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Ententes de distribution avec la Chine : dix points importants à garder en tête
Dans la présente édition de notre série axée sur la réalisation d’affaires en Chine, nous traitons des points devant être pris en compte par tout vendeur étranger (le « vendeur ») qui s’apprête à conclure une entente de distribution avec une partie chinoise agissant à titre de distributeur du vendeur (le « distributeur ») en vue de commercialiser et vendre les produits et services du vendeur sur le marché de la Chine.
1. MESURES DE DILIGENCE RAISONNABLE RELATIVES AU DISTRIBUTEUR
Il est d’importance primordiale que le vendeur vérifie l’identité du distributeur proposé. Il existe plusieurs options permettant de vérifier la solvabilité de la partie chinoise, celles-ci variant en fonction du budget qu’on prévoit allouer à la diligence raisonnable. On peut, entre autres, embaucher un avocat chinois travaillant localement et à coût raisonnable afin d’obtenir certains renseignements déposés auprès des autorités chinoises responsables de l’enregistrement des entreprises.
Sinon, on pourra choisir d’effectuer une vérification gratuite en ligne à l’aide du Système public d’informations sur le crédit des entreprises nationales (« 家企业信用信息公示系统 » en chinois). Maintenu par les autorités de contrôle des entreprises de la Chine, ce site Web répertorie les renseignements officiels relatifs à toute entreprise enregistrée dans ce pays, y compris le(s) nom(s) de l’actionnaire/des actionnaires de l’entreprise, certaines informations sur les membres clés du personnel, le statut en matière d’apport en capital, le champ d’action autorisé de l’entreprise et les sanctions administratives imposées à celle-ci, s’il y a lieu. En outre, Tianyancha.com fournit également des renseignements sur les entreprises enregistrées. Bien que l’information présentée sur ces sites Web ne soit pas mise à jour en temps réel, elle permet tout de même de se faire une idée assez fiable au sujet d’un distributeur proposé, en ce qui a trait à sa conformité réglementaire, à sa santé financière, et à d’autres indicateurs de risque pertinents.
2. DISTRIBUTION EXCLUSIVE ET OBJECTIFS DE VENTE MINIMAUX
Il est également important que le vendeur et le distributeur décident de la forme que prendra la relation de distribution : exclusive, unique ou non exclusive. Cette détermination permettra de délimiter les droits respectifs des parties en ce qui concerne la commercialisation, la vente et la distribution des produits et services dans le(s) territoire(s) visé(s) par l’entente.
On reconnaît généralement trois types d’ententes de distribution à l’échelle mondiale :
- Exclusive – le distributeur contractant est le seul distributeur et le vendeur n’est pas autorisé à nommer d’autres distributeurs ni à vendre lui-même les produits/services concernés dans le territoire visé;
- Unique – le distributeur contractant est le seul distributeur et le vendeur est autorisé à vendre les produits dans le territoire visé; et
- Non-exclusive – il y a plusieurs distributeurs et le vendeur est également autorisé à vendre les produits dans le territoire visé.
Chacune de ces options comporte des avantages et des désavantages. Par exemple, si le distributeur demande une entente exclusive de distribution, nous conseillons habituellement au vendeur d’exiger la garantie d’un chiffre d’affaires annuel minimum, afin de s’assurer que le distributeur exclusif est à même de générer le volume de ventes que le vendeur pourrait autrement atteindre s’il faisait affaire avec de multiples distributeurs pour les activités de commercialisation et de vente dans le territoire visé (ou s’il effectuait lui-même ces activités).
Par conséquent, si un distributeur souhaite conclure une entente exclusive de distribution, il est conseillable de s’assurer d’abord que ce dernier est bel et bien capable de vendre une quantité minimum des produits et services du vendeur afin d’éliminer le besoin de faire affaire avec plusieurs distributeurs et d’éviter ainsi le risque de se retrouver contraint d’honorer une entente exclusive conclue avec un distributeur improductif.
