Grâce à l'expansion du cyberespace, bon nombre de marques qui auraient été accessibles à une partie de la société et promues auprès de celle-ci seulement sont maintenant accessibles à tous. Cette situation engendre son lot de défis et l'un d'entre eux est de découvrir comment créer, protéger et faire respecter une marque devant être utilisée dans plusieurs pays. En effet, les pays ont des méthodes, des normes et des définitions différentes liées aux marques et les propriétaires de marques doivent composer avec celles-ci pour créer un portefeuille de marques solide et efficace.

ommerce comportent les normes principales en matière de caractère distinctif en indiquant les types de désignations qui ne sont pas distinctives :

  • les figures géométriques simples, les lignes, les nombres;
  • les lettres et leurs combinaisons sans caractère verbal;
  • les noms communs;
  • les images réalistes ou schématiques du produit;
  • les désignations liées à la fabrication de produits ou caractérisant des produits, leur poids, les matériaux dont ils sont faits ou leurs composantes.

En vertu de l'article 1483 du Code civil, les désignations ci-dessus peuvent être incluses dans l'enregistrement d'une marque de commerce, mais uniquement à titre d'éléments non susceptibles de protection et seulement si ces éléments n'occupent pas une position dominante dans la marque de commerce. Les exemples les plus typiques de marques non distinctives sont les combinaisons simples de lettres ou de chiffres sans caractère verbal (p. ex., DMT, KX06, NDC) ou élément visuel distinctif.

Les marques de commerce composées d'une combinaison d'éléments non distinctifs ou peu distinctifs peuvent toutefois être protégées si la combinaison de ces éléments est originale. De même, les désignations qui sont par ailleurs intrinsèquement distinctives et dont il est démontré qu'elles ont perdu leur caractère distinctif parce qu'elles ont été très utilisées par divers fabricants de produits identiques ou similaires peuvent, si elles sont contestées, être déclarées non distinctives.

Une marque de commerce qui n'est pas intrinsèquement distinctive peut tout de même être enregistrée si le requérant peut démontrer qu'elle a acquis un caractère distinctif sur le marché russe avant la date de priorité de la demande. Le fardeau incombe au requérant et il est très lourd.

Pour établir si une marque a acquis un caractère distinctif, ROSPATENT doit établir si le consommateur moyen percevrait la marque comme une indication de l'origine du produit. L'acquisition du caractère distinctif doit être démontré au moyen d'une preuve bien étayée présentée à l'examinateur en réponse à une objection d'enregistrabilité inhérente. Tous les documents doivent être pertinents pour la Russie et montrer la marque utilisée. La preuve doit être substantielle.

Les éléments de preuve suivants sont généralement acceptés :

  • volume de production et de vente des produits ou des services en Russie;
  • répartition géographique des produits ou des services en Russie;
  • frais de publicité en Russie;
  • durée d'utilisation de la marque pour les produits ou les services indiqués dans l'enregistrement;
  • renseignements sur l'étendue des connaissances des consommateurs à propos de la marque et du propriétaire de celle-ci, y compris les résultats de sondages d'opinion publique;
  • renseignements à propos des publications portant sur les produits ou les services et la marque;
  • renseignements sur la présentation des produits ou des services dans le cadre d'expositions ayant eu lieu dans la Fédération de Russie.

Une preuve selon laquelle la marque de commerce a été enregistrée dans d'autres territoires peut augmenter les chances du requérant d'obtenir un enregistrement en Russie.

Conformément au cadre législatif et aux critères utilisés pour évaluer le caractère distinctif d'une marque, ROSPATENT dispose d'un pouvoir discrétionnaire important. Ainsi, dans certains cas, le requérant peut très facilement surmonter une objection et, dans un autre, être incapable de présenter un argument convaincant.

La question du caractère distinctif revêt une importance particulière quand il s'agit d'une marque non classique ou exotique. Au moment d'évaluer le caractère distinctif d'une marque non classique, ROSPATENT établit si un consommateur moyen percevrait la marque comme une indication de l'origine par opposition à une autre fonction. Même si les marques en 3D, les couleurs, les sons, les éclairages, les textures, les odeurs, les positions ou emplacements, les marques tactiles, les hologrammes, les mouvements et les goûts peuvent être enregistrés en Russie, il faut prouver dans tous les cas que la marque a acquis un caractère distinctif.

