Ronald L. Doering
Counsel
Article
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Le présent article a d’abord paru dans la revue Food in Canada et est publié ici avec l’autorisation de l’éditeur original.
Dans une récente rubrique que j’ai rédigée à l’occasion du 20e anniversaire de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), j’ai fièrement conclu qu’elle avait, en grande partie, atteint ses objectifs initiaux. J’ai depuis reçu des réponses provenant de chefs de file de l’industrie qui laissaient entendre que mon évaluation était trop généreuse. Une plainte en particulier émanait de ces réponses : beaucoup à l’ACIA semblent avoir oublié qu’en plus de son rôle principal de protection de la santé et la sécurité des Canadiens, l’Agence a aussi le mandat législatif de favoriser les intérêts commerciaux de l’industrie canadienne.
Depuis le début des consultations avec l’industrie en 1995, tous les secteurs ont exprimé leur profonde inquiétude quant à la consolidation des 16 programmes, livrés par quatre services différents, qui, d’une part, pouvait offrir un guichet unique plus efficace pour les consommateurs, l’industrie et les provinces, mais d’une autre part, conduire à la dégradation d’une entente de longue date qui stipule que la protection des intérêts commerciaux des divers secteurs est une priorité, au même titre que la salubrité des aliments. Pour apaiser cette crainte, le projet de loi a été modifié afin de spécifier que le ministre de l’Agriculture serait responsable de l’ACIA, et nous avons prévu dans la loi que le mandat de l’ACIA comprendrait la « promotion des échanges et du commerce ». Si cette promesse solennelle n’avait pas été faite à l’industrie, l’ACIA n’aurait sans doute pas été créée.
L’inspection de la salubrité alimentaire et la promotion de l’accès au marché ne sont pas des objectifs contradictoires, sauf lorsque la santé et la sécurité du consommateur sont menacées (comme dans le cas de la propagation d’une maladie d’origine alimentaire). Le plus grand avantage commercial de l’industrie alimentaire canadienne est que le pays est reconnu pour la salubrité des aliments et la crédibilité de son rigoureux système de réglementation. Regrouper toute la chaîne alimentaire (semence, fourrage, engrais, protection des végétaux, santé animale et tous produits alimentaires, dont le poisson) sous une même agence a permis d’adopter une approche plus globale axée sur la promotion de l’accessibilité des produits canadiens sur les marchés internationaux. Par ailleurs, il y a maintenant une seule agence pour négocier les ententes, dont les ententes d’équivalence, relativement à l’accès aux marchés, ce qui demeure sans équivalent dans le reste du monde. Beaucoup de produits ne peuvent être exportés que s’ils reçoivent d’abord la certification de l’ACIA. C’est ainsi que nous sommes en mesure d’exporter des aliments, des plantes et des animaux dans plus de 100 pays, généralement sans qu’ils aient besoin d’être inspectés de nouveau.
Après avoir soulevé la question dans mon discours à la récente réunion annuelle du Conseil des viandes du Canada, de nombreux participants ont confirmé la situation, en insistant sur le fait qu’elle s’était gravement détériorée au cours des trois dernières années, soit depuis que le gouvernement conservateur a décidé que l’ACIA relèverait du ministre de la Santé. Un chef de file de l’industrie a fait remarquer qu’il était évident que, depuis, « l’ACIA consacre moins de temps, de ressources et d’attention aux besoins commerciaux de l’industrie ». Selon un autre, « la plupart des inspecteurs de l’ACIA semblent maintenant penser que leur seule tâche est de protéger les consommateurs, et que l’accès aux marchés ne fait simplement pas partie du travail ». Un autre encore ajoute que « de plus en plus, la mentalité de l’ACIA devient celle d’une agence qui œuvre dans le domaine de la santé publique, surtout au cours des dernières années. La santé de l’industrie ne les concerne pas ».
Ces jours-ci, on parle beaucoup du fait que le Canada a le potentiel d’être une puissance agroalimentaire. Pour ce faire, il faut accroître les exportations, car les Canadiens ne peuvent pas consommer davantage de nourriture. Notre industrie est à la hauteur, mais les entreprises agroalimentaires (contrairement à beaucoup d’autres secteurs industriels) ne peuvent pas atteindre leur plein potentiel si le gouvernement ne remplit pas son devoir, c’est-à-dire :
1) implanter un système réglementaire clair, adapté et adéquat qui servira à accroître la concurrence, à rehausser les investissements et à promouvoir l’innovation, et
2) rappeler à l’ACIA qu’aider l’industrie à gagner plus d’accès aux marchés fait aussi partie de ses responsabilités, et ensuite, lui donner les ressources nécessaires pour qu’elle puisse remplir cette fonction.
Les chefs de file de l’industrie de la viande me disent qu’ils ont déjà rencontré le nouveau président de l’ACIA et qu’ils lui ont fait part du pressant besoin d’un changement de mentalité et d’un renouvellement de la fonction de l’accès aux marchés. C’est un bon début, mais pour qu’il y ait de réels progrès, nous devrons déployer des efforts concertés et soutenus.
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