3. FIXATION D’UN PRIX MINIMUM DE REVENTE
La loi chinoise interdit au vendeur d’obliger le distributeur à vendre des produits ou services à des tierces parties (p.ex., des consommateurs et des détaillants) à un prix spécifique, et interdit également aux parties de maintenir un prix de revente minimum, sauf si l’on respecte les exceptions prévues aux termes de la Loi anti-monopole de la Chine, par exemple, lorsque l’on « vise à augmenter la qualité d’un produit, à diminuer les coûts ou à augmenter l’efficacité ». [TRADUCTION]
4. PROTECTION DES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
Il va sans dire que pour tout vendeur faisant son entrée sur le marché chinois, la protection de ses secrets d’affaires et de ses droits de propriété intellectuelle (« DPI ») est une préoccupation majeure. L’un des moyens de protection les plus efficaces consiste simplement à éviter, dans la mesure du possible, de divulguer de l’information très sensible, des connaissances ou des DPI non enregistrés (ou, à tout le moins, ne pas faire ce genre de divulgation sans avoir d’abord établi un rigoureux accord de non-divulgation). En outre, le vendeur doit absolument faire enregistrer ses DPI avant d’introduire les produits ou services y afférents sur le marché de la Chine.
Le vendeur doit également s’assurer de savoir clairement laquelle des parties possède ou a le droit d’utiliser les modifications, améliorations ou développements effectués à tout DPI associé aux produits ou services concernés. En ce qui a trait aux ententes de distribution comprenant aussi la réalisation de quelconques activités de développement de produits ou services pouvant donner lieu à la modification ou l’amélioration de ces derniers, le marché de la Chine est assujetti à une réglementation particulière en ce qui a trait à la propriété et l’utilisation de telles améliorations et modifications (en anglais seulement).
Ceci dit, si pour une raison quelconque, la loi chinoise détermine qu’un distributeur détient certains droits à l’égard des DPI du vendeur (p.ex., dans le cas où le distributeur aurait fait enregistrer les DPI du vendeur en Chine sans le consentement de ce dernier et à son insu), nous recommandons d’inclure au contrat une clause obligeant inconditionnellement le distributeur à assigner au vendeur la totalité des droits, des titres et des participations que le distributeur détient dans les DPI visés, et ce sans recevoir de paiement en contrepartie. Advenant que des droits, titres ou participations ainsi détenus à l’égard de DPI soient non transférables au vendeur (p.ex., parce qu’en Chine, le transfert de droits de brevet ou de droits de demande de brevet à des parties étrangères peut être assujetti à l’obtention d’une approbation gouvernementale), nous recommandons l’inclusion d’une clause stipulant que le distributeur devra accorder au vendeur une licence gratuite permettant à ce dernier d’utiliser et d’exploiter les DPI détenus par le distributeur et d’octroyer des sous-licences à l’égard de ceux-ci.
5. GESTION DES PROCÉDURES ADMINISTRATIVES ET DES AFFAIRES RÉGLEMENTAIRES
Compte tenu de sa présence en Chine et de sa connaissance du contexte chinois, le distributeur est beaucoup mieux placé que le vendeur pour s’acquitter des procédures administratives s’inscrivant dans le cadre juridique et réglementaire complexe de la Chine. Pour cette raison, nous vous recommandons de confier au distributeur les responsabilités liées à l’obtention de tout permis ou licence d’importation requis pour faire entrer les produits ou services concernés en Chine, ou pour les faire livrer au distributeur. De plus, le distributeur devrait assumer les droits de douane, les droits de formalités en douane, les taxes, les frais de courtage et tout autre montant exigé relativement à l’importation et à la livraison des produits ou services en Chine.
En outre, si possible, le vendeur doit également inclure une mention au contrat selon laquelle le distributeur sera tenu de l’informer, en temps opportun, des lois et règlements locaux (ainsi que des modifications proposées à l’égard de ceux-ci) pouvant avoir une incidence sur la fabrication, l’étiquetage, l’emballage ou la vente des produits que l’on prévoit distribuer en Chine.
6. COÛTS LIÉS À LA TRADUCTION DE DOCUMENTS
Le vendeur et le distributeur doivent aussi déterminer lequel d’entre eux assumera les coûts liés à la traduction chinoise de tous les documents en langue étrangère visant les produits ou services concernés, cette traduction permettant de se conformer aux exigences réglementaires de la Chine et de répondre aux besoins des utilisateurs.
7. CLAUSES D’INDEMNISATION
La loi chinoise ne reconnaît pas la notion « d’indemnisation » en tant que telle. En pratique, ce concept se traduit par la notion de « compensation », laquelle s’apparente plutôt à la compensation par l’octroi de dommages contractuels, et c’est au demandeur qu’incombe le fardeau de démontrer qu’il a subi une perte raisonnable.
