Michael Crichton
Associé
Agent de brevets
Article
23
2020 a été une année bien remplie pour le droit canadien des brevets. Cet article fait la synthèse des décisions importantes rendues par les tribunaux dans le droit et la pratique des brevets au Canada.
Dans l'affaire de Nova Chemicals Corporation c. Dow Chemical Company (2020 CAF 141), la Cour d'appel fédérale a confirmé un jugement attribuant à Dow Chemical une indemnité de 644 M$. Il s'agit, dans les annales, de la plus importante indemnité pécuniaire consentie par un tribunal canadien pour contrefaçon de brevet. Comme nous l'avions précisé dans un article précédent, cette somme de 644 M$ est constituée d'une redevance raisonnable pour contrefaçon pendant la période qui a précédé l'octroi du brevet, du manque à gagner en profits pour la période suivant l'octroi du brevet et du manque à gagner en profits découlant de l'« effet tremplin » (« springboard profits ») sur la période de 20 mois suivant l'expiration du brevet.
En rendant une décision favorable au calcul des indemnités au titre du manque à gagner en profits, la Cour d'appel a confirmé que deux règles s'appliquent dans ce calcul : 1) seuls sont restitués les profits effectifs, soit le chiffre d'affaires réel auquel on retranche des coûts réels; et 2) seuls sont restitués les profits perdus en raison de la contrefaçon du brevet. Ces règles signifient que le critère hypothétique du « facteur déterminant » (« but for test ») ne s'applique pas dans le contexte du calcul du manque à gagner en profits; il doit y avoir un lien de causalité entre les profits à restituer et la contrefaçon du brevet. Ainsi, quand la défenderesse est en mesure de prouver qu'une partie ou la totalité de ces profits est imputable non pas au brevet en cause, mais plutôt à un aspect non lié à la contrefaçon du produit contrefait, la restitution des profits est réduite ou rejetée en conséquence. Dans son analyse de la répartition, la Cour peut tenir compte de la ligne de conduite adoptée sans contrefaçon du brevet, ce qui permet d'isoler effectivement la valeur du brevet, c'est-à-dire le « seuil en cas de non-contrefaçon ».
En outre, la Cour d'appel a modifié l'approche généralement reconnue dans la déduction des frais, qui avait été appliquée dans les précédentes affaires de calcul des profits. Jusqu'à ce que cette décision soit rendue, généralement, les contrefacteurs n'étaient autorisés qu'à déduire les coûts différentiels liés à la production et à la vente du produit contrefait; en principe, on ne pouvait pas déduire les frais généraux ni les coûts fixes. Toutefois, la Cour d'appel a jugé qu'il était injuste, pour le contrefacteur, de le priver de son droit de déduire les coûts fixes entrant dans le calcul des frais de fabrication d'un produit contrefait. Elle a donc décidé que le contrefacteur avait le droit de déduire l'« intégralité des coûts », même si dans les cas où il fabrique différents produits (dont des produits non contrefaits), seule peut être déduite la part des coûts fixes attribuable à la fabrication du produit contrefait.
En 2020, la Cour fédérale a tranché trois affaires par jugement sommaire ou par procès sommaire. Ces décisions découlent de la décision rendue en 2019 dans l'affaire Canmar Foods c. TA Foods; comme nous l'indiquons dans notre article Faits saillants de 2019, avant l'affaire de Canmar Foods, il était rare que dans les actions sur les brevets, les affaires soient débattues dans une procédure sommaire. Puisque depuis deux ans, quatre décisions ont ainsi été rendues par trois juges différents, il est désormais évident que la Cour voit d'un bon œil le recours à ces mécanismes pour se pencher sur les questions pertinentes.
La première affaire débattue en 2020 est celle de ViiV Healthcare c. Gilead (2020 CF 486), dans laquelle la Cour a accueilli la requête en procès sommaire dans une action en contrefaçon de brevet pharmaceutique. La Cour a soutenu que la requête en procès sommaire était appropriée, puisqu'elle consistait uniquement à interpréter (et, par le fait même, à analyser) la contrefaçon d'un même élément de la revendication. En fait, l'affaire ViiV s'apparentait à une audience canadienne de l'arrêt américain de la procédure Markman.
La deuxième affaire débattue en 2020 est celle de Gemak c. Jempak (2020 CF 644). L'affaire Gemak portait aussi sur un problème d'interprétation préliminaire, dont le règlement, en faveur de la défenderesse, a donné lieu à un jugement sommaire qui avait pour effet de débouter l'action déposée.
