Faire avancer la recherche en droit et politiques publiques agroalimentaires

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25 avril 2018

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Cet article d'abord paru dans Food in Canada est publié avec la permission de l'éditeur.​

J'ai lancé cette chronique il y a 16 ans (wow, déjà 16 ans?), notamment pour que le droit agroalimentaire soit plus largement reconnu comme un domaine du droit distinct, important et en pleine expansion. Même si nous avons constaté des progrès au fil des ans, il nous reste encore beaucoup de chemin à faire. Nous ne disposons toujours pas d'un document complet sur le droit agroalimentaire au Canada. Aucun barreau provincial ne le reconnaît comme un domaine distinct du droit et, contrairement à de nombreux pays, nous n'avons aucun service d'information régulier et la plupart des écoles de droit ne l'enseignent pas.

J'ai donc été heureux, l'an dernier, de souligner dans cette chronique le premier Colloque annuel canadien en droit et politiques publiques agroalimentaires, dont la Schulich School of Law de la Dalhousie University a été l'hôte. Le deuxième colloque annuel, dont la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa a été l'hôte, a eu lieu en novembre 2017. De nombreuses personnes y ont participé et des universitaires et praticiens y ont fait un éventail impressionnant de présentations.

Également, à ce colloque, Vanita Sachveda, étudiante en droit de l'Université McGill, a obtenu le premier prix Gowling WLG – Joel Taller pour les voix émergentes en droit de l'alimentation. Ce prix est décerné à la mémoire de mon ancien associé, Joel Taller, décédé en mai dernier. Joel était un vrai pionnier dans le domaine du droit agroalimentaire, très respecté par le secteur d'activité et le secteur public pour son expertise juridique de pointe et son jugement éclairé. Membre fondateur du groupe Aliments et boissons de Gowling WLG, il a exercé le droit pendant 34 ans au bureau d'Ottawa, où il a représenté plusieurs grandes sociétés de produits alimentaires, de boissons et de produits de santé naturelle.

La dissertation de Vanita Sachdeva intitulée « Legal Barriers in the Adoption of Waste-derived Fertilizers » (Obstacles juridiques à l'adoption des engrais dérivés de déchets) est le genre d'analyse novatrice que le prix Taller vise à encourager. Mme Sachdeva démontre qu'une pénurie de phosphates de roche, principale source d'engrais commerciaux à l'heure actuelle, est imminente, et que la réaction la plus durable à cette crise serait la transition vers l'utilisation des déchets humains et animaux. Bien que la Loi sur les engrais et le Règlement sur les engrais permettent le recours aux « produits fabriqués avec les eaux d'égout », sa portée est trop limitée et la multiplicité des règlements provinciaux et municipaux contradictoires empêche qu'une transition sérieuse vers les biosolides ait lieu. Mme Sachdeva démontre que les grandes différences entre les normes régissant l'application des biosolides n'ont aucune base scientifique. Comme c’est le cas avec diverses politiques, notre incapacité à surmonter la fragmentation réglementaire est le principal frein à l'innovation. Mme Sachdeva conclut qu'en l'absence de changements législatifs, « le recours aux biosolides restera peu courant et inexploité... la crise du phosphore à laquelle le monde est confronté devra être gérée d'une autre manière si nos déchets ne peuvent pas être recyclés dans l'écosystème ». Mme Sachdeva a fait un excellent travail d'intégration de la science, du droit et de la politique pour révéler les obstacles politiques à une plus grande utilisation des engrais dérivés des déchets pour la production agricole.

Le progrès scientifique doit être le moteur principal de l'innovation dont nous avons désespérément besoin si nous voulons nourrir durablement la population mondiale croissante. Trop peu de gens comprennent que le plein potentiel de cette innovation ne pourra se réaliser si nos systèmes réglementaires sclérosés ne peuvent pas suivre. Par exemple, la chimie analytique a fait des ravages dans les régimes réglementaires de l'agroalimentaire. De nombreuses formes falsifiées qui prévoient une tolérance zéro viennent d'une époque où nous ne pouvions détecter que des parties par million. Maintenant que nous pouvons facilement détecter des parties par milliard, le « zéro » est de plus en plus petit et pourtant, même si nous n'avons aucune preuve de dommages pour la santé à ce niveau infime, nous continuons, en l'absence de changements réglementaires, à appliquer la réglementation. Au cours des dernières années, bon nombre de nos rappels d'aliments les plus importants concernaient des cas de non-conformité technique qui ne présentaient aucun danger pour la santé humaine. Nous avons besoin de recherches et d'analyses en droit et politiques publiques agroalimentaires pour suivre les progrès rapides de la science agroalimentaire. Avec une formation en science et en droit, Joel le comprenait mieux que personne. Il aurait été heureux de voir que la recherche de Mme Sachdeva a été reconnue.

Le troisième Colloque annuel canadien en droit et politiques publiques agroalimentaires aura lieu les 26 et 27 septembre 2018 à l'Université Laval.


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