Le 21 septembre 2017, le Règlement sur les certificats de protection supplémentaire (Règlement sur les CPS) est entré en vigueur, permettant pour la première fois de prolonger la période de protection d'un brevet pour les drogues à usage humain ou vétérinaire au Canada. Comme le premier anniversaire du Règlement approche à grands pas, un aperçu de sa mise en œuvre pourrait s'avérer utile et permettra de mettre en lumière des renseignements clés pour les années à venir. Pour une analyse approfondie du Règlement sur les CPS, nous avons précédemment abordé le sujet en détail ici (en anglais) [1].

Qu'est-ce qu'un certificat de protection supplémentaire?

En quelques mots, un certificat de protection supplémentaire (CPS) est une forme de protection sui generis pour les nouveaux produits pharmaceutiques protégés par un brevet admissible, et ce, pour une durée maximale de deux ans à compter de la date d'expiration du brevet. Le Règlement sur les CPS a été mis en œuvre conformément aux obligations du Canada en vertu de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne (AECG), et vise à s'harmoniser avec le système européen des certificats de protection complémentaire.

En vertu du Règlement sur les CPS, un brevet n'est admissible à un CPS que s'il est lié à une drogue contenant un « nouvel ingrédient médicinal » (c'est-à-dire, si le brevet contient une revendication du composé, une revendication d'un produit par le procédé ou une revendication d'utilisation en lien avec l'ingrédient médicinal).

Plus précisément, le nouvel ingrédient médicinal ne doit pas être une variation d'un ingrédient médicinal déjà autorisé. Aux termes du Règlement sur les CPS, sont des variations inadmissibles :

a) la variation de tout appendice dans la structure moléculaire de l'ingrédient médicinal qui en fait un ester, un sel, un complexe, un chélate, un clathrate ou un dérivé non covalent;

b) la variation qui est un énantiomère, ou un mélange d'énantiomères, d'un ingrédient médicinal;

c) la variation qui est un solvate ou un polymorphe d'un ingrédient médicinal;

d) toute modification post-traductionnelle in vivo ou in vitro d'un ingrédient médicinal;  

e) toute combinaison des variations visées aux alinéas a) à d).

En plus des exigences relatives à l'ingrédient médicinal, certaines exigences relatives au délai doivent également être respectées pour qu'un brevet soit admissible à un CPS :

  1. La présentation de drogue nouvelle (PDN) doit avoir été déposée au Canada avant la fin de la période de douze mois (ou vingt-quatre mois, durant la période de transition) suivant la date du premier dépôt réglementaire dans l'un des pays suivants : l'Union européenne et tout pays membre, les États-Unis d'Amérique, l'Australie, la Suisse, et le Japon;
  2.  La demande de CPS doit être déposée :
    1. avant la fin de la période de cent vingt jours qui commence à la date de délivrance de l'avis de conformité (AC) si le brevet est délivré à la date ou avant la date de délivrance de l'AC; ou
    2. avant la fin de la période de cent vingt jours qui commence à la date de délivrance du brevet si ce dernier est délivré après la date de délivrance de l'AC.

Une fois émis, un CPS offre les mêmes protections que le brevet qui y est associé, sauf qu'il n'empêche pas l'exportation, et peut être inscrit dans le Registre des brevets si le brevet associé y figure également.

La première année de l'application du Règlement sur les CPS

Au cours de la première année de l'application du Règlement sur les CPS, dix-neuf demandes de CPS ont été déposées : dix-huit étaient liées à des drogues à usage humain et une à des drogues à usage vétérinaire. Santé Canada tient un Registre des CPS, qui fournit des renseignements pertinents dont le numéro du CPS, le numéro de brevet, les ingrédients médicinaux ainsi que la durée du CPS.

Parmi les dix-neuf demandes, treize ont donné lieu à l'émission d'un CPS, trois sont toujours en attente et trois ont été rejetées. Malheureusement, Santé Canada ne publie pas les raisons pour lesquelles une demande de CPS est rejetée. Toutefois, le rejet de la demande 900006, dont l'ingrédient médicinal est l'antigène glycoprotéine E du virus de la varicelle-zona, fait actuellement l'objet d'un contrôle judiciaire demandé le 31 août 2018 [2]. Ce contrôle judiciaire semble être le premier en vertu du nouveau Règlement sur les CPS, et il sera intéressant de voir comment la Cour abordera la révision de la décision de Santé Canada.

En vertu du Règlement sur les CPS, un CPS est accordé pour une durée maximale de deux ans, laquelle peut être réduite par la ministre (de la Santé). À ce jour, seulement un seul des treize CPS (no 900010) a été accordé pour une durée de moins de deux ans. Toutefois, cette durée semble avoir été déterminée selon le calcul de la durée des CPS, plutôt qu'assujettie à une réduction par la ministre. Le Règlement sur les CPS et la ligne directrice qui l'accompagne ne mentionnent pas les facteurs que la ministre prend en considération pour réduire la durée d'un CPS, et il reste à voir comment elle abordera de telles réductions. Étant donné que Santé Canada ne publie pas les raisons qui motivent un rejet d'une demande de CPS, il est peu probable que l'organisme publie les raisons pour lesquelles la durée d'un CPS a été réduite.

Les changements potentiels dans les années à venir

Au lendemain du premier anniversaire de l'adoption (soit à compter du 22 septembre 2018), une entreprise ne pourra plus s'appuyer sur les dispositions transitoires prévues dans le Règlement sur les CPS. Actuellement, une PDN doit être déposée au Canada avant la fin de la période de transition de vingt-quatre mois si une demande équivalente a été déposée auprès de l'un des pays visés. À compter du 22 septembre 2018, cette période est réduite à seulement douze mois.

Il reste à voir si les entreprises ont eu suffisamment de temps pour harmoniser leurs stratégies de dépôt réglementaire international afin de s'assurer que le dépôt au Canada se fasse dans les douze mois suivant le dépôt dans les autres pays visés. Sinon, on peut s'attendre à voir une réduction du nombre de demandes de CPS présentées, étant donné que les exigences sont devenues plus strictes.

Pour finir, il faudra également tenir compte de tout impact potentiel du Brexit. Actuellement, les dépôts réglementaires en Grande-Bretagne sont considérés comme provenant d'un pays membre de l'Union européenne, et sont donc pris en compte dans le délai de douze mois pour déposer une PDN au Canada. Après le Brexit, ce ne pourrait plus être le cas. Il reste à voir si la Grande-Bretagne sera ajoutée à la liste des pays visés en vertu du Règlement sur les CPS. Comme c'est le cas pour beaucoup d'enjeux liés au Brexit, il est encore trop tôt pour le dire.

Nos conclusions

Les dix-neuf demandes de CPS et les treize CPS émis subséquemment ont fait de la première année du Règlement sur les CPS une année bien chargée. Alors que les dispositions transitoires arrivent à échéance, les entreprises devraient s'assurer que leur portefeuille de dépôts réglementaires internationaux est harmonisé, ce qui leur permettra de déposer la PDN au Canada dans les douze mois suivant le premier dépôt international afin de pouvoir profiter des deux années supplémentaires de protection offertes par les CPS. Bien que l'harmonisation des dépôts réglementaires internationaux puisse représenter une initiative de taille, l'avantage d'une exclusivité commerciale de deux années supplémentaires potentielles en plus du portefeuille de brevets existant devrait en valoir la peine.


[1] Cet article est basé sur le Règlement sur les CPS proposé. Il existe donc quelques différences mineures par rapport au Règlement sur les CPS tel qu'il est entré en vigueur.

[2] Voir le dossier de la Cour fédérale no T-1603-18.