Enfin, un jugement sommaire a été rendu dans une action en invalidation sur la foi de l'évidence dans l'affaire Flatwork Technologies c. Susan Brierley (2020 CF 997).
En 2020, la Cour fédérale a rendu ses deux premières décisions dans l'interprétation du Règlement sur les certificats de protection supplémentaire (CPS), entré en vigueur en septembre 2017. Comme vous le constaterez en cliquant sur ce lien et sur cet autre lien, la Cour a, dans les deux cas, fait valoir qu'il est absolument essentiel de s'en tenir à l'Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne (UE) dans l'interprétation des dispositions du régime des CPS. Dans un cas comme dans l'autre, la Cour a fait valoir que le ministre avait à mauvais escient imposé des restrictions supplémentaires dans l'admissibilité des brevets de médicaments constitués d'une combinaison d'ingrédients médicinaux ou actifs.
Glaxosmithkline Biologicals SA c. Canada (Santé) (2020 CF 397)
Le brevet pour lequel l'admissibilité du CPS était en cause renfermait des affirmations sur la formulation d'un vaccin qui regroupait à la fois l'antigène et l'adjuvant dans le produit SHINGRIX®. La décision constituait une révision judiciaire du refus du ministre de délivrer un CPS sur la foi de sa position : il affirmait que la combinaison de l'antigène avec l'adjuvant ne relevait pas de la définition du terme « ingrédient médicinal » dans le Règlement sur les certificats de protection supplémentaire. La décision de Santé Canada était subordonnée à sa classification des adjuvants à titre d'excipients, ce qui en faisant des ingrédients non médicinaux.
Puisque la notion d'« ingrédient médicinal » n'est pas définie dans les lois canadiennes, la Cour fédérale s'est penchée sur le libellé de l'AECG, qui définit le produit protégé comme « le principe actif ou la composition de principes actifs » et a soutenu que l'activité biologique était la mesure destinée à assurer la protection prévue dans le CPS au Canada. Dans cette affaire, l'antigène et l'adjuvant étaient biologiquement actifs, et à lui seul, ni l'un ni l'autre ne déclenche de réponse immunitaire. Le juge Robert Barnes a rejeté l'approche de Santé Canada, qui considérait que les adjuvants étaient des excipients, et a fait savoir que le ministre avait adopté une « vision administrative étroite », et n'avait ni tenu compte de l'AECG ni appliqué les dispositions dans son raisonnement.
Il faut aussi noter l'observation de la Cour fédérale selon laquelle aucune loi canadienne n'empêche de revendiquer le droit, pour une formulation, à la protection prévue dans le CPS.
ViiV Soins de santé ULC c. Canada (Santé) (2020 CF 756)
L'affaire ViiV se rapporte elle aussi à la révision du refus, par le ministre de la Santé, de délivrer un CPS. Le brevet en cause renfermait des affirmations sur le dolutégravir, qui est l'un des deux ingrédients médicinaux dans le médicament combiné JULUCA® pour le VIH. Le ministre avait refusé de délivrer un CPS d'après son interprétation du Règlement sur les certificats de protection supplémentaire; il voulait, pour délivrer le CPS, que les brevets portent sur la combinaison de tous les ingrédients médicinaux dans un produit combiné. Cette interprétation du Règlement sur les certificats de protection supplémentaire aurait pour effet de donner au régime canadien une interprétation plus étroite que l'AECG, qui vise à assurer la protection des brevets portant sur les ingrédients médicinaux uniques, qu'ils soient utilisés seuls ou dans un produit combiné. Selon la Cour, le fait que le ministre ne se soit pas demandé si le RCPS pouvait être interprété en harmonie avec l'AECG, au lieu de le limiter expressément, a été fatal pour son interprétation.
La juge Janet Fuhrer a déclaré que pour délivrer le CPS, le médicament doit être « novateur et créatif », et non « nouveau ». La Cour a aussi jugé que le produit en cause n'était pas une variante mineure d'un produit préexistant et qu'il constituait en fait un produit novateur puisqu'on avait délivré l'avis de conformité (AC).
Les modifications apportées au Règlement sur les médicaments brevetés, qui devraient entrer en vigueur le 1er juillet 2021, viennent actualiser la réglementation-cadre du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB). Dans une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale était appelée à se pencher sur la validité de trois aspects du texte de loi modifié : 1) l'article 3(4) (le « nouveau calcul des prix »), qui étoffe l'information obligatoire que doit déposer le breveté; 2) l'article 4 (les « nouveaux facteurs obligatoires »), qui a pour effet d'augmenter les facteurs qui entrent en ligne de compte lorsqu'il s'agit de savoir si le prix d'un médicament breveté est « excessif » en vertu du paragraphe 85(1) de la Loi sur les brevets; et 3) l'article 6, qui modifie l'ensemble des pays de comparaison. Une contestation comparable a aussi été déposée devant la Cour supérieure du Québec.