Si une demande d'enregistrement d'une marque en 3D est principalement fonctionnelle d'un point de vue ornemental ou utilitaire, l'enregistrement de la marque ne sera pas accordé. Toutefois, si la forme diffère considérablement de la forme fonctionnelle généralement acceptée, ce pourrait être suffisant pour surmonter une objection fondée sur l'absence de caractère distinctif. Par exemple, ROSPATENT a refusé d'enregistrer la forme de la tablette iPad jugeant que cette forme est classique pour ce genre d'appareil. Par contre, la forme originale de la boisson au yogourt Dino a pu être enregistrée.

Auparavant, les couleurs étaient considérées comme étant non classiques et seules quelques marques du genre ont été enregistrées. Au cours des dernières années, cependant, plusieurs couleurs ont été enregistrées en Russie lorsque l'acquisition d'un caractère distinctif a été démontré. Le meilleur moyen d'établir l'acquisition d'un caractère distinctif est de présenter des preuves d'utilisation à long terme, une stratégie de marketing axée sur la couleur, des publicités et des sondages auprès des consommateurs. Le lien entre la couleur et le produit ou service doit être solide et la couleur doit permettre de distinguer le produit sans autre indicateur. Sans une preuve abondante et convaincante de l'acquisition d'un caractère distinctif, l'enregistrement ne sera pas accordé. ROSPATENT peut aussi exiger une description verbale de la couleur ou des couleurs avec une explication détaillée de la manière dont la couleur est utilisée avec les produits et services.

Le nombre de marques holographiques, sonores, tactiles et olfactives enregistrées en Russie est extrêmement faible. Les marques sonores comprennent les sons musicaux, qui existaient déjà ou qui ont été spécialement créés pour individualiser les produits ou les services, et les sons non musicaux, qui existaient dans la nature ou qui ont été produits artificiellement. Les marques tactiles sont extrêmement rares en Russie étant donné la difficulté de prouver leur caractère distinctif. Si la désignation concerne une marque tactile, un échantillon de la surface et/ou une description verbale et d'autres caractéristiques devraient être fournis.

Les demandes concernant une marque olfactive sont moins fréquentes. Un grand nombre de ces demandes ont été rejetées pour cause d'absence de caractère distinctif par rapport aux produits et services, par exemple l'odeur de l'ail par rapport aux aliments.

SINGAPOUR

À Singapour, on peut enregistrer une marque uniquement si elle est intrinsèquement distinctive ou si elle a acquis un caractère distinctif.

Les tribunaux de Singapour ont fourni des indications sur la notion du caractère distinctif. Pour établir si une marque possède un caractère distinctif ou non et peut être considérée ou non comme une marque de commerce, les tribunaux se posent la question suivante : le consommateur moyen comprendrait-il la signification de la marque sans avoir été informé qu'elle était utilisée à cette fin? (Société des Produits Nestlé SA v Petra Foods Ltd and another [2016] SGCA 64).

L'évaluation doit se rapporter aux produits ou aux services pour lesquels une demande d'enregistrement de marque particulière est déposée ainsi qu'à la perception des consommateurs concernés. La marque sera évaluée dans son ensemble, malgré la possibilité que ses composantes individuelles possèdent un caractère distinctif.

D'autres lignes directrices ont aussi été fournies aux tribunaux de Singapour. Les marques purement inventées ou fantaisistes n'ayant aucune signification sont distinctives, de même que les marques arbitraires sans rapport avec les produits ou les services en question (Hai Tong Co (Pte) Ltd v Ventree Singapore Pte Ltd [2013] SGCA 26). Les marques élogieuses ne sont pas distinctives (Love & Co Pte Ltd v The Carat Club Pte Ltd [2008] SGHC 158).

Si une marque est réputée être dépourvue de caractère distinctif, elle peut tout de même être enregistrée si le caractère distinctif a été acquis à mesure que la marque a été utilisée. Un certain nombre de facteurs sont pris en compte :

  • la part de marché des produits ou des services arborant la marque;
  • la nature de l'utilisation qui a été faite de la marque (cette utilisation a-t-elle été intensive, répandue ou ancienne?);
  • la somme d'argent investie dans le marketing et la promotion de la marque;
  • Le pourcentage des consommateurs concernés ayant identifié l'origine des produits ou des services vendus ou fournis sous cette marque.

