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La technologie blockchain : une technologie transformatrice, voire révolutionnaire
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Les amateurs de la série télé Silicon Valley, produite par HBO, savent que le message « Nous construisons un monde meilleur » est au cœur de chaque entreprise de technologie en démarrage. Et même les lecteurs occasionnels de nouvelles du domaine des affaires et de la technologie auront lu au cours de l’année dernière un article traitant de la technologie blockchain (chaîne de blocs) ou de la technologie des registres distribués. Bien que la chaîne de blocs soit une technologie transformatrice, la plupart des gens ne seront pas conscients d’une grande partie de cette transformation ou « perturbation », du moins au début. Mais c’est indéniable : les changements découlant de la chaîne de blocs sont imminents et auront une incidence sur des marchés bien établis depuis longtemps, sur les choix des consommateurs et sur le rôle des organismes de réglementation à l’ère numérique. Et il se peut que nous soyons effectivement à l’aube d’un monde meilleur!
État actuel de la chaîne de blocs
La plupart des commentaires sur l’incidence de la chaîne de blocs sont axés sur les services financiers. De nos jours, les transactions financières reposent sur un certain nombre d’étapes et sur la vérification de l’identité et des coordonnées des parties à la transaction. Chacune de ces étapes engage des délais et des coûts supplémentaires. De par sa nature, la chaîne de blocs permet les échanges sécuritaires et privés de toute chose de valeur (p. ex., de l’information, de l’argent) entre deux personnes sans qu’il y ait besoin d’une chaîne d’intermédiaires de confiance, parce que c’est la technologie qui en garantit la sécurité. Par conséquent, les transactions directes et sécurisées se traduisent par d’importantes réductions de coûts ─ on estime en effet que la chaîne de blocs pourrait permettre au secteur bancaire d’épargner 20 milliards $ par année grâce à des réductions en coûts d’infrastructures. Mais ce type de transformation n’a toutefois pas encore eu d’incidence significative sur notre vie au quotidien.
On parle également beaucoup de la manière dont la chaîne de blocs transformera les domaines des soins de santé, de la vérification, de l’assurance, et des valeurs mobilières. Mais encore une fois, on ne note aucun changement notable dans le marché, et ce, malgré la prolifération d’entreprises en démarrage et l’investissement d’importantes ressources par les acteurs concernés.
La technologie de la chaîne de blocs est plus accessible au public sous forme de cryptomonnaie ─ un actif ou une devise entièrement numérique ─ dont la plus connue est le Bitcoin. Il existe déjà plusieurs bureaux de change en ligne où on peut se procurer ou vendre ces devises, et les cryptomonnaies sont en voie de devenir une méthode de paiement acceptée (un Bitcoin vaut actuellement environ 15 000 $ CA). Par exemple, EY Suisse a récemment annoncé à ses clients qu’ils peuvent maintenant régler leurs comptes par Bitcoin, bien qu’il n’y ait pas encore de plans d’expansion de ce programme à l’échelle mondiale. Au Vénézuela, de nombreuses personnes se tournent vers le Bitcoin pour se prémunir contre la dévaluation radicale du bolívar, les importantes restrictions réglementaires et les coûts liés à l’envoi d’argent à l’étranger et à la réception d’argent en provenance de l’étranger. On note même l’apparition de guichets automatiques de Bitcoin partout dans le monde, et il est même possible de télécharger un « portefeuille » Bitcoin sur son téléphone cellulaire.
Cependant, malgré l’engouement et la preuve que son utilisation va croissant, la chaîne de blocs n’a pas encore vraiment touché nos vies au quotidien, principalement parce qu’il s’agit d’une nouvelle technologie, tout comme Internet était une nouvelle technologie à la fin des années 80 et au début des années 90. Malgré la promesse d’Internet à l’époque, il était impossible de faire des opérations bancaires en ligne et le « cyber-lundi » ne faisait pas encore partie de notre vocabulaire de magasinage des Fêtes. Parallèlement, la technologie de la chaîne de blocs fait face à des défis et doit les surmonter.
Par exemple, sur le plan technique, des problèmes subsistent en ce qui a trait aux processus de vérification, à la sécurité, et aux limites de données. De plus, la puissance informatique requise pour « exploiter » (mining) des transactions de la technologie de la chaîne de blocs est considérable, ce qui pose problème pour l’application de masse de la chaîne de blocs. Sur le plan commercial, les applications de la chaîne de blocs nécessitent souvent d’importantes modifications aux systèmes informatiques existants ou le remplacement complet de ces derniers, se traduisant par un important investissement initial en capital.