La Cour fédérale (2020 CF 725) et la Cour supérieure du Québec ont toutes deux affirmé que les dispositions sur le nouveau calcul des prix outrepassent le pouvoir de réglementation conféré par la Loi sur les brevets. Les articles 4 et 6 ont été jugés valides. On en a appelé de la décision de la Cour fédérale quant à ces trois articles.
Dans l'affaire Yves Choueifaty c. Attorney General of Canada (2020 CF 837), le juge Russel Zinn a rejeté l'approche « problème solution » de l'Office de la protection de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) dans l'interprétation des revendications sur les demandes de brevet en instance, en faisant valoir que cette approche ne concorde pas avec la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, qui exige une interprétation téléologique des revendications.
Comme l'indique plus en détail cet article précédent, la demande de brevet en cause se rapportait à une méthode informatique pour créer des portefeuilles anti-repère. L'examinateur et la Commission d'appel des brevets ont tous deux rejeté la requête en faisant valoir que les revendications portaient sur un sujet inadmissible à la protection par brevet. En particulier, la Commission d'appel des brevets faisait valoir que la demanderesse tentait de résoudre un « problème de conception de portefeuilles financiers et d'investissement » en aménageant un portefeuille anti-repère et que cette solution visait à « mettre un schéma ou des règles à exécution, soit […] effectuer de simples calculs », ce qui constituait un algorithme abstrait non brevetable inadmissible à la protection par brevet.
Or, dans l'appel déposé auprès de la Cour fédérale, le juge Russel Zinn a infirmé la décision de rejeter la requête de la Commission d'appel des brevets. En particulier, la Cour a affirmé que l'interprétation des revendications pendant la poursuite doit se dérouler téléologiquement, conformément à la jurisprudence de la Cour suprême du Canada. Il s'agit entre autres de tenir compte de l'intention exprimée par l'inventeur dans sa demande de brevet lorsqu'il s'agit de déterminer les éléments essentiels d'une revendication et son admissibilité, au lieu de ne considérer que le ou les éléments qui pourraient être nécessaires pour résoudre un problème précis.
Dans une action en contrefaçon faisant intervenir deux importantes entreprises de fabrication de patins, soit l'affaire Bauer Hockey Ltd. c. Sport Maska Inc. (CCM Hockey) (2020 CF 624), la Cour a rejeté l'interprétation large de Bauer dans les revendications de son brevet au motif que cette interprétation était incompatible avec l'historique de l'examen de la demande de brevet et qu'elle n'était pas motivée dans les revendications ou dans la description du brevet. Le juge Sébastien Grammond a jugé que les revendications du brevet invoquées par Bauer sont évidentes et qu'il n'y avait pas de contrefaçon du brevet.
Notamment, la Cour a expliqué que l'article 53.1 de la Loi sur les brevets porte sur les cas dans lesquels un breveté tente de soutenir une interprétation de revendication de manière à reprendre le terrain concédé pendant la poursuite sur la demande de brevet pour éviter l'antériorité. Dans cette affaire, en réaction à l'opposition du Bureau des brevets à l'évidence de certaines revendications, Bauer a modifié une revendication indépendante en faisant valoir de nouvelles limitations. Pendant le procès, l'interprétation proposée par Bauer constituait, selon la Cour, une tentative de reprendre le terrain cédé quand des limitations avaient été ajoutées pendant la poursuite et d'étendre rétroactivement la portée des revendications.
Dans l'affaire Allergan Inc. c. Sandoz Canada Inc., (2020 CF 1189), une entreprise canadienne titulaire d'un brevet a déposé une action pour contrefaçon de brevet contre un fabricant de médicaments génériques. Elle n'a pas eu gain de cause en alléguant la contrefaçon, malgré la non-évidence du brevet. Dans l'analyse de l'interprétation des revendications, un problème important a surgi relativement au nouvel article sur l'historique des poursuites de la Loi sur les brevets (article 53.1), notamment la question de savoir si les arguments de l'interprétation déposés dans les litiges par le « porteur de licence » sont limités par les affirmations du « breveté » pendant la poursuite.
