des tarifs, la prorogation du Parlement, l’approche des élections en Ontario (et fort probablement au fédéral) et les changements d’administrations, les annonceurs devront redoubler de vigilance lorsqu’ils doivent traiter une question pouvant avoir la moindre connotation politique.
La règle d’or du droit publicitaire est simple : soyez honnêtes. Toute représentation publicitaire doit être véridique, tant dans son sens littéral que dans l’impression générale qu’elle donne.
Lorsqu’on évalue la véracité d’une représentation, « le critère de l’impression générale doit être appliqué dans une perspective d’un consommateur moyen, crédule et inexpérimenté, qui ne prête rien de plus qu’une attention ordinaire à ce qui lui saute aux yeux lors d’un premier contact complet avec une publicité. » Dans la mesure où la représentation peut donner une impression trompeuse, ou pire encore, fausse, il s’agit d’une pratique interdite. Le seuil est bas, alors misez sur la transparence et la clarté de l’information dans votre publicité, et n’oubliez pas que les consommateurs pourraient interpréter vos indications d’une toute autre manière que celle que vous aviez prévue.
Les représentations fausses ou trompeuses peuvent donner lieu à une sanction pécuniaire pouvant atteindre 10 000 000 $, trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement trompeur ou, si ce montant ne peut pas être déterminé raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles de la personne morale. On voit donc qu’une indication « Fait au Canada » trompeuse ou l’utilisation de symboles canadiens laissant croire que le produit est d’origine canadienne peut s’avérer une erreur coûteuse!
Finalement, il faut noter qu’indépendamment de ce qui précède, la législation douanière établit diverses règles régissant le marquage de l’origine des marchandises, notamment les importations; il s’agit donc d’un régime distinct, dont les enjeux ne sont pas à confondre avec ceux abordés dans cet article.
Pour conclure, lorsque vous faites fièrement la promotion de vos produits fabriqués au Canada, n’oubliez pas que ces règles juridiques doivent guider toutes vos décisions. Vous éviterez ainsi les écueils de la publicité trompeuse et conserverez la confiance de vos consommateurs.
Si vous avez besoin d’aide pour mieux comprendre les règles examinées dans le présent bulletin ou pour évaluer la conformité de votre matériel publicitaire, n’hésitez pas à communiquer avec les auteurs ou avec un membre de l’équipe Publicité et réglementation des produits de Gowling WLG.
Vous trouverez des mises à jour et de l’information sur les tarifs américains et les contre-mesures tarifaires canadiennes dans notre portail de ressources sur les tarifs.
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