Enfin, en tant que nouvelle technologie, la chaîne de blocs fait face à un certain flou réglementaire. En effet, la principale motivation des développeurs de la technologie de la chaîne de blocs vise à contourner ce « fardeau ». À titre d’exemple, citons la zone grise réglementaire liée au concept de « première émission de cryptomonnaie » (PEC) qui est devenue un moyen populaire de financer un projet de cryptomonnaie. La plupart des PEC sont commercialisées en tant que « jetons logiciels en prévente », une mesure équivalant à offrir un accès précoce aux supporteurs du projet. Dans le but de contourner les exigences juridiques associées à la vente de valeurs mobilières, les promoteurs de PEC utilisent des termes comme « vente à la foule » ou « don ». Ils utilisent aussi des clauses de non-responsabilité pour affirmer qu’ils ne vendent pas de valeurs mobilières. Toutefois, il reste à voir si les organismes de réglementation des valeurs mobilières croient les affirmations de ces entreprises.
Vers un monde meilleur?
La chaîne de blocs fait partie d’un certain nombre de percées technologiques que les gens tentent toujours de comprendre ─ l’Internet des objets, les paiements mobiles, les dispositifs mobiles et prêts à porter, l’intelligence artificielle, et le transport automatisé. La différence c’est que bon nombre de ces percées ont une incidence beaucoup plus tangible sur nos vies que la chaîne de blocs : je peux payer mon café Starbucks avec mon portefeuille Apple, je peux baisser le thermostat à la maison au moyen d’une application, et on verra bientôt sur la Route 33 en Ohio, un camion automatisé en pleine circulation régulière. Quel est donc l’impact de la technologie de la chaîne sur nos vies, au juste?
En bref, comme Internet au début des années 90, les effets véritables de la chaîne de blocs sont probablement encore difficiles à discerner, voire encore inconnus dans bien des cas. Les cryptomonnaies en sont les applications les plus poussées, et elles sont accessibles à quiconque dispose d’une connexion Internet. L’investissement en Bitcoin constitue sans doute un choix judicieux dans ce marché, et il sera probablement bientôt possible de payer son café avec un Bitcoin.
Les vrais changements se déroulent en coulisses : par exemple, les changements que les banques apportent à leurs systèmes des TI. L’incidence de ces changements prendra sans doute la forme d’efficacité accrue dans le cadre des transactions et d’énormes réductions de coûts sur le plan opérationnel. On peut espérer en retour que cela se traduira par une plus grande compétitivité en fait de prix sur le marché, et davantage de choix pour le consommateur. En outre, en ce qui a trait aux banques et autres institutions financières, la concurrence sera représentée par de nouveaux participants sur le marché, qui pourront contourner le système de compensation traditionnel pour effectuer des transactions de manière fiable et sécuritaire. Ainsi, à moyen terme, ce sont les consommateurs qui en seront les premiers bénéficiaires. En revanche, la chaîne de blocs rendra probablement superflues de nombreuses tâches effectuées par des humains, mettant ainsi encore plus de pression sur le marché de la main-d’œuvre non qualifiée.
Il est toujours ardu de faire des prédictions à long terme, et la chaîne de blocs n’échappe pas à ce constat. Cependant, de par sa nature, cette technologie ne manquera pas d’entraîner des changements assez substantiels touchant l’élaboration des politiques, la législation, et le rôle des organismes de réglementation. Si la chaîne de blocs permet aux gens de participer au marché sans être soumis au régime juridique actuel, les organismes de réglementation et les législateurs devront s’adapter. Et ce faisant, ils devront être conscients de la nécessité de trouver un équilibre entre les bienfaits de la chaîne de blocs et les répercussions néfastes potentielles qu’elle pourrait avoir si rien n’est fait pour la réglementer. Dans un système immuable, les dommages, financiers ou autres, sont permanents. De plus, si nous avons la possibilité d’interagir les uns avec les autres sans interférence institutionnelle ou gouvernementale, il risque fort d’y avoir des changements sur le plan des normes sociales. Pensez-y, il y a vingt ans de cela, les mots « égoportrait » ou « sextage » n’existaient pas dans les pages de journaux!
Sommes-nous réellement à l’aube d’un monde meilleur? Seul le temps (et le recul) nous le dira.
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