La Cour fédérale a jugé que le sens simple et ordinaire du libellé de l'article et l'interprétation contextuelle de la Loi et du droit jurisprudentiel pertinent étayent le point de vue voulant que le terme « breveté » ne signifie pas « porteur de licence ». Ainsi, à moins que le breveté fasse une déclaration en ce qui a trait à l'interprétation des revendications pendant une instance, l'article 53.1 ne s'applique pas, ce qui rend la preuve rétrospectivement inadmissible.
En tirant cette conclusion, le juge en chef a tenu compte de l'historique de la loi et du fait que l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada (IPIC) avait fait une recommandation, qui n'avait finalement pas été adoptée, afin de modifier le libellé de la définition du « breveté » pour le remplacer par « le breveté ou toute personne se réclamant du breveté ».
Au Canada, historiquement, alors que les conflits sur la contrefaçon et la validité des brevets sont presque toujours tranchés devant la Cour fédérale, les litiges portant sur le titre de propriété des brevets sont tranchés par les tribunaux provinciaux. En effet, la Cour fédérale était considérée comme un tribunal dont les pouvoirs sont définis dans les lois et qui n'avait pas les compétences générales dont justifiaient les tribunaux provinciaux pour trancher les différends contractuels.
Or, dans l'affaire Salt Canada Inc. c. John W. Baker (2020 CAF 127), la Cour d'appel fédérale a modifié cette approche et a soutenu expressément que la Cour fédérale avait la compétence expresse de rendre les ordonnances demandées liées aux titres de propriété des brevets par rapport au rôle de la Cour fédérale dans la surintendance du Bureau des brevets. La Cour d'appel fédérale a fait savoir que le fait que les ententes et les autres actes commerciaux doivent être libellés et interprétés dans le cadre de l'exercice des pouvoirs n'élimine pas cette compétence; l'interprétation des ententes et des autres actes commerciaux n'est pas du ressort exclusif des cours supérieures provinciales. Puisque la Cour fédérale est compétente, en vertu de l'article 52 de la Loi sur les brevets, pour ordonner que toute inscription dans les registres du Bureau des brevets se rapportant au titre d'un brevet soit modifiée ou radiée, elle reste libre d'accomplir cette tâche « même si cela implique l'interprétation de contrats et d'autres actes ».
Depuis que cette décision a été rendue et en conséquence de ladite décision, il y a eu au moins une autre affaire dans laquelle la Cour fédérale s'est penchée et a rendu une décision sur un conflit de propriété de brevet.
Dans l'affaire Loop L.L.C. c. Maxill Inc. (2020 ONSC 5438), la Cour divisionnaire de l'Ontario a accueilli l'appel interjeté dans la décision d'un tribunal inférieur et a conclu que les dispositions « interdisant de juger de la validité d'une contestation » dans un règlement étaient exécutoires.
Les ententes de règlement de brevets et les accords de licence comportent parfois des dispositions qui obligent le défendeur ou le porteur de licence à s'abstenir à jamais de contester la validité du brevet en cause. Auparavant, le tribunal inférieur avait soutenu que ces dispositions étaient contraires à l'ordre public et qu'elles étaient donc inexécutoires. En particulier, ce tribunal inférieur a soutenu que ces dispositions empêchaient d'adopter une position juridique potentiellement valide, qui pouvait avoir des répercussions sur l'ensemble de l'ordre public.
Dans l'appel interjeté, la Cour divisionnaire n'était pas d'accord et a soutenu que bien que le pouvoir de contracter était soumis à des limites dans les cas où l'ordre public est lésé (par exemple, dans une entente de fixation de prix entre des concurrents par rapport à un bien ou à un service d'intérêt général), une entente contractuelle conclue pour empêcher de se prévaloir par la suite d'un moyen de défense normalement accessible simplement parce qu'il donnera lieu à un gain personnel ou à la protection d'une partie n'est pas valable. Dans cette affaire, le contrevenant accusé n'a pas déposé de preuve de « prix », de sorte qu'on ne pouvait pas évaluer si le prix était « trop élevé ». Par conséquent, on ne pouvait pas déterminer, dans cette affaire, qu'une menace pesait sur la confiance du public dans l'administration de la justice.
En définitive, on a accordé au breveté une injonction provisoire et interlocutoire interdisant au contrevenant accusé de contester, directement ou indirectement, la validité du brevet américain du breveté.
Dans le contexte des allégations de contrefaçon de brevet, la Cour fédérale a soutenu, dans l'affaire Fluid Energy Group Ltd. c. Exaltexx Inc. (2020 CF 81), que le paragraphe 7(a) de la Loi sur les marques de commerce peut être invoqué pour justifier le prononcé d'une injonction dans l'affaire en cause afin d'empêcher un breveté d'envoyer des lettres de mise en demeure. Le juge Nicholas McHaffie a conclu que c'est ce qu'il fallait faire.
