Aux vues des dernières mesures gouvernementales, nous vous proposons un éclairage sur l'impact pour votre activité de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, telle que modifiée par l'ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020.

L'Ordonnance n° 2020-306 affecte essentiellement les délais arrivant à échéance entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, lui-même censé durer deux mois à compter du 24 mars 2020 sauf report (ci-après dénommée, pour nos fins, la "Période d'Urgence Augmentée d'Un Mois").

Pour un aperçu général de l'Ordonnance n° 2020-306, nous vous reportons à l'alerte de notre équipe "Commercial".

Il convient de préciser que l'Ordonnance n° 2020-306 est différente de celle en date du même jour portant le n° 2020-316 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de covid-19, qui s'adresse particulièrement aux microentreprises éligibles au fonds de solidarité, dont les conditions d'éligibilités excluent un bon nombre de professionnels (sont ainsi exclues du dispositif les entreprises ayant plus de dix salariés, ayant réalisé un chiffre d'affaires supérieur à 1.000.000 d'euros et un bénéfice imposable supérieur à 60.000 euros au cours du dernier exercice, ou encore contrôlées par une société commerciale au sens de l'article L. 233-3 du Code de commerce). Si ces dernières ne paient pas leurs loyers et charges locatives dont l'échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de non pas un mais deux mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, elles "ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d'astreinte, d'exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d'activation des garanties ou cautions".

Les acteurs du monde immobilier noteront notamment les applications suivantes :

Tacite reconduction des baux civils, mandats et autres contrats assortis d'une clause de reconduction tacite :

Le délai pendant lequel l'une des parties peut aviser l'autre du non-renouvellement du contrat, si ce délai expire pendant la Période d'Urgence Augmentée d'Un Mois, est prolongé de deux mois après la fin de cette période (article 5 de l'Ordonnance n° 2020-306). Si la date de tacite reconduction (l'expression juridique qui désigne le renouvellement automatique d'un contrat) intervient avant l'expiration du délai de notification de la non-reconduction ainsi prorogé, le contrat sera-t-il reconduit à cette date mais sous condition résolutoire de la notification d'un avis de non-reconduction formulé pendant le délai prorogé ? Ce serait une interprétation possible. Les baux commerciaux qui sont prolongés (et non reconduits) tacitement à leur terme ne semblent pas concernés.

Non-application des astreintes, clauses pénales, clauses résolutoires et autres clauses prévoyant une déchéance :

Un locataire (autre qu'une microentreprise bénéficiant des mesures de report des loyers de l'ordonnance n° 2020-316) qui, sans en avoir le droit, cesserait de payer les loyers dont la date d'exigibilité tombe durant la Période d'Urgence Augmentée d'Un Mois, pourrait arguer que la date à laquelle les clauses pénales et la clause résolutoire du bail produiront leurs effets est reportée d'une durée, calculée après la fin de la Période d'Urgence Augmentée d'Un Mois, égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est "née" (étant rappelé que la jurisprudence considère que la créance de loyer, dite à exécution successive, prend naissance à la date de conclusion du contrat et non pas au fur et à mesure de son exécution) et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée, pour reprendre la nouvelle rédaction de l'article 4 de l'Ordonnance n° 2020-306 issue de l'ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020.

De la même manière, un emprunteur qui, sans en avoir le droit, ne paierait pas l'échéance d'un crédit dont la date d'exigibilité tombe durant la Période d'Urgence Augmentée d'Un Mois, pourrait arguer que la date à laquelle la clause d'exigibilité anticipée du crédit pourra produire ses effets est reportée d'une durée, calculée après la fin de la Période d'Urgence Augmentée d'Un Mois, égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est "née" et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée, sans préjudice des autres conséquences que les documents de financement attachent aux cas de défaut et qui ne peuvent pas être caractérisées de clauses pénales ou de clauses de déchéance du terme, étant rappelé que la clause majorant le taux des intérêts contractuels, en cas de défaillance de l'emprunteur, s'analyse en une clause pénale selon la Cour de cassation (Com. 5 avr. 2016, no 14-20.169 P: D. 2016. 2244).

L'ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 a ajouté que, pour les obligations autres que celles de payer une somme d'argent, ce dispositif s'applique même si les obligations concernées sont échues après la Période d'Urgence Augmentée d'Un Mois. Ainsi une entreprise qui doit exécuter certains travaux dans un certain délai expirant après la Période d'Urgence Augmentée d'Un Mois pourra arguer que la date à laquelle les clauses pénales et la clause résolutoire prennent effet est reportée d'une durée égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est "née" et, d'autre part, la fin de la Période d'Urgence Augmentée d'Un Mois.

Nous attirons votre attention sur le fait que selon nos informations, les procédures d'exécution forcée ainsi que les saisies seraient actuellement gelées sur instruction de la Chambre Nationale des Huissiers de Justice.

Permis de construire :

Délais d'instruction

L'ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 a ajouté un article 12 ter à l'Ordonnance n° 2020-306 précisant que les délais d'instruction des demandes d'autorisation et de certificats d'urbanisme et des déclarations préalables prévus par le livre IV du code de l'urbanisme ainsi que les procédures de récolement prévues à l'article L. 462-2 du même code, qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire. Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'urgence sanitaire est reporté à l'achèvement de celle-ci. Les mêmes règles s'appliquent aux délais impartis aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, aux services, autorités ou commissions, pour émettre un avis ou donner un accord dans le cadre de l'instruction d'une demande ou d'une déclaration préalable.

Délais de recours

L'ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 a ajouté un article 12 bis à l'Ordonnance n° 2020-306 précisant que les délais applicables aux recours et aux déférés préfectoraux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus. Ils recommencent à courir à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire (deux mois à compter du 24 mars 2020 sauf report) pour la durée restant à courir le 12 mars 2020, sans que cette durée puisse être inférieure à sept jours. Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'urgence sanitaire est reporté à l'achèvement de celle-ci.

Durée de validité

Tout permis de construire qui viendrait à expiration pendant la Période d'Urgence Augmentée d'un mois sera prorogé de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la fin la Période d'Urgence Augmentée d'Un Mois (article 3 de l'Ordonnance n° 2020-306), soit trois mois après la cessation de l'état d'urgence sanitaire.

Purge du droit de préemption urbain :

L'ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 a ajouté un article 12 quater à l'Ordonnance n° 2020-306 précisant que les délais relatifs aux procédures de préemption, prévues au titre Ier du livre II du code de l'urbanisme et au chapitre III du titre IV du livre Ier du code rural et de la pêche maritime, à l'issue desquels une décision, un accord ou un avis peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n'ont pas expiré avant le 12 mars 2020, sont, à cette date, suspendus. Ils reprennent leur cours à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire pour la durée restant à courir le 12 mars 2020. Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'urgence sanitaire est reporté à l'achèvement de celle-ci.

La date de réitération authentique des promesses en cours devra donc être reportée sauf renonciation expresse par la collectivité territoriale compétente, un avenant de prorogation pouvant être nécessaire à cette fin.

Absence de report du délai de rétractation de l'acquéreur :

L'ordonnance n°2020-427 du 15 avril 2020 a modifié l'article 2 de l'Ordonnance n° 2020-306 afin que les "délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement", comme les délais prévus pour le remboursement de sommes d'argent en cas d'exercice de ces droits, ne soient pas affectés par un report.