La Cour d'appel fédérale s'en remet à Santé Canada pour interpréter le règlement sur les CPS (article en anglais)

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20 avril 2021

Dans sa première décision portant sur le Règlement sur les certificats de protection supplémentaire et l'interprétation de sa portée, la Cour d'appel fédérale a jugé raisonnable le refus du ministre de délivrer un certificat de protection supplémentaire (« CPS ») pour un brevet couvrant le SHINGRIX® de GSK. 



La décision de la Cour d’appel dans le dossier Canada (Health) v GlaxoSmithKline biologicals SA, 2021 FCA 71 (disponible en anglais) était un appel du jugement de la Cour fédérale de l'affaire 2020 FC 397, où la Cour fédérale avait annulé la décision du ministre de refuser un CPS.[1]

La Cour d'appel a jugé que la Cour fédérale avait erré en concluant que l'interprétation du ministre d’« ingrédient médicinal » en vertu du Règlement sur les certificats de protection supplémentaire était déraisonnable, et a accueilli l'appel. Ce faisant, la Cour d'appel a fourni des directives sur la définition d'« ingrédient médicinal » et d’« une revendication pour un ingrédient médicinal ou une combinaison de tous les ingrédients médicinaux » en vertu du paragraphe 3(2) du Règlement sur les certificats de protection supplémentaire.

Décision du ministre

GSK a fait une demande de CPS pour le brevet CA 2 600 905 (le « brevet 905 »), qui revendiquait à la fois l'antigène et l'adjuvant dans SHINGRIX®, un vaccin utile à la prévention ou à l'amélioration du zona. Le ministre a refusé la demande de GSK au motif que les revendications en cause n'étaient pas admissibles à un CPS parce qu'elles ne portaient pas sur l'ingrédient médicinal ou l'utilisation de l'ingrédient médicinal approuvé, comme l'exige l'article 3(2) du Règlement sur les certificats de protection supplémentaire. En refusant de délivrer le CPS, le ministre a adopté la position que l'adjuvant était un ingrédient non médicinal et que le brevet 905 revendiquait donc une formulation.

Le ministre a justifié son refus en s'appuyant sur le document de Ligne Directrice interne de Santé Canada classant les adjuvants comme des excipients, c'est-à-dire des ingrédients non médicinaux. Le refus du ministre s'appuyait sur une « uniformité linguistique » souhaitée en ce qui concerne le traitement des adjuvants au sein de Santé Canada.

Décision de la Cour fédérale

GSK a demandé un contrôle judiciaire de la décision du ministre, et la Cour fédérale a accueilli la demande, ordonnant que l'affaire soit renvoyée au ministre pour un nouvel examen. Ce faisant, la Cour fédérale a indiqué qu'à son avis, l'« ingrédient actif », terme utilisé dans l'Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne, comprendrait un ingrédient tel que l'adjuvant dont l'activité biologique est nécessaire à l'efficacité clinique du vaccin.

La Cour fédérale a conclu que le ministre avait adopté une « vision administrative étroite » en exigeant qu'un ingrédient médicinal ait un effet désiré indépendant sur le corps, c'est-à-dire, dans ce cas, la réponse cellulaire et immunitaire spécifique à l'antigène. La Cour fédérale a également fait remarquer que l'interprétation du ministre de la « revendication de l’ingrédient médicinal » était difficile à justifier, car rien d'autre que le REIR ne pouvait soutenir l'exclusion des revendications de formulation ni justifier l'exclusion de vaccins nouveaux et utiles, comme le vaccin SHINGRIX®.

Décision de la Cour d'appel fédérale 

Après un examen détaillé du régime réglementaire des CPS, la Cour d'appel fédérale (CAF) a évalué si l'interprétation par le ministre des expressions « ingrédient médicinal » et « revendication relative à l'ingrédient médicinal » était raisonnable, et a finalement conclu qu’elle l'était.

