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Des entreprises de cannabis américaines innovent afin d’accéder aux bourses du Canada
Grâce à la transaction d’une SAVS, Columbia Care devient la plus importante société à s’inscrire à la NEO Bourse à ce jour, avec une capitalisation boursière de 2 G$
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La société américaine Columbia Care LLC, cultivatrice et fabricante de cannabis thérapeutique et exploitante de magasins de cannabis thérapeutique, a récemment fait son entrée sur le marché boursier canadien, plus précisément sur la NEO Bourse, après avoir formé Columbia Care Inc. (CCHW.NE) (Columbia Care). Lorsque la négociation de ses titres a débuté, Columbia Care affichait une capitalisation boursière de plus de 2 milliards $ CA. L’opération de fusion a été réalisée sous la forme d’un regroupement d’entreprises entre Canaccord Genuity Growth Corp., une société d'acquisition à vocation spécifique (SAVS), une filiale de la SAVS au Delaware et Columbia Care LLC. Par cette transaction, Columbia Care est devenue la plus importante société émettrice à être admise à la NEO Bourse à ce jour. Cette introduction en bourse est d’autant plus notable, car pour y parvenir, au lieu de procéder à un premier appel public à l’épargne ou à une prise de contrôle inversée, Columbia Care a fusionné avec une SAVS créée par la société de placement Canaccord Genuity en vue d’attirer une entreprise de cannabis des États-Unis, et avait mobilisé une somme de plus de 160 millions $ CA au moment de son inscription à la NEO Bourse.
Expertise de Gowling WLG
Compte tenu du flou juridique qui entoure la question du cannabis aux États-Unis, les émetteurs exerçant des activités liées à la marijuana dans ce pays ont fait face à des obstacles qui ont entravé leur accès aux marchés boursiers nord-américains, plus particulièrement à certaines bourses américaines et canadiennes. En réponse à cette situation, plusieurs émetteurs se sont tournés vers la Bourse des valeurs canadiennes. Notons toutefois que Columbia Care est la première grande société américaine exerçant des activités liées à la marijuana à s’inscrire à la NEO Bourse en réalisant un regroupement d’entreprises avec une SAVS, et que ce faisant, elle a probablement ouvert le bal pour d’autres sociétés semblables. La SAVS constitue un instrument unique permettant à ce genre de société de s’inscrire à la NEO Bourse : elle donne accès à un capital de base plus important qu’une société de capital de démarrage ainsi qu’à la possibilité de s'inscrire à une bourse à grande capitalisation et permet de réaliser une opération d'introduction en bourse en profitant d’un processus efficace en termes de temps et de ressources. L’importance du capital recueilli antérieurement dans le cadre de l’inscription de deux autres SAVS à la NEO Bourse, et le dépôt d’un prospectus provisoire visant le lancement d’une troisième société de ce genre démontrent que les regroupements d’entreprises incluant une SAVS admise à la NEO Bourse représentent une nouvelle voie pour les grands émetteurs de l’industrie du cannabis cherchant à accéder aux marchés financiers du Canada. Le groupe de pratique multidisciplinaire de Gowling WLG dédié au secteur du cannabis suit ces développements avec grand intérêt et possède une expertise pointue du domaine afin d’offrir une valeur ajoutée aux sociétés émettrices de toutes tailles en les aidant à mobiliser des fonds en Amérique du Nord et à se conformer aux règlements canadiens visant le cannabis.
Inscription à la cote et premier appel public à l’épargne avec une SAVS : caractéristiques clés et critères à respecter
Les SAVS sont des émetteurs assujettis ne possédant pas d’entreprise en exploitation ni d’autres actifs à part des liquidités. Elles sont créées aux fins de la réalisation, dans un délai précis, d’une fusion ou d’une acquisition par, avec ou visant une certaine entreprise. La NEO Bourse et la Bourse de Toronto (TSX), les deux bourses canadiennes autorisant l’admission de SAVS, imposent une série d’exigences à cet égard et relativement aux procédures permettant à une SAVS de réaliser une opération subséquente avec un autre émetteur. D’abord, pour s’inscrire à l’une ou l’autre de ces deux bourses, une SAVS doit réunir un minimum de 30 millions $ en plaçant ses titres au moyen d’un premier appel public à l’épargne (PAPE). Après la conclusion du PAPE, la SAVS dispose d’un délai de 36 mois (ou d’une période plus courte, si le prospectus visant le PAPE en fait mention) pour réaliser une opération admissible, laquelle peut consister en l’acquisition d’éléments d’actifs ou d’une ou plusieurs entreprises. La SAVS doit entiercer 90 % des fonds tirés du PAPE, y compris 50 % de la commission des placeurs. Les fonds entiercés doivent être utilisés pour la réalisation de l’opération admissible de la SAVS et la juste valeur marchande de cette transaction doit équivaloir à au moins 80 % de la valeur des fonds entiercés.