En vertu de la loi chinoise, toute perte découlant d’un contrat commercial sera présentée sous la forme d’une demande de compensation pour violation de contrat, laquelle réclamation sera fondée sur les pertes réelles ayant été subies par la partie lésée.
8. EFFICACITÉ DES DISPOSITIONS RELATIVES AUX PÉNALITÉS
Les contrats chinois comprennent souvent des clauses de dommages-intérêts liquidés ainsi que des clauses visant la responsabilité maximale. Même si elles procurent de nombreux avantages, ces clauses peuvent toutefois être contestées dans les cas suivants :
- lorsque la somme des dommages-intérêts liquidés est moins élevée que le montant des dommages réels; le cas échéant, la partie innocente peut réclamer une compensation allant jusqu'à concurrence du montant des dommages réels subis; ou
- lorsque la somme des dommages-intérêts liquidés est « beaucoup plus élevée » [TRADUCTION] que celle des dommages réels.
Selon l’interprétation des tribunaux chinois « beaucoup plus élevée » signifie plus de 30 % au-dessus du montant des dommages subis. Pour procéder à l’ajustement de dommages-intérêts liquidés, les tribunaux se basent sur les dommages réels ainsi que sur l’exécution du contrat, le degré de faute et les intérêts prévus des parties. Par conséquent, toute disposition contractuelle visant les dommages-intérêts liquidés peut être contestée par la partie concernée, après quoi, il sera loisible au tribunal saisi de l’affaire de procéder à l’ajustement du montant déterminé.
9. SIGNATURE DE CONTRATS EN PLUSIEURS EXEMPLAIRES
En ce qui concerne la signature de contrats en plusieurs exemplaires, grâce à l’inclusion d’une clause type dans tout contrat commercial assujetti au droit anglais, ceux-ci sont réputés juridiquement contraignants même si chacune des parties contractantes n’a pas signé la même copie du contrat. Cependant, la notion de « plusieurs exemplaires » telle que prévue par les lois de certains autres pays, n’est pas reconnue en Chine. En revanche, afin de garantir la validité d’un contrat écrit, les deux parties contractantes doivent signer toutes les copies du contrat régissant les parties.
10. OFFICIALISATION DE L’ENTENTE DE DISTRIBUTION ET AUTRES POINTS À CONSIDÉRER
En Chine, le rôle de « représentant légal » d’une entreprise est défini aux termes du régime de droit régissant les entreprises du pays. Étant le plus haut dirigeant de l’entreprise, le représentant légal contracte des obligations contraignantes au nom de celle-ci dans le cadre de l’exécution de ses devoirs et fonctions. Par conséquent, dans la mesure du possible, il faut toujours demander à ce que le représentant légal du distributeur chinois signe l’entente de distribution, et s’assurer aussi que le nom d’entreprise du distributeur y figure en chinois (ou si le distributeur est un particulier, s’assurer que son nom chinois figure sur le contrat). Afin de maximiser l’effet juridique de l’entente, il est également important de s’assurer que le sceau d’entreprise du distributeur est apposé sur chacune des copies du contrat.
Il sera aussi primordial de procéder au choix des lois qui régiront l’entente de distribution et du mécanisme de résolution de différends à appliquer en cas de différend découlant de l’entente. Pour plus d’information sur ces sujets, nous invitons nos lecteurs à consulter deux publications antérieures de Gowling WLG :
- L'arbitrage constitue-t-il une option viable pour le règlement de différends avec une partie chinoise? (en anglais seulement); et
- Avis aux parties étrangères exploitant des affaires en Chine : ne rejetez pas les lois et les clauses de règlement de différends applicables dans ce pays (en anglais seulement).
CONCLUSION
Dans le présent article, nous avons souligné les points à considérer avant de conclure une entente de distribution avec des parties chinoises. À noter que certains des sujets présentés dans notre liste des 10 points importants s’appliquent aussi en général aux contrats commerciaux conclus avec des parties chinoises, notamment l’importance de protéger ses droits de PI, ainsi que les questions de l’indemnisation et de l’efficacité des dispositions relatives aux dommages-intérêts liquidés.
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