Dans une décision que le Bureau de la propriété intellectuelle de Singapour a rendue récemment, l'agente d'audience a fait une déclaration intéressante concernant l'utilisation d'une dénomination sociale avec la marque de commerce d'une société. Dans la décision que l'agente d'audience a rendue dans Eley Trading Sdn Bhd v Kwek Soo Chuan [2017] SGIPOS 15, le simple fait que la dénomination sociale du propriétaire comporte la marque de commerce ne signifie pas nécessairement que les produits que ce propriétaire fournit se distinguent aussi par cette marque de commerce. À son avis,

« [traduction] c'est parce que le but d'un nom commercial n'est pas, en soi, de distinguer des produits ou des services, mais plutôt de désigner une entreprise. Je ne dis pas qu'un nom commercial ne peut jamais servir à désigner des produits ou des services, mais tout simplement que si un propriétaire souhaite utiliser le nom commercial parce que celui-ci a acquis un caractère distinctif aux fins de la distinction de produits, le caractère distinctif doit être établi dans la preuve; ce n'est pas une conséquence naturelle. La démonstration ou non du caractère distinctif dépend de la nature de l'utilisation et de l'effet que l'utilisation aura probablement sur le consommateur. »

Cette déclaration signifie essentiellement que l'utilisation d'un signe en tant que nom commercial n'équivaut pas automatiquement à l'utilisation de ce signe en tant que marque dans le but d'établir si le signe a acquis un caractère distinctif suffisant à mesure qu'il a été utilisé. Toutefois, la décision de l'agente d'audience a été portée en appel et nous attendons avec intérêt l'évaluation de la cour supérieure des questions faisant l'objet de l'appel.

CANADA

Comme dans les autres territoires que nous avons examinés, le caractère distinctif d'une marque de commerce est au cœur de la question de la protection des marques au Canada. La Loi sur les marques de commerce du Canada (la « Loi ») définit la marque « distinctive » comme étant une marque qui distingue véritablement les produits ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

Au Canada, une marque ne doit pas nécessairement être bien connue ou célèbre pour posséder un caractère distinctif. Le caractère distinctif d'une marque de commerce dépend plutôt de la capacité de cette marque de faire conclure que les produits ou services en question, sur le marché, sont issus d'une certaine source, même si le propriétaire ou le nom de cette source est inconnu.

Bien que l'analyse du caractère distinctif ne fasse généralement pas l'objet d'une réglementation stricte, les tribunaux canadiens ont généralement recours à trois critères devant être remplis pour qu'une marque de commerce soit considérée comme étant distinctive : (1) la marque et le produit sont associés; (2) le propriétaire se sert de cette association dans la fabrication et la vente de produits; (3) l'association permet au propriétaire de la marque de distinguer son produit de celui des autres. Les lois canadiennes reconnaissent aussi que le caractère distinctif n'est pas nécessairement inhérent à une marque et qu'il peut être acquis à mesure que la marque est utilisée.

Le caractère distinctif inhérent d'une marque s'inscrit dans un spectre et a une influence directe sur la portée de la protection accordée à la marque. Les mots inventés ou arbitraires sont habituellement considérés comme étant des marques « fortes » et intrinsèquement distinctives méritant une vaste protection. Les marques comme XEROX et KODAK comptent parmi les plus fortes parce que ce sont des mots inventés. Leur caractère unique fait en sorte qu'elles sont intrinsèquement en mesure de distinguer les produits et services d'un commerçant ou de l'autre. En revanche, les marques qui ne sont pas intrinsèquement distinctives méritent généralement une protection plus limitée. Ces marques sont considérées comme étant faibles puisque, par exemple, elles sont utilisées dans le langage courant ou dans le commerce, elles ont un caractère descriptif ou suggestif ou elles se rapportent à un prénom ou à un nom de famille.