La SAVS offre une possibilité d’accroître l’efficacité du processus d’admission en bourse. Lorsqu’une SAVS entierce la totalité du produit brut tiré de son PAPE, elle n’a pas besoin d’obtenir l’approbation des actionnaires pour réaliser son opération admissible. Le résultat? Une économie de coûts pour l’émetteur et un délai plus court quant au processus d’admission en bourse. Notons que Iorsqu’une opération admissible nécessite l’approbation des actionnaires, la SAVS est tenue de communiquer des renseignements additionnels. En effet, elle devra préparer une circulaire d’information au sujet de l'émetteur issu de l'opération admissible (en supposant que cette opération se réalise) en y indiquant les mêmes renseignements que ceux qui figureraient dans un prospectus. En outre, la SAVS doit également déposer un prospectus contenant certains renseignements au sujet de l’opération admissible proposée auprès des organismes canadiens de réglementation des valeurs mobilières de toutes les provinces et territoires dans lesquels la SAVS et l'émetteur issu de l'opération admissible constitueront un émetteur assujetti suite à la conclusion de ladite opération.
Dans le cadre de son PAPE, une SAVS peut émettre des actions ordinaires ou des unités. Dans un cas comme dans l’autre, les titres doivent être dotés d’un droit de rachat et d’une option permettant d’effectuer une distribution de liquidation. Le droit de rachat permet aux actionnaires de racheter leurs titres pour une part proportionnelle des fonds entiercés si l’opération admissible est réalisée. Ce droit peut être exercé que l’opération admissible nécessite ou non l’approbation des actionnaires. Quant à l’option permettant d’effectuer une distribution de liquidation, aux termes de celle-ci, la SAVS doit distribuer les fonds entiercés aux actionnaires advenant que l’opération admissible ne soit pas réalisée dans un délai de 36 mois après la conclusion du PAPE.
Historique des SAVS et potentiel d’attrait pour les sociétés émettrices de l’industrie du cannabis
Le programme des SAVS a été établi en 2008 par la TSX, mais jusqu’à tout récemment, le nombre de SAVS admises en bourse ou ayant réalisé une opération admissible était relativement faible. En octobre 2018, certaines modifications ont été portées aux règles régissant les SAVS mais avant cette date et durant la période de dix ans qui a suivi l’introduction du programme des SAVS, seulement six sociétés du genre avaient été lancées sur la TSX. Contrairement au programme des sociétés de capital de démarrage offert par la Bourse de croissance TSX (TSXV), le régime des SAVS exige qu’une société réalise un appel public à l’épargne afin d’amasser la considérable somme de 30 millions $ avant de pouvoir s’inscrire à la TSX ou à la NEO Bourse. Au fil du temps, le programme des SAVS s’est avéré peu pertinent compte tenu du volume de transactions canadiennes d’envergure. Il pourrait toutefois se révéler pertinent pour les grands émetteurs exerçant des activités liées à la marijuana aux États-Unis et cherchant une porte d’entrée vers les marchés boursiers.
Conformément aux politiques boursières, la TSX et la TSXV ont convenu qu’elles n’admettront pas d’émetteurs exerçant des activités liées à la marijuana aux États-Unis, au motif que le cannabis est toujours illégal en vertu des lois fédérales américaines en tant que substance contrôlée figurant à l’annexe I de la Controlled Substances Act des États-Unis. Par conséquent, les sociétés de cannabis émettrices établies aux États-Unis et les émetteurs canadiens exerçant des activités liées à la marijuana aux États-Unis se tournent de plus en plus fréquemment vers la Bourse des valeurs canadiennes (CSE) afin d’accéder aux marchés financiers du Canada. Cependant, quoique cette bourse ait adopté une approche réglementaire moins contraignante que la TSX et la TSXV à l’égard des émetteurs exerçant des activités liées à la marijuana aux États-Unis, il reste que la CSE n’offre pas l’option des SAVS comme instruments de placement.
Ainsi, la NEO Bourse peut s’avérer une bonne solution de rechange à la CSE pour les émetteurs de l’industrie du cannabis. Lancée en 2015, la NEO Bourse (dont le nom provient du préfixe neos, qui signifie « nouveau » en grec ancien) est la plus récente bourse à émerger sur le marché canadien et représente actuellement près de 10 % du volume de négociation de valeurs mobilières cotées au Canada. La NEO Bourse compte environ 70 inscriptions à la cote, la majorité desquelles sont actuellement des fonds cotés en bourse (dont deux font partie de l’industrie du cannabis) et des sociétés d'investissement à capital fixe. À l’heure actuelle, huit sociétés émettrices sont inscrites à la NEO Bourse, dont Columbia Care. Parmi ces sociétés émettrices figurent deux SAVS : Cannabis Strategies Acquisition Corp. et Canaccord Genuity Growth II Corp.