Dans une requête présentée par le défendeur, la Cour a accordé l'injonction interdisant au breveté d'envoyer aux fournisseurs tiers de la défenderesse d'autres lettres de mise en demeure dans lesquelles il faisait valoir que ces fournisseurs s'adonnaient à la contrefaçon du brevet et menaçait de les poursuivre. Il y avait suffisamment de preuves pour invoquer un problème grave en ce qui a trait à chacun des éléments des déclarations en vertu du paragraphe 7(a). La preuve étayant le préjudice irréparable pour la défenderesse portait entre autres sur le fait qu'il s'agissait d'une petite entreprise dans un petit marché, que le nombre de fournisseurs disponibles était faible, que le produit en cause était important pour ses affaires et qu'il était difficile de quantifier la nature du préjudice. Puisque la demanderesse n'a pas déposé la preuve d'un préjudice potentiel pour ses intérêts commerciaux, la prépondérance des inconvénients favorisait l'octroi de l'injonction.
Par contre, l'injonction n'avait pas pour effet d'empêcher le breveté d'alléguer que la défenderesse avait contrefait le brevet ni de communiquer avec les clients de la défenderesse. La Cour a soutenu que la défenderesse n'avait pas établi de question grave à débattre en ce qui a trait à la fausseté des allégations de la demanderesse, qui faisait valoir que la défenderesse même était coupable de contrefaçon.
La Cour d'appel fédérale a été appelée à commenter différents aspects de la validité et de la contrefaçon d'un brevet dans l'affaire Hospira Healthcare c. Kennedy Trust (2020 CAF 30). Le brevet en cause portait sur l'usage de méthotrexate et d'infliximab en adjuvants pour le traitement de l'arthrite rhumatoïde et d'autres maladies auto‑immunes. Au procès, le breveté a eu gain de cause sur toutes ces questions, y compris la contrefaçon, l'antériorité, l'évidence, la méthode de traitement médical, la théorie de l'imprécision, l'inutilité et le double brevet. Voici les aspects dignes de mention de cet appel approfondi :
L'autorisation d'en appeler devant la Cour suprême a été rejetée en décembre.
La Cour d'appel fédérale a précisé, dans l'affaire Apotex c. Bayer (2020 CAF 86), les circonstances dans lesquelles on peut réunir les procédures qui portent sur les mêmes brevets en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité), mais qui font intervenir des parties différentes.
La Cour a adopté une interprétation stricte de la loi, qui restreint les circonstances dans lesquelles les instances peuvent être réunies. Elle a soutenu que la raison d'être des dispositions sur la réunion des instances du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité) (article 6.02) « consiste à favoriser le règlement d'une action, et d'une action seulement »; elle a fait savoir que l'efficacité et les économies pour les différentes parties dans des procédures multiples n'ont aucune incidence sur l'article 6.02.
Cette décision est venue renverser la pratique antérieure qui consistait à se pencher sur les différentes instances globalement, en se demandant quelle approche permettrait d'assurer la résolution équitable sur le fond de chaque instance, de la façon la plus expéditive et la moins onéreuse.
Dans l'affaire Apotex Inc. c. ADIR (2020 CAR 60), la Cour d'appel a confirmé la redétermination de la Cour fédérale de la question des profits, en décidant que bien qu'Apotex ait établi le volet « aurait pu » des arguments de défense sur les produits de substitution non contrefaisants, cette société n'avait pas établi qu'elle aurait adopté, dans ce cas, les produits non contrefaisants contenant du périndopril.
La Cour d'appel fédérale a réaffirmé le critère en quatre volets sur la lovastatine et a reconfirmé que ce critère ne se voulait pas exhaustif. En outre, la Cour a aussi déclaré que ces quatre questions de fait n'existaient pas isolément et que des recoupements étaient inévitables.
Dans l'appel interjeté, Apotex a insisté sur le volet « aurait eu ». La Cour d'appel fédérale n'a pas relevé d'erreur de droit ni d'erreur de fait, surtout après que la Cour fédérale ait bénéficié de deux plaidoyers invoquant des arguments exprimés par écrit et de vive voix et de la preuve déposée par tous les témoins sur la question des profits. La Cour a aussi expressément déclaré que la préférence subjective de la défenderesse et les décisions du « monde réel » sont pertinentes pour le volet « aurait eu » de l'analyse.
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