Commentaires de la CAF sur l'AECG et la protection sui generis accordée en vertu de l'article 20.27

La CAF a confirmé que l'objectif pertinent de l'AECG était [d’]« assurer une protection et une application adéquates et efficaces des droits de propriété intellectuelle sur le territoire où [l’AECG] s’applique » et, en particulier, que la protection fournie par un CPS est « vise à redresser une partie de la durée du brevet qui est consacrée à la recherche et au développement et à l'examen réglementaire en vue de l'approbation d'un produit pharmaceutique qui contient un nouvel ingrédient actif ou médicinal ou une nouvelle combinaison d'ingrédient actifs ou médicinaux ».[2]

De plus, la CAF a commenté que bien que « l'objectif soit d’accorder certains "droits semblables à ceux d'un brevet" pour compenser le temps perdu à obtenir l'approbation de médicaments et de vaccins innovants, le Canada n'a compris et accepté qu’une façon très spécifique et limitée de le faire ».[3]

À cet égard, la CAF a confirmé que le Canada a choisi d'adopter une politique selon laquelle seuls « les médicaments ou produits pharmaceutiques innovants qui contiennent un nouvel ingrédient actif ou médicinal ou une nouvelle combinaison d’ingrédients actifs ou médicinaux sont admissibles », et seulement ceux pour lesquels « l'autorisation de vente du produit pharmaceutique ou du médicament [est] la première délivrée au Canada en ce qui concerne ce nouvel ingrédient actif ou médicinal ou cette nouvelle combinaison d'ingrédients actifs ou médicinaux » .[4]

L'interprétation et l'application du terme « ingrédient médicinal » par le ministre étaient raisonnables

Comme il ne figure aucune définition de l'expression « ingrédient médicinal » dans le Règlement sur les certificats de protection supplémentaire, la CAF s'est tournée vers l'interprétation d’un libellé similaire dans le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) et sa jurisprudence (qui, selon le juge Gauthier, utilise régulièrement l'expression « ingrédient actif »), ainsi que le Règlement sur les aliments et les drogues.[5]

La CAF a également examiné si l'interprétation du ministre était cohérente avec l'AECG dans lequel figure un libellé tout à fait différent. Au lieu d'employer l'expression « ingrédient médicinal », la CAF a noté que l'AECG emploie l'expression « ingrédient actif ou combinaison d'ingrédients actifs d'un produit pharmaceutique ».[6]

Après avoir consulté ces sources, la CAF a finalement conclu que le Parlement devait avoir voulu que l'expression « ingrédient actif », telle qu'elle est régulièrement utilisée, et « ingrédient médicinal » aient la même signification.[7]

La CAF a également trouvé convaincant le raisonnement de la jurisprudence étrangère (avec des faits apparemment très similaires) sur la signification d'« ingrédient actif » dans la définition de « produit » du règlement européen d'où provient le libellé de l'AECG [57-60]. À cet égard, la Cour de justice de l'Union européenne a adopté une définition d'« ingrédient actif » qui ne couvre pas une substance qui n'a pas d'effet thérapeutique en soi[8] – semblable à l'interprétation avancée par le ministre dans la présente affaire.

Bien que la CAF ait finalement convenu que la décision du ministre était raisonnable, elle était également prête à accepter que ce n'était pas la seule interprétation raisonnable possible. Néanmoins, étant donné que la norme de contrôle applicable était celle du caractère raisonnable, la Cour a jugé que cette norme de contrôle ne permet pas à la Cour de choisir l'interprétation qu’elle préfère ou qu'elle trouve la plus logique.[9]


[1] Vous trouverez notre article précédent sur cette décision ici (disponible en anglais).

[2] Canada (Health) v GlaxoSmithKline biologicals SA, 2021 FCA 71 aux paragr. 23-24 (disponible en anglais).

[3] Ibid at para 30.

[4] Ibid at para 31.

[5] Ibid at para 38.

[6] Ibid at paras 50-52.

[7] Ibid at para 56.

[8] Ibid at para 61.

[9] Ibid at para 64.


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