Cannabis Strategies Acquisition Corp. est la première SAVS à avoir été admise à la NEO Bourse, suite à la conclusion en décembre 2017 d’un PAPE de 135 millions $ (y compris un produit de 10 millions $ réalisé grâce à l’option en cas d’attribution excédentaire exercée par le preneur ferme, Canaccord Genuity Corp.) En mars 2019, les actionnaires de la société ont approuvé l’opération admissible proposée par cette dernière, soit l’acquisition simultanée de cinq entreprises de cannabis établies aux États-Unis dont les activités incluent la culture, la production et la distribution du cannabis et de produits connexes. La société n’a pas encore réalisé son opération admissible.
Canaccord Genuity Growth II Corp. a été admise à la NEO Bourse après avoir conclu un PAPE de 100 millions $ en avril 2019.
Plus récemment, le 18 avril 2019, une SAVS nommée Mercer Park Brand Acquisition Corp. (Mercer Park), a déposé un prospectus provisoire visant un PAPE proposé, dont la valeur s’élevait à 250 millions $ et dans le cadre duquel Canaccord Genuity Corp. agit à titre de preneur ferme. Suite à la conclusion de son PAPE, Mercer Park entend cibler des entreprises de l’industrie du cannabis et/ou d’industries connexes d’une valeur se chiffrant entre 300 et 800 millions $ pour la réalisation de son opération admissible. Une fois son PAPE conclu, Mercer Park deviendrait la quatrième des SAVS inscrites à la cote de la NEO Bourse, lesquelles sont toutes axées sur le secteur du cannabis. Mentionnons par ailleurs que Mercer Park et Cannabis Strategies Acquisition Corp. (la première SAVS admise à la NEO Bourse) sont indirectement détenues par Mercer Park, L.P., un bureau de gestion de patrimoine privé établi à New York.
La réalisation de l’opération admissible de Columbia Care et la conclusion de PAPE par deux SAVS de l’industrie du cannabis portent à croire que la SAVS pourrait vraisemblablement constituer un instrument novateur pour les grands émetteurs désirant accéder aux marchés boursiers, notamment pour ceux qui exercent des activités liées à la marijuana aux États-Unis. En effet, dans cette industrie, les SAVS se révéleront sans doute de plus en plus pertinentes, car en plus d’éliminer les obstacles habituels, elles donnent la possibilité aux émetteurs en mesure de remplir les critères d’inscription d’être admis à une bourse reconnue, et ce, dans le cadre d’un processus efficace et économique.
En outre, les SAVS présentent divers avantages généraux pour les entités qui y participent : les fondateurs gagnent l’accès aux fonds d’un grand bassin d’investisseurs initiaux et les investisseurs profitent pour leur part d’une occasion de réaliser un co-investissement avec des personnes possédant de fines connaissances et une vaste expérience dans leur secteur d’industrie respectif. De plus, les règles régissant les bourses protègent les investisseurs advenant que ces derniers n’approuvent pas l’opération admissible ou que l’opération ne soit pas réalisée dans le délai prescrit. Sans oublier que le recours aux SAVS diminue les coûts normalement associés à la réalisation d’un PAPE et réduit le temps d’inscription à la cote, ce qui permet aux entreprises de procéder de manière plus efficace lorsqu’il s’agit d’accéder aux marchés financiers du Canada ou au reste des capitaux provenant de l’acquisition pour financer leurs activités ou leur croissance.
Innovation en matière de placement aux États-Unis pour les investisseurs du Canada
Certaines transactions provenant des États-Unis et visant le nord de la frontière (comme l’opération réalisée par Columbia Care pour s’inscrire à la NEO Bourse) illustrent comment les sociétés de cannabis émettrices américaines peuvent accéder aux marchés financiers du Canada. Inversement, l’acquisition récemment annoncée d’Acreage Holdings Inc. par Canopy Growth Corp. pour la somme de 3,4 milliards de dollars démontre une approche novatrice quant à la réalisation d’un investissement aux États-Unis par un émetteur canadien coté en bourse au Canada (TSX : WEED) et aux États-Unis (NYSE : CGC). L’opération est entre autres assujettie à la légalisation fédérale du cannabis aux États-Unis et si cette condition n’est pas remplie ou annulée à l’intérieur des délais prescrits, l’entente sera automatiquement résiliée.
Les prochaines étapes
Gowling WLG surveille les tendances en matière de financement et l’évolution de la réglementation au Canada et aux États-Unis et elle est idéalement positionnée afin d’aider les émetteurs à s’inscrire aux bourses canadiennes reconnues, à respecter leurs obligations de divulgation continue et à explorer les perspectives transfrontalières. Doté d’une vaste expérience et d’une expertise pointue, le groupe de pratique multidisciplinaire de Gowling WLG dédié au secteur du cannabis aide les sociétés émettrices de toutes tailles à se conformer aux règlements canadiens visant le cannabis ainsi qu’à consolider, financer et faire croître leurs affaires.
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