Au Canada, les marques qui ne sont pas distinctives au départ peuvent toutefois acquérir un caractère distinctif à mesure qu'elles sont utilisées. Contrairement à certains territoires, on ne présume pas qu'une marque a automatiquement acquis un caractère distinctif après une période d'utilisation donnée. Il faut plutôt qu'un demandeur prouve que la marque a acquis un caractère distinctif au Canada, par exemple en présentant des échantillons démontrant l'utilisation de la marque, des volumes de vente et des produits d'exploitation ainsi que le volume publicitaire, le type de publicité et les dépenses publicitaires.

Il est important de reconnaître que le caractère distinctif d'une marque au Canada n'est pas fixe au fil du temps. Par exemple, l'octroi inadéquat d'une licence pour une marque peut entraîner une perte de caractère distinctif. Comme pour les autres territoires examinés dans le présent article, une marque peut aussi perdre son caractère distinctif si elle devient le nom générique des produits ou services ou le nom couramment employé pour désigner ceux-ci, par exemple, « Escalator ».

Il convient de noter qu'une modification de la Loi est en cours et que cette modification aura une incidence sur le rôle du caractère distinctif au moment de l'examen des demandes d'enregistrement de marque de commerce.

En vertu de la loi actuelle, le caractère distinctif n'est pas examiné au moment de la demande d'enregistrement. Il faut plutôt qu'une tierce partie prenne des mesures pour s'opposer à la demande et contester le caractère distinctif de la marque dans le cadre du processus d'enregistrement.

En revanche, les nouvelles dispositions législatives (qui devraient entrer en vigueur au début de 2019) confèrent au registraire le pouvoir de s'objecter à l'enregistrabilité d'une marque au motif que celle-ci n'est par distinctive. On ne sait pas encore si ce nouveau motif d'examen sera utilisé dans la pratique et combien d'objections seront formulées pour ce motif.

Également, dans la nouvelle Loi, les circonstances dans lesquelles le demandeur sera tenu de prouver qu'une marque de commerce est distinctive seront plus nombreuses, particulièrement dans le contexte des marques non classiques. Par exemple, les couleurs, les sons, les odeurs, les textures et les formes tridimensionnelles exigeront tous une preuve de caractère distinctif à la date du dépôt de la demande. Le registraire aura aussi le pouvoir d'exiger une preuve de caractère distinctif en date du dépôt pour toute marque dont il estime à première vue qu'elle est dépourvue d'un tel caractère.

Dans la pratique, l'incidence de la modification reste à voir, mais il est évident que les propriétaires de marque devraient dès à présent envisager des stratégies de dépôt appropriées qui tiennent compte de la modification imminente de la Loi et de l'incidence éventuelle de cette modification sur le critère du caractère distinctif au Canada dans le but de mieux de positionner pour l'avenir.

COMMENT PRÉSERVER UN CARACTÈRE DISTINCTIF

Même si une marque est intrinsèquement distinctive ou si la preuve démontre qu'elle a atteint un caractère distinctif, il est essentiel que les propriétaires de marque protègent ce caractère distinctif afin de garantir le maintien de la notoriété de la marque. Des mesures communes peuvent être prises, sans égard au territoire où la marque est utilisée, pour aider à préserver le caractère distinct :

  • Utiliser la marque de commerce conformément à l'enregistrement et enregistrer celle-ci conformément à son utilisation.
  • Utiliser la marque de commerce comme un adjectif modifiant le nom d'un produit ou d'un service. Par exemple, utiliser « le logiciel de base de données X-BRAND est chef de file sur le marché » plutôt que « X-BRAND est chef de file sur le marché ».
  • Ne jamais utiliser la marque de commerce comme un nom ou un verbe ou sous une forme possessive ou plurielle.
  • Ne permettez pas que votre marque soit utilisée sans autorisation; opposez-vous.
  • Dans la mesure du possible, distinguer la marque de commerce du texte qui l'entoure en utilisant un lettrage distinctif. On peut y parvenir de plusieurs manières, notamment en utilisant les majuscules, les guillemets, l'italique, le gras ou une couleur, une police ou une taille différente.

La preuve du caractère distinctif est aussi une exigence que l'on retrouve dans la plupart des territoires. Les propriétaires de marque qui tiennent un registre de l'utilisation, de la promotion et des investissements relatifs à leurs marques de commerce seront mieux en mesure d'acquérir, de défendre et d'utiliser la